Censure d’Autant en emporte le vent : «L’antiracisme rend désormais impossible toute nuance»

Source [Le Figaro] La censure est l’outil préféré des activistes de tout bord, regrette Anne-Sophie Chazaud qui déplore la polémique ayant abouti au retrait d’Autant en emporte le vent de la plateforme HBO. Elle y voit la manifestation d’une volonté totalitaire de rééducation culturelle.

Anne-Sophie Chazaud est chercheuse au Collège doctoral de Philosophie (UCLY) et auteur de Liberté d’inexpression, des formes contemporaines de la censure (l’Artilleur, parution reportée à septembre 2020).

Il avait été imaginé beaucoup de scénarios sur le «monde d’après» la crise sanitaire. Et probablement Victor Fleming, le réalisateur d’Autant en emporte le vent, ce monument de l’histoire du cinéma qui fait aujourd’hui l’objet d’une censure de la part de la plateforme HBO Max, en aurait-il dressé quelque fresque hollywoodienne somptueuse. Mais personne n’avait anticipé la brutale décompensation hystérique d’un gauchisme culturel devenu fou auquel le meurtre de George Floyd a fourni le prétexte et dont il a allumé la mèche.

Si l’indignation face à l’insoutenable violence policière subie par cet habitant noir du Minnesota de la part d’un policier blanc est saine et légitime comme doit l’être la réaction face à toute violence similaire à l’égard de qui que ce soit, les scènes délirantes auxquelles le traitement de cette tragédie donne lieu semblent relever bien davantage de la folie collective voire de la psychiatrie lourde.

La censure, on en a désormais pris l’habitude, est l’un des outils favoris des activistes, militants « woke  » et autres Social Justice Warriors.

Psychodrames publics, danses de Saint-Guy et convulsions dignes du cimetière de Saint-Médard en version 2.0, théâtralisations perverses d’une repentance qui n’ont rien à envier à la Révolution culturelle chinoise, pathos généralisé: tous les ingrédients sont là, de ce qui constitue la «société du spectacle» analysée dès 1967 par Guy Debord dans ce moment spécifique de l’américanisation de la civilisation, où la transparence et la pureté morale mises en scène (et c’est bien la mise en scène qui compte: il faut être vu pleurant, il faut être vu s’agenouillant, il faut être vu s’indignant, il faut être vu «antifasciste») servent de liquide placentaire dans lequel la valeur d’échange suprême constituée par la matrice antiraciste -et remplaçant toute forme de dialectique sociale- devenue obsessionnelle circule à pleins tuyaux.

La censure, on en a désormais pris l’habitude, est l’un des outils favoris des activistes, militants «woke» et autres Social Justice Warriors, et le quotidien de l’actualité «culturelle» (les guillemets s’imposent) regorge de ces inquisitions parfois violentes s’abattant sur le patrimoine et les œuvres de l’esprit, quelque jugement que l’on porte esthétiquement sur la valeur de celles-ci. Il serait impossible d’en dresser un tableau exhaustif tant le tir d’artillerie est soutenu. Rien que pour ces derniers jours, on a vu la statue de Churchill, l’un des grands combattants du nazisme, souillée et taguée pour des accusations de racisme, tandis que de ce côté du Channel certains participants de l’opportuniste mouvement pour Adama Traoré, dénonçant quelque fantasmatique racisme systémique français, enflammés notamment par les harangues de la Ligue de Défense Noire Africaine- laquelle s’était par exemple déjà distinguée en faisant censurer par l’intimidation et la violence la pièce dEschyle Les Suppliantes à la Sorbonne pour d’incultes et obscures accusations de blackface- , invitaient aimablement lors d’une manifestation à déboulonner la statue de Colbert, ce «gros fils de pute». Sur ces entrefaites, J.K.Rowling, l’auteur de la saga Harry Potter, devait quant à elle faire face, dans un autre compartiment de la «cage aux phobes», à une grotesque bronca pour avoir osé ironiser avec beaucoup de drôlerie sur le fait que ce sont les femmes qui ont leurs règles, et non des «personnes» mystérieuses («Je suis sûre qu’il y avait un mot pour ces gens-là auparavant. Est-ce que quelqu’un peut m’aider?»), ce qui a été jugé sacrilège et transphobe. On en viendrait presque à regretter le confinement…

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