Résister à la dictature rose

Source [Revue conflit] Discours de Rod Dreher à Rome, à la convention National conservatism, le 4 février 2020

Il y a cinq ans, j’ai reçu un appel d’un médecin américain. Il semblait très inquiet. Il m’a dit que sa mère avait émigré de Tchécoslovaquie en Amérique. Quand elle était jeune, elle a fait six ans de prison politique, parce qu’elle faisait partie d’un réseau catholique clandestin de résistance au communisme. La vieille dame, qui vit aujourd’hui avec son fils et sa belle-fille, a dit à son fils : « Les choses que je vois dans ce pays aujourd’hui me rappellent l’époque où le communisme a émergé dans notre patrie. »

Elle parlait de l’intolérance croissante, voire de l’hystérie, de la gauche contre tout ce qui est en contredit leur idéologie. Je savais que le politiquement correct constituait un vrai problème, mais la comparaison me semblait exagéré. Ce n’était qu’une vieille dame effrayée, me suis-je dit.

Mais au cours des années suivantes, j’ai rencontré davantage d’immigrants du bloc soviétique – des hommes et des femmes qui vivaient autrefois sous le communisme, mais qui ont fui vers l’Ouest. Je leur demandais à chaque fois : « Comment appréhendez-vous la situation actuelle ? Est-ce que cette vieille femme tchèque avait raison ? »

À maintes reprises, j’ai entendu la même chose : « OUI ! C’est vraiment en train de se passer, ici, sous nos yeux. Nous le sentons dans notre chair ». Le fait qu’aucun Américain ne les croit les met hors d’eux.

Je comprends pourtant le scepticisme auquel ils sont confrontés. J’étais sceptique aussi quand le médecin m’a appelé pour la première fois. Aujourd’hui, cependant, après avoir interviewé un certain nombre de ces personnes et avoir passé une grande partie de l’année dernière à voyager dans les anciens pays communistes de l’Europe de l’Est pour interviewer des anciens dissidents et des prisonniers politiques, je suis convaincu qu’ils ont raison. Comment ne pas songe à ce que disait Alexandre Soljenitsyne :

« On rencontre souvent ce préjugé tenace : ce ne serait pas pareil ici ; de telles choses seraient impossibles. Hélas, c’est tout le contraire : tout le mal qui a été commis au XXe siècle est possible aujourd’hui et partout. ».

Cela n’est pas seulement possible ici, dans l’Occident libéral et démocratique. Le mal prend forme en ce moment même. Les gens qui ont vécu le totalitarisme communiste essaient de tirer la sonnette d’alarme. Ils essaient de réveiller le reste d’entre nous avant qu’il ne soit trop tard. L’an dernier à Prague, Marek Benda, un homme politique tchèque issu d’une famille dissidente, me disait : « La lutte pour la liberté est toujours nôtre. Une seule génération nous sépare de la tyrannie ».

Lutter contre le nouveau totalitarisme qui vient

La lutte contre ce nouveau totalitarisme est le combat de notre génération. Ce combat a lieu ici et maintenant. Et il ne peut être évité.

Mais avant d’aller plus loin ce matin, définissons notre sujet. Qu’est-ce que le totalitarisme, au juste ?

Dans son célèbre ouvrage de 1951, Les origines du totalitarisme, Hannah Arendt a étudié les mouvements nazi et communiste afin de comprendre pourquoi ils attiraient autant les masses. Le totalitarisme englobe tous les aspects de la vie politique. Il ne cherche pas seulement à obtenir l’obéissance du peuple, il tente de forcer chacun à accepter l’oppression qu’il subit. On nous somme d’intérioriser l’idéologie dominante et de la faire nôtre. Comme l’a dit George Orwell, chacun doit apprendre à aimer Big Brother.

Nombre des conditions qu’Arendt considérait comme le terreau du totalitarisme sont présentes aujourd’hui dans nos démocraties libérales en déclin. Voici une courte liste de ces signes pré-totalitaires que nous pouvons observer aujourd’hui dans notre société :

– Une solitude généralisée et une atomisation sociale ;

– Une perte de confiance dans les institutions et les hiérarchies ;

– Un désir de transgression ;

– La montée en puissance des idéologies dans les mentalités collectives ;

– L’utilisation accrue de la propagande ;

– Le primat de la loyauté – envers une personne ou une idéologie – sur la connaissance objective ;

– La politisation de tous les sujets de société et des pans de l’existence.

Cependant, nous avons selon moi deux choses fondamentales qui nous distinguent de la Russie précommuniste et de l’Allemagne prénazie.

Premièrement, l’idéologie qui nous anime n’est pas le nationalisme raciste ou le marxisme-léninisme, mais plutôt une politique identitaire mondialiste et victimaire, celle du courant autoproclamé de la « justice sociale ». La classe révolutionnaire n’est pas le volk allemand ou le prolétariat international, mais les « marginalisés » et les « opprimés »., sacralisés derrière le statut indépassable de « victime ». Comme le bolchevisme, la justice sociale est un culte politique utopique. On peut lui trouver une ressemblance avec un programme politique, ou bien un système de thérapie managériale, mais la meilleure façon de le comprendre est de le considérer comme une religion séculière, un fanatisme séculier.

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