Il y a tout juste une semaine, l’Irlande votait massivement en faveur de l’avortement : 66,4 %, avec une forte mobilisation de la jeunesse, et des hommes de toutes générations. Le référendum abroge l'article constitutionnel  qui interdisait l'avortement, ce qui permet du même coup au gouvernement de faire voter une loi autorisant l'avortement jusqu'à la douzième semaine de grossesse.

« Un référendum qui nous réconcilie avec les référendums », se réjouit Le Monde. Tout le contraire du Brexit, l’archétype du « mauvais référendum. » Ce qui est formidable avec Le Monde, c’est la manière ingénue qu’ils ont d’assumer leur rhétorique de la manipulation. C’est vrai que c’est souvent ennuyeux, les référendums.  Le peuple ne vote pas toujours dans le bon sens, à tel point que l’on est obligé de le faire revoter pour être sûr qu’il se décide enfin à comprendre le sens de l’Histoire. Il est têtu, le peuple.

Alors oui, effectivement, l’Irlande a tourné massivement la page de la prohibition de l’avortement. Mais à quel prix. Ce qu’il faut rappeler, c’est que c’est la sixième fois en 35 ans que la question est posée aux Irlandais. Avec persévérance et systématicité : c’est ce que l’on appelle « faire de la pédagogie. » Un référendum tous les 5 à 6 ans en moyenne ; comment ne pas imaginer qu’une opinion publique ainsi lessivée ne finisse à un moment par céder ?

Ce qui fait froid dans le dos, ce sont les termes dans lesquels la question a été posée aux Irlandais. Pas de « droit pour la femme à disposer de son corps », de « mon corps m’appartient », ou autres rengaines bien connues du même genre, mais la révocation de cette assertion pourtant implacable : « la mère a un droit à la vie équivalent à celui de l'enfant à naître. » L’abrogation du 8e amendement ainsi formulé consacre donc la toute-puissance de la femme sur son petit.

Dans la Rome antique, le père disposait d’un droit de vie et de mort sur l’enfant. Il pouvait choisir d’abandonner sur la voie publique, donc à une mort certaine, le nourrisson qu’il refusait de reconnaître comme sien ou qui ne lui convenait pas. Aujourd’hui, ce droit est passé à la mère. On n’arrête pas le progrès, n’est-ce pas ?

Constance Prazel