Les collégiens saisis par la pornographie

Source [Valeurs actuelles] Jean-Michel Blanquer a donc décidé d’interdire les portables au collège — au grand dam de certains pédagogues, qui les utilisent en classe pour inciter les élèves à s’envoyer des SMS (« Ki ka di koi ? ») afin de développer les compétences « Communiquer » et « Vivre ensemble ».

Et à la grande inquiétude de nombreux enseignants, qui se demandent comment faire appliquer cette nouvelle consigne — déjà mise en pratique, et depuis des années, dans nombre d’établissements, dont le mien, où un portable sorti dans l’enceinte de l’établissement, de la Sixième à la Terminale, est confisqué et rendu aux familles sur convocation.

Et c’est là que je voudrais en venir : c’est moins à l’institution scolaire d’interdire les portables qu’aux familles. Parce que si vous saviez à quoi servent les portables…

Vous pouvez en avoir une idée précise en feuilletant le dernier livre d’Ovidie, À un clic du pire — la protection des mineurs à l’épreuve d’Internet (Editions Anne Carrière, 2018). Ovidie est une ex-star de la pornographie française, désormais farouche adversaire de l’accès libre aux « tubes » qui déversent à flot continu des horreurs à vos enfants et petits-enfants. Et qui, protégés par le mastodonte YouTube, s’épanouissent sur le dos de bambins que leurs géniteurs croient toujours innocents.

Quand j’ai écrit, il y a six ans (l’Histoire va vite, ces temps-ci) La Société pornographique (Bourin Editeur), l’âge moyen — garçons et filles mêlés — du premier visionnage de film porno était de douze ans. Pour rappel, on vient de décider que l’âge du premier rapport supposé consenti (en dessous duquel ce sera donc qualifié de viol) sera de quinze ans — l’Histoire va décidément très vite. Les smartphones et l’inconscience parentale aidant, ce premier contact avec la pornographie est aujourd’hui descendu à neuf ans.

L’Histoire accélère encore…

Les « tubes », explique Ovidie, ce sont les sites qui alimentent le Web en films gratuits — Xhamster ou Pornhub, par exemple. Installés à l’étranger dans des paradis inexpugnables, ils sont relayés ici par les serveurs dont ils dépendent. Des serveurs qui au nom de la liberté d’expression et du droit à faire des bénéfices sur l’enfance maltraitée et les femmes humiliées, hurlent au loup dès que l’on propose de bloquer telle ou telle manne dont ils se repaissent et refusent obstinément de censurer quoi que ce soit. Ce que les Chinois et les Islandais, entre autres, font sans problème. Mais en France, nous sommes plus intelligents.

Lesdits serveurs protestent de leurs bonnes intentions en proposant des filtres parentaux, qui interdisent théoriquement l’accès des enfants, dans le cadre familial, aux sites obscènes. Mais les gosses, bien plus alertes que leurs géniteurs sur ce plan-là, ne passent plus depuis longtemps sur le circuit de la maison. Un smartphone leur suffit amplement. Xhamster revendique ainsi plus de 2 milliards de visiteurs uniques en 2016 sur son site. XVideos offre en ligne 10 700 000 vidéos classées par genre. C’est l’hypermarché du sexe gratuit.

Parmi ces deux milliards, combien de collégiens français ? Parmi ces 10 millions de films, combien ont été visionnés par vos enfants ? Oui, et après ? disent les avocats du diable. Après tout, ce ne sont que des images…

Le problème, c’est que ces images crues sont crues, si je puis dire. C’est que les enfants — parce qu’ils sont des enfants, et les adolescents sur ce plan-là sont aussi de grands mômes — croient que les pratiques affichées à l’écran sont naturelles. C’est ainsi que l’on observe une montée en flèche de la sodomie et de l’éjaculation faciale — un must obligé, à en croire les films offerts à la libre concupiscence de vos enfants. La consommation de produits additionnels et revigorants, censés réservés par la pharmacopée aux vieillards incertains, sont consommés désormais par la tranche 18-25 ans. Les cas d’impuissance se multiplient chez les post-adolescents, traumatisés par les performances de « hardeurs » piqués à la papavérine — mais qui le dit aux gosses scotchés à l’écran de leur Smartphone dans les angles morts de la cour de récréation ? Ils ne soutiennent pas la comparaison avec Rocco Siffredi ou Mr Marcus, les pauvres ! De quoi en concevoir de sacrés complexes d’infériorité — à vie.

Et les filles aussi ? Les filles aussi. Les sites (l’anglais que l’on apprend sur ces sites est relativement sommaire, à base de « oh my God ! » et de « you slut ! ») font salle comble… Les statistiques révèlent qu’elles acceptent des pratiques qu’elles détestent simplement parce qu’elles sont persuadées (et leurs jeunes partenaires également) que « ça se fait ».

Les cours d’initiation à la sexualité, confiés depuis 1973 aux malheureux enseignants de SVT (dont une majorité de femmes, souvent gênées d’aborder ces questions intimes), se confinent dans l’enseignement de la reproduction et des MST (Ovidie explique, non sans ironie, que la première mention du clitoris dans un manuel scolaire remonte à… 2017, dans un livre des éditions Magnard – et le vrai cours sur la question se trouve sur un site savant que ne fréquentent guère les mioches). Curieuse façon d’envisager sa future vie sentimentale, en Quatrième ou en Troisième. Et quand on tente d’expliquer les diverses techniques de contraception, avez-vous idée de ce que suggèrent des élèves nourris de gonzo anal sur des vidéos qui ne brillent guère par leur utilisation des préservatifs ?

Sans compter que la consommation engendre la frustration, qui engendre la surenchère. Ce qui se fait aujourd’hui dans l’univers pornographique est bien au-delà de ce qui se faisait il y a dix ans. Et l’exploitation du bétail humain est devenue la norme : Ovidie, qui s’y connaît, souligne qu’il y a vingt ans, les actrices venaient de l’Est pour travailler en France. Aujourd’hui les petites Françaises partent à l’Est, sous-payées, sur-exploitées, démolies en six mois.

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