Le halal : un vecteur politique et identitaire au service du communautarisme musulman

Source [Valeurs actuelles] Pour le professeur d'histoire Kevin Bossuet, l'essor du halal, loin de simplement répondre à une aspiration religieuse, est devenu un marqueur identitaire, avec la complicité des industriels de l'agroalimentraire.

Depuis le 17 mai dernier, jour du début du Ramadan, on ne compte plus, en France, le nombre de magasins et de grandes surfaces qui se sont mis aux couleurs de cette fête religieuse afin d’accompagner les musulmans dans ce rite obligatoire prescrit par le Coran. Des supermarchés Auchan qui ont proposé pour l’occasion un catalogue entièrement consacré à cette fête, aux magasins Carrefour avec leur catalogue « Goûtez aux saveurs du Ramadan », en passant par les hypermarchés Leclerc proposant au cours de ce mois des prix réduits sur les produits « Saveurs d’Orient », les offres promotionnelles qui s’adressent directement à la communauté musulmane vont en se multipliant. Il faut dire que les musulmans, qui représentent entre 8 et 9 % de la population française, constituent une cible commerciale de premier choix. Il est de ce fait logique que les produits halal, issus de l’abattage des bêtes selon un rituel bien particulier, abondent de plus en plus dans les rayons de nos supermarchés.

Or, malgré ce que certains prétendent, la viande halal n’est absolument pas dans la religion musulmane un interdit alimentaire comme l’alcool ou le porc. En effet, le principal verset qui délimite la frontière entre le « halal » (ce qui est autorisé) et le « haram » (ce qui est interdit) se trouve principalement dans la sourate 5 du Coran : « Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d’Allah, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévorée – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte […].» De plus, on trouve un peu plus loin, toujours dans la sourate 5, la phrase suivante : « Vous est permise la nourriture des gens du Livre, et votre propre nourriture leur est permise. » Cela signifie donc tout simplement que consommer « la viande des Juifs et des Chrétiens » est explicitement autorisé par le Coran et que les musulmans peuvent par conséquent consommer de la viande non halal à condition, comme le rappelle l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler dans son ouvrage Le marché halal ou l’invention d’une tradition, que les bêtes soient tuées par « blessure lors de la chasse, par saignée soit au niveau de la gorge, soit au niveau du sternum de l’animal ».

Le halal serait par conséquent, d’après la chargée de recherche au CNRS, « une tradition inventée » dans la mesure où il ne correspond pas à une obligation religieuse. En effet, comme elle l’affirme à juste titre : « Manger halal se présente aujourd'hui comme une pratique obligatoire pour les musulmans alors même que cette expression n’existait pas dans le monde musulman avant que les pays industriels ne l’y exportent. » D’ailleurs, en 2010, d’après un sondage réalisé par l’IFOP, 59 % des musulmans français affirmaient consommer systématiquement de la viande halal, et 28 % occasionnellement. Les pratiquants étaient 91 % à consommer halal, et les non-pratiquants 44 %. Si certains musulmans pratiquants, même très minoritaires, ne consomment pas de la viande halal et que près de la moitié des non-pratiquants en consomment, c’est bien que le halal ne relève pas du religieux mais de revendications purement identitaires. En effet, comme l’affirme Hakim El Karoui dans son livre L’islam, une religion française, ce marché participe amplement à renforcer cette bataille identitaire orchestrée en France depuis des années par « des traditionnalistes ou plutôt des conservateurs pour des raisons moins religieuses que sociales ou culturelles ». Ce qui fait dire à Florence Bergeaud-Blackler que le marché du halal serait né de la rencontre du néo-fondamentalisme islamiste (incarné par les Frères musulmans et les salafistes) et du néolibéralisme.

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