Réflexions sur la gestion de portefeuille.

[Source : Institut des Libertés]

Je crains que l’été ne soit chaud. 

Pour des raisons que j’ai du mal à comprendre, je suis convaincu depuis bien longtemps que le seul but des marchés financiers est de gâcher mes vacances. Comme je pars en vacances du 14 Juillet à la fin Aout, je crains donc le pire. Mais comme les lecteurs ont du s’en rendre compte, je crains que ce pire ne se produise dans un avenir assez proche tant nous sommes gérés par des apprentis sorciers. Et comme le disait Einstein, « confier la résolution d’un problème à ceux qui l’ont créé est une idée pour le moins bizarre ». 

Je me suis donc dit que les fidèles lecteurs de l’IDL allaient peut être avoir besoin pendant cette période de conseils avisés pour gérer l’épargne que l’Etat veut bien leur laisser et je m’apprêtais à écrire sur ce sujet. Mais en relisant les anciens papiers de l’IDL (pour des raisons que j’expliquerai la semaine prochaine), je me suis rendu compte qu’il y a deux ans environ, j’avais déjà fait ce petit travail. 

Et donc, et pour la première fois dans l’histoire de l’Institut, je fais moi même une réédition d’un ancien papier. 

Apres tout, pas la peine de réinventer la roue si ça déjà été fait

Voici donc cette reprise quelque peu ancienne. 

J’espère que cette piqure de rappel sera inutile… mais j’en doute.

PS.

Je me suis permis de faire quelques ajouts au texte initial.  Ces ajouts seront en italiques.

 

Depuis longtemps, trop longtemps pensent certains, je pratique ce métier passionnant qui consiste à essayer de comprendre ce qui se passe dans les économies ou les nouvelles technologies, à me pencher sur des valorisations qui  bougent sans arrêt, pour arriver en fin de parcours à un portefeuille dans lequel j’essaie de résumer tout les efforts intellectuels effectués en amont.
Voila un travail qui nécessite depuis toujours la collecte et le traitement en continu d’informations diverses et variées mais il a cependant beaucoup évolué au fil des dernières années…
Il y a quarante ans, quand j’ai commencé par hasard dans ce métier, la difficulté était de trouver les informations.

Aujourd’hui, elles sont toutes disponibles instantanément sur Bloomberg ou sur Reuters et ce qui est difficile, c’est de faire le tri entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Il faut donc aujourd’hui avoir une espèce de tamis intellectuel au travers duquel il faut faire tout passer. Et je ne peux pas mettre toutes ces informations dans un ordinateur et lui laisser le privilège de prendre les décisions à ma place. L’ordinateur est un idiot qui calcule à la vitesse de la lumière, et c’est tout…

En définitive, la gestion de portefeuille tient donc beaucoup plus de l’artisanat que de l’industrie. On ne peut faire que dans le «sur mesure», jamais dans la «confection». Et comme dans tout bon artisanat, il existe des « tours de main » que les compagnons-les anciens- essaient de passer à ceux qui ont moins d’expérience. C’est ce que je vais essayer de faire dans les lignes qui suivent, passer mes «tours de main».

L’un de ceux ci, et peut être le plus important, consiste à essayer de séparer la réflexion qui doit précéder la mise en portefeuille d’un actif de celle qui doit avoir lieu une fois que cet actif est détenu pour s’en séparer. Première phase de la réflexion donc, ce que dois faire rentrer. Et des que cet actif est rentré, il faut que je commence à me demander sans arrêt pourquoi il est là et si je ne devrais pas le remplacer par un autre…   

Très curieusement par exemple, je sais que j’achète très bien, même si parfois j’achète un peu trop tôt et que je vends plutôt mal, sans doute parce que je passe beaucoup plus de temps à réfléchir à ce qu’il faut acheter plutôt qu’à ce qu’il faut vendre ou quand il faut le vendre. C’est tellement vrai que dans l’une de  mes sociétés, j’avais chargé l’un de mes associés de la «vente», me contentant de la fonction «achat». C’était une bonne idée, mais les résultats ont été décevants. Il ne peut pas y avoir deux conducteurs dans une voiture.

Du coup, j’ai décidé de mettre sur papier au bénéfice des lecteurs, un certain nombre de règles qui m’aident à considérer avec attention ce qui ne va pas dans mon portefeuille existant plutôt que de continuer à me faire plaisir intellectuellement en continuant à faire des grandes théories sur l’évolution à venir de l’Univers, sans trop regarder en arrière pour contempler le résultat mes décisions passées  (le péché mignon de tout intellectuel, voir les ODS)….

Voici donc un petit résumé de ces règles

  • Les valeurs que vous avez dans votre portefeuille ne savent pas que vous vivez une grande histoire d’amour avec elles. Imaginons par exemple que vous vous soyez pris d’une passion coupable pour l’or. Il ne sait pas que vous l’aimez et ne sera pas vexé si vous lui faites une infidélité en le vendant pour acheter autre chose. Pas d’attachement sentimental, pas de fierté mal placée, de la modestie, encore de la modestie,toujours de la modestie…
  • Il n’y a pas de pessimiste riche, restez toujours optimiste. Comme le disait Bernanos «Le pessimiste est un idiot triste, l’optimiste un idiot heureux.» Soyez heureux. Chaque crise est une occasion nouvelle de s’enrichir ou d’apprendre. En chinois crise et opportunité sont représentés par le même idéogramme. 
  • Il n’y a PAS de placement miracle qui monterait jusqu’à la fin des temps. Tout placement  atteint un jour un niveau où il faut le vendre. Par contre ce n’est pas parce qu’un placement a beaucoup baissé qu’il faut l’acheter.
  • Si vous ne comprenez pas, ne jouez pas (c’est un peu le cas à l’heure actuelle, en tout cas en ce qui me concerne. Je ne vois pas du tout pourquoi je devrais avoir le moindre investissement dans la zone Euro). Je me souviens par exemple de la folie sur les valeurs de technologieà la fin des années 90. Pendant l’été 1999, j’ai tout vendu ne comprenant plus rien aux valorisations (J’étais trop vieux pour comprendre, me disait-on).Dans les mois qui suivirent ces valeurs entrèrent dans une bulle d’anthologie et firent plus que doubler. Je me sentais complètement idiot-et très, très vieux. Deux ou trois ans après, ça allait beaucoup mieux.
  • Vous gérez un bilan et non un compte d’exploitation. Beaucoup de gens quand ils gèrent un portefeuille vendent ce qui est monté (prennent des profits disent ils) et gardent avec soin ce qui a baissé. Ce qui veut dire qu’ils vendent leurs bonnes décisions et conservent toutes leurs mauvaises. Au bout de quelque temps, il ne restera plus que des saloperies invendables dans leur portefeuille. En fait, il faut faire exactement le contraire. Vendre ce qui a baissé et garder ce qui a monté. Imaginez que les valeurs que vous avez dans vos actifs soient des employés. Vendre cequi est monté, c’est virer les bons employés pour ne garder que les mauvais. Le résultat final d’une telle stratégie est certain: la faillite est garantie.
  • Si vous réussissez à éviter toutes les grandes baisses et à  participer à deux grandes hausses sur trois, vous aurez des résultats mirifiques sur n’importe quelle période de 5 ans ou plus. Ce qui veut dire que vous devez être un investisseur et non un trader. Ce n’est pas parce quela bourse est ouverte tous les jours qu’il faut passer un ou plusieurs ordres tous les jours…
  • Ce qui m’amène au point suivant: Imaginons que vous achetiez une valeur à 100, en espérant qu’elle va aller à 150, sa « vraie »valeur d’après vos calculs ou ceux d’un analyste en qui vous avez confiance. Patatras, son cours tombe assez rapidement à 90. La solution est simple: vendez ! Ce qui tue la performance d’un portefeuille, c’est la valeur qui baisse de 50 % ou plus. Pour éviter ce désastre la seule solution est de vendre tout ce qui baisse de façon inexplicable à vos yeux et de fixer dans votre esprit une limite au delà de laquelle vous prendrez votre perte,quoiqu’il en soit.
  • Ne faites JAMAIS de moyennes en baisse. Le cours auquel une valeur est rentrée dans votre portefeuille est une valeur comptable et non économique. La seule valeur à prendre en compte c’est le cours aujourd’hui (voir le point précédent).
  • Ne gérez JAMAIS en fonction d’objectifs fiscaux. Beaucoup de gens autour de moi se sont ruinés pour ne pas payer d’impôts. Si l’Etat accorde un avantage fiscal à un investissement, cela ne peut être que parce que la rentabilité du capital dans cet investissement est insuffisante, ce que l’Etat veut compenser par un traitement favorable pour vous forcer à faire des investissements que vous ne feriez pas sans cet avantage. Quand on connait la capacité de l’Etat à sélectionner les bons investissements, la réaction normale doit être de s’enfuir en courant et non pas de se précipiter.
  • Dans le même ordre d’idées, n’achetez jamais un investissement dont la rentabilité dépend de subventions étatiques (ou d’une réglementation nouvelle incitative). Par exemple, je connais nombres de gens qui ont été littéralement ruinés après avoir investi dans les panneaux solaires en Espagne. Lorsque les subventions cessèrent faute de rentrées fiscales, ces investissements perdirent 90 % de leur valeur en très, très peu de temps.
  • N’achetez  jamais sur un « tuyau » que vous aurez donné la petite amie ou le fils du Président de la Société. Ou bien vous vous retrouverez en prison, ou bien quelqu’un cherche à vous manipuler ou encore cherche à vous faire croire qu’il est dans le secret des Dieux alors que ce n’est pas le cas.
  • Si vous avez une position dans votre portefeuille qui vous empêche de dormir (ça m’est arrivé) ou qui vous réveille à quatre heures du matin, ou si vous commencez à avoir mal au dos (plein le dos…), vendez. Vous n’êtes plus en état de réfléchir sainement.
  • Il n’y a jamais un seul cafard dans une cuisine. Imaginons qu’une société annonce qu’elle a découvert qu’un employé indélicat a perpétré quelques indélicatesses… Vendez aussi vite que vous le pouvez. D’autres cafards vont sortir des que la lumière sera éteinte.
  • N’empruntez jamais pour acheter. On ne s’enrichit pas avec l’argent des autres.

 

J’ai essayé de distiller en ces quelques lignes ce qu’une longue et douloureuse expérience m’a appris.

Faites en bon usage car comme je l’écrivais la semaine passée, la période à venir promet d’être houleuse. Non seulement je ne comprends pas ce que nos élites veulent faire, mais j’ai l’impression très nette que ces  mêmes élites n’ont pas la moindre idée des résultats a attendre de leurs expériences.

Que je ne comprenne pas m’inquiète passablement. 

Qu’elles ne comprennent rien me trouble cependant beaucoup plus.