Signaux envoyés à l’extrême-droite : Emmanuel Macron ou la double pensée de Big Brother pour les nuls

Source [Atlantico] La stratégie et le discours d'Emmanuel Macron ainsi que la rencontre entre Bruno Roger-Petit et Marion Maréchal invitent à se replonger dans la célèbre oeuvre de George Orwell, "1984". Le chef de l'Etat est-il un adepte de la Double pensée, un terme inventé par George Orwell pour suggérer la capacité à accepter simultanément deux points de vue opposés ?

On prête à Emmanuel Macron cette réponse, un jour où il était une nouvelle fois en retard et avait joué excessivement avec les nerfs de ses invités: "Je ne suis jamais en retard puisque rien ne peut commencer sans moi !". Sans doute la formule se voulait-elle plaisante mais elle apparaît grinçante tant elle est entre bien dans la psychologie du personnage que les Français ont fait entrer à l'Elysée en 2017. Une des principales difficultés que le président aura à se représenter devant les Français pour briguer à nouveau leurs suffrages, c'est qu'il devra leur donner l'impression qu'ils existent encore dans son champ de conscience. L'élection de 2017 a eu lieu sur un malentendu: Emmanuel Macron semblait aller dans le sens du tiers des électeurs français qui sont les gagnants de la mondialisation. Il pouvait ignorer les autres, il avait en l'occurrence un socle solide. Mais le président s'est méthodiquement éloigné de ce socle. La libéralisation de l'économie ne peut se résumer à une réforme du code du travail qui est en partie une complexification. Au lieu de libérer les initiatives, le président a centralisé la décision politique comme jamais. L'Institut Montaigne, l'une des sources d'inspiration de la campagne d'Emmanuel Macron en 2016-17, défend depuis de longues années l'idée d'une "société de la confiance". Or jamais la défiance propre à la société française n'a été aussi grande qu'après trois années de quinquennat Macron. Le pays est plus divisé que jamais; or le président semble de moins en moins s'intéresser aux Français, même ceux qu'il n'ignorait pas d'emblée. 

Le Président ne semble pas s'émouvoir de la distance croissante qui existe entre lui et la quasi-totalité des Français. Ce n'est pas seulement que Narcisse prenne toujours plaisir à se regarder au miroir des sondages, qui semblent encore très favorables. Il est convaincu d'avoir l'arme rhétorique infaillible. Il s'agit du fameux "en même temps", dont on dirait qu'il est porté au rang d'un art si l'on ne devait pas se rappeler aussitôt qu'il s'agit de la bonne vieille dialectique hégélienne ou marxiste recyclée façon "sciences po". Il est vrai que l'on a rarement vu un diplômé de Sciences Po, ancien élève de l'ENA, doté d'une telle volonté de puissance. Le décalage devient de plus en plus visible avec le temps, entre cette volonté de puissance d'une part, et le manque de complexité du logiciel, d'autre part, qui préside à la décision politique. Qu'à cela ne tienne, pour pallier le fossé qui se creuse, Emmanuel Macron fait un usage toujours plus marqué, frénétique, pourrait-on dire, du "en même temps". En témoigne l'entretien accordé à l'Express pour Noël 2020. Le président ne veut pas qu'on le compare à VGE, ancien président récemment décédé, mais il veut comme son prédécesseur, continuer à gouverner au centre et refuse le clivage droite/gauche. Il n'aime pas que l'on dise que la France moyenne mais cette pose gaullienne ne l'empêche pas de refuser de parler de "souveraineté française": la souveraineté est européenne ou elle n'est pas, pour la France, désormais.   Le président voudrait continuer à pouvoir dire à la fois qu'il n'y a pas de culture française et qu'il est essentiel de défendre un sentiment de continuité historique; il voudrait pourvoir continuer à faire plaisir à tous les "décoloniaux" de France et du monde tout en prétendant mener une politique française en Afrique etc....

Pour réveiller le monde médiatique de sa torpeur juste après Noël, Bruno Roger-Petit a laissé fuiter qu'il avait déjeuné, voici quelques semaines, avec Marion Maréchal. La fausse confidence est signée Macron. Marion Maréchal tisse patiemment sa toile, à droite. Tout observateur politique sensé sait qu'Emmanuel Macron pourrait être battu soit par un rassemblement des droites soit par une union des gauches. C'est parce que Marine Le Pen se refuse à accepter cette évidence qu'elle stagne dans les sondages. Le danger, pour Emmanuel Macron, s'appelle Anne Hidalgo à gauche et Marion Maréchal à droite. Cette dernière, officiellement, n'a pas l'intention d'être candidate, mais comment ne pas voir son assiduité au travail, au sein du Centre d'Analyse et de Prospective récemment fondé, et la hauteur de vue qu'elle déploie, émission après émission? Alors Narcisse voudrait bien donner l'impression qu'il maîtrise la situation: avec Anne Hidalgo, c'est difficile puisqu'il a été incapable de la faire battre à la Mairie de Paris; il reste la droite, qu'il faut absolument tenir, en tout cas le centre-droit. Marion Maréchal est dangereuse parce que - les sondages confidentiels commandés le disent - elle rassemble jusqu'à une partie de l'électorat centriste. Il s'agit donc de montrer, par une gesticulation, que l'on n'a pas peu d'elle, que l'on laisse même déjeuner un de ses conseillers avec elle. On pourrait bien lui prendre quelques idées. 

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