L’échec international de l’Euro

[Source : russeurope.hypotheses.org]

Un nouveau graphique, produit à partir de données fournies par le Fond Monétaire International (FMI)[1], vient confirmer l’idée que l’Euro souffre actuellement d’une très forte crise de crédibilité. Il montre la montée puis la baisse de la part de l’Euro dans les réserves des Banques Centrales. Ajoutons que cela ne porte pas sur la totalité des réserves, car elles contiennent aussi de l’or (dans des quantités qui peuvent ne pas être publiques), des Droits de Tirages Internationaux (SDR) et d’autres titres. Au troisième trimestre de 2016 les montants se répartissaient comme suit :

Tableau 1

Montants, en millions de dollars (US) des réserves des Banques Centrales au 3èmetrimestre 2016

Total Foreign Exchange Reserves 11 009 220,95
Allocated Reserves 7 797 853,50

Source : Currency Composition of Official Foreign Exchange Reserves (COFER), International Financial Statistics (IFS)

 

On aboutit donc à 7 797,8 milliards pour les réserves dont la composition est publique pour un total des réserves de 11 009 milliards.

Tableau 1

Composition des réserves publiques des Banques Centrales

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  • La première leçon que l’on doit retenir de ce graphique est la baisse depuis l 3èmetrimestre de 2009 de la part de l’Euro. Il avait, à cette époque, atteint environ 28% du total des réserves. Cette baisse se joue en deux temps. Dans un premier temps, il passe, lentement, de 28% à 24% jusqu’au 1er trimestre 2014. Puis, il chute, jusqu’au 1er trimestre 2015, autour de 20% et ne bouge plus depuis cette date. L’Euro a donc clairement échoué à s’affirmer comme une monnaie de réserve internationale et à concurrencer le Dollar.
  • Car, et c’est la deuxième leçon de ce graphique, les monnaies des pays membres de la zone Euro avaient une part plus importante avant l’existence de l’Euro. On calcule cette part en ajoutant les montants des réserves en Deutsch Mark, en Franc français, en Guilder néerlandais, et en ECU, qui composait à l’époque une large part des réserves des autres pays (étant lui-même composé d’un « panier » avec du DM et du FF). Ces monnaies des pays « membres » de la zone Euro atteignaient 26% des réserves internationales en 1995. Ce qui confirme bien le diagnostic posé à la première leçon. Si l’Euro s’était affirmé comme une monnaie de réserve internationale, sa part aurait dû augmenter au-delà des 26% pour atteindre peut-être 40%. Il n’en fut rien, et cela sonne le glas des espoirs de certains de voire l’Euro remplacer, ou du moins concurrencer le Dollar.
  • La troisième leçon cependant est que cet échec de l’Euro n’est pas synonyme de succès pour le Dollar. Après avoir dépassé les 70% dans les premières années de l’introduction de l’Euro, il décline régulièrement jusqu’en 2014 (61%), tandis que montent les « autres monnaies ». Il ne connaît un semblant de regain qu’à l’occasion de la crise actuelle de l’Euro mais n’atteint toujours pas les niveaux de 2000-2002 puisqu’il reste autour de 63% du total des réserves déclarées. Il y a donc un véritable interrogation latente sur le rôle du Dollar que n’entame pas la crise de l’Euro.
  • La quatrième leçon est, qu’à coté des « petites » monnaies traditionnelles (Livre Sterling et Yen japonais) on assiste à une hausse, certes limitée, des nouvelles monnaies (dollar canadien et dollar australien entre autres). Ces monnaies représentent 7,2% du total actuellement. En y additionnant le Yen et la Livre, on arrive à 16%, soit un niveau assez proche de celui de l’Euro. Ce qui implique que l’Euro est désormais contesté par les « petites » monnaies qui jouent un rôle croissant au niveau régional inter-étatique.

On voit bien que l’Euro a échoué dans son projet « formel » qui était de constituer une monnaie concurrente au Dollar. En fait, on peut penser qu’il joue actuellement le rôle de pare-feu pour le Dollar, en concentrant sur lui une bonne part des incertitudes. Mais, il a été un succès dans son projet « implicite » qui était celui des dirigeants de l’Allemagne, en permettant à ce pays d’accumuler des excédents commerciaux monstrueux car il empêche leurs partenaires commerciaux de pouvoir dévaluer, et qu’il est par ailleurs sous-évalué par rapport à ce que serait un DM maintenu. C’est un réalité dont il faudra bien, un jour, se décider à tenir compte.

[1] Data extracted from http://data.imf.org/ on: 3/12/2017 1:45:11 PM