Face aux gilets jaunes, l'entre soi macronien

Le pamphlet de Juan Branco  , appelé Le Crépuscule – d’un règne, d’un régime, d’une société - , se lit d’un trait. Edité hors des grandes  maisons, qui en étonnera ?  on  dit qu’il  donnerait le coup de grâce à Macron : peut-être.

Riche  d’informations  sur les réseaux de l’oligarchie, de laquelle l’auteur  prétend être un transfuge, il met d’abord le doigt sur le rôle central de Xavier Niel, une des premières fortunes de France ,   démarrée dans les peep-show et le minitel rose qui lui avait valu des poursuites au chef de proxénétisme. Il est le gendre du très distingué  Bernard Arnault,  quatrième fortune mondiale et serait le  principal mentor de Macron. 

L’auteur s’attarde sur le cas emblématique  du jeune Gabriel Attal , élu député des Hauts-de Seine et fait récemment ministre à 29 ans , le plus jeune du gouvernement. Il décrit par le menu, non sans quelques réminiscences bourdieusiennes,  les réseaux qui se tissent au sein des école privées de  prestige (parmi lesquelles il compte Fermat à Toulouse, notoirement lycée public…), qui exigeraient  des frais de scolarité  exorbitants ( en fait dix fois moins que leur homologues anglaise sou américaines ).Mais qui croira  qu’ Attal n’a pas pu s’appuyer sur  d’autres  réseaux que les anciens de l’Ecole alsacienne ? A  demi-mot, ces derniers  sont d’ailleurs évoqués.

A l’avenant sont les  Griveau, Séjourné, Emelien, et autres Ludovic Chaker , arrivistes sans frein et sans principes , qui gravitent autour de la machine  de pouvoir marconienne ; et  parmi eux,  bien  sûr,   Benalla.

Il est montré avec pertinence  comment, poulain de l’oligarchie, Macron a été son instrument pour en servir les intérêts : alléger massivement les impôts dela caste supérieure , surtout  par le CICE  conçu par Hollande , le « président qui n’aimait pas les riches » à l’instigation de son  conseiller économique Macron . Le CICE, délestant l’Etat de plusieurs dizaines de milliards,  qui n’ ont  apporté aucun emploi contrairement à ce qui avait été promis, plus encore que  l’exonération de l’ISF sur les patrimoines   financiers, reflète  cette politique de classe  . C’est ce que Bravo appelle un  « transfert de ressources massif de la majorité  de la population vers un pourcentage infinitésimal de celle-ci ». Dans un contexte où n’est  fait aucun effort pour réduire les dépenses  publiques ,il a bien fallu  compenser ces allègements en alourdissant l’impôt sur tous les autres contribuables, moyens et petits ; d’où les Gilets jaunes .

Derrière les réseaux qui ont fait Macron, l’ immense veulerie  des médias , possédés à 90 % par les vingt premières fortunes françaises. Niel qui a placé des mises un peu partout est même actionnaire de Médiapart.

Rappel utile aussi du rôle décisif de Richard Descoings , ancien directeur de l’Institut d’études politiques  de Paris , aujourd’hui décédé  , dans la diffusion dans toute une génération de dirigeants dont Macron est le pur produit, d’une idéologie transnationale  où le mot France n’a plus de sens. 

 

Une approche très hexagonale

 

Ce pamphlet enlevé présente cependant  une lacune  importante . Tout se passe comme si l’affaire Macron n’était que franco-française, comme si elle n’était que  l’œuvre d’une  bourgeoisie nationale. Des dizaines de think  tanksou de  services d’espionnage américains scrutent en permanence la politique française :  ils seraient  restés inactifs dans la dernière  présidentielle ; la capitalisme français serait si  peu mondialisé  qu’il échapperait à toute interférence extérieure. Comment expliquer que le premier dîner de fund raising de Macron ait eu lieu à Londres sous la présidence d’un   associé de Goldman Sachs ? Sans donner dans la théorie d complot, Jean-Pierre Jouyet dont le rôle clef dans la campagne a été bien souligné a-t-il été nommé ambassadeur à  Londres seulement « pour le remercier et l’écarter »  ? Ne serait-il   pas une  courroie de transmission avec la City  qui demeure le centre nerveux de la finance mondiale ?

Quant à la politique de Macron, s’agit-il seulement pour  lui d’assurer une redistribution à l’envers de la richesse française ? Pourquoi dès lors brader la patrimoine industriel français « à la découpe » comme il l’a fait en commençant  par Alstom,  une affaire dont le rôle clef dans l’ascension de l’actuel  président  aurait pu être mieux souligné.

 

Si encore ils étaient compétents !

 

Terminons    par une remarque plus générale : les  réseaux de pouvoir ont toujours existé, la collusion de la République et de la finance tout autant, les inégalités, la corruption et le copinage aussi, mais  les oligarchies du passé savaient quelque part qu’elles étaient en  charge d’un peuple, que les rapports  des classes sociales n’était pas entièrement antagonistes. Beaucoup  de leurs membres étaient  de sincères patriotes  , soucieux de l’intérêt général , notions qui  sont devenues aujourd’hui des gros mots dans le milieu décrit par Bravo.

On peut même aller  plus loin . A la rigueur pourrait-on pardonner à  une oligarchie son  goût du lucre  si  au moins elle gérait les affaires de manière compétente. Mais c’est le contraire qui  arrive : la stagnation  de l’économie française , malgré ou à cause des cadeaux répétés aux riches, le recul  du pouvoir d’achat d’une grande partie des   Français , et tant d’autres dysfonctionnements  de l’administration et de  la société  françaises,  tout cela est le résultat d’erreurs graves de gestion, dont tout le monde pâtit,  y compris les oligarques eux-mêmes.

Nous aurons toujours, sous une forme ou sous une autre, une classe dirigeante, mais encore faudrait-il  , pour que les Français ne sentent pas trahis , qu’elle soit bonne à  quelque chose.

 

Roland HUREAUX