Laudato si’, une encyclique antimoderne

ÉTUDE | Le retour à Laudato si’ s’impose alors que la France se prépare à accueillir la Conférence des Nations-unies sur les changements climatiques (Cop21). Le concert de louanges médiatiques qui a accueilli cet été la publication de l’encyclique, ne doit pas faire illusion. Il y a un profond malentendu entre le sens réel de l’encyclique et ce qu’ont bien voulu en retenir les commentateurs, y compris les plus fameux, de Manuel Valls à Nicolas Hulot. C’est ce qu’a expliqué Philippe de Saint-Germain au VIIe colloque Actualité de la doctrine sociale de l’Eglise (Paris, 17 octobre).

L’ACCUEIL POSITIF qui a été fait de Laudato si’ est un motif de réjouissance. Les critiques, elles, ont eu moins d'échos. Il n’est pas inconvenant de penser que le pape a cherché l'assentiment du plus grand nombre. C’est toute sa pédagogie. Mais les incompréhensions sur ce texte étaient inévitables. Si elles demeurent, c’est aux catholiques de les lever, et de s’appuyer sur cet accueil favorable pour faire progresser le lecteur et le monde attentif à la parole de l’Église vers ce qu’elle veut dire réellement.

Quel est l’objectif du pape François avec cette encyclique ? Sa réflexion s’inscrit dans un mouvement continu de l’Église et du magistère pour éclairer les consciences sur les dangers du temps présent à l’égard de l’homme et la société. C’est en particulier à travers les encycliques sociales que l’Église a parlé de ces dangers, depuis Rerum novarum (qui condamnait le libéralisme mais aussi pour dire que le socialisme n’était pas une réponse) jusqu’à Caritas in veritate (2009), que certains attendaient déjà comme une première encyclique écologique.

Benoît XVI inscrivait le défi écologique dans une perspective anthropologique et morale, en abordant les thèmes de la famille, de la bioéthique, de la défiguration du monde comme contestation – consciente ou non – du projet de Dieu pour l’humain et pour la Création tout entière. Dans son Discours au Bundestag (2011), il montre que la plaie du monde moderne est l’instrumentalisation de l’homme et de la nature à des fins économiques et politiques, instrumentalisation qui se manifeste par les démons de l’humanisme sans Dieu, les fausses idoles de l’autocréation et de l’auto-rédemption.

François, lui, aborde plus directement la question écologique telle qu’elle est comprise aujourd’hui par l’opinion dominante, notamment dans sa dimension sociale, technique et politique. Pour le pape, il s’agit d’« entrer en dialogue » et de « conférer au processus de sensibilisation écologique une dynamique nouvelle [1] ». Ma thèse est que par « dynamique nouvelle », il faut entendre « recadrage pédagogique ». Le Saint-Père pousse l’écologie dans ses retranchements pour l’inviter à être cohérente. Car le danger du moment est triple : c’est la pollution de la création, la pollution de l’homme et la pollution de l’écologie elle-même.

Pour les chrétiens que nous sommes, et de manière plus politique, cela signifie que les compagnons de route de l’écologisme sont invités à ne pas devenir les idiots utiles d’un mouvement de pensée où le meilleur côtoie le pire, qui peut inspirer de saines remises en causes, mais aussi entretenir des dérives idéologiques parfois gravissimes, comme par exemple le malthusianisme onusien et son projet de « transformation éthique mondiale » [2].

Cela dit, le pape ne procède pas en donneur de leçon, ou en redresseur de torts : il s’agit pour lui de proposer une « vision philosophique et théologique de la création » (Laudato si’, n. 130) qui répond aux interrogations soulevées par l’écologie. Cette réponse se présente dans le « développement d’une nouvelle synthèse qui dépasse les fausses dialectiques des derniers siècles » (LS, 121) [3].

1/ Crise écologique : le constat

C’est ici qu’il faut dire un mot de la méthode du pape François. Laudato si’ commence par un diagnostic sur les dangers qui menacent la planète. François a voulu que l’encyclique soit structurée ainsi, en s’appuyant au préalable sur un constat commun, plutôt que sur un rappel des principes de la théologie de la création ou de l’anthropologie chrétienne.

Un diagnostic partagé

D’où ce premier chapitre qui a fait couler beaucoup d’encre, comme s’il disait tout, alors que c’est la partie la plus relative, ou la plus contingente. Ce chapitre est intitulé « Aspects particuliers de la crise écologique » : citons le réchauffement climatique, le problème de l’eau, le déclin de la biodiversité, la dégradation de la qualité de la vie mais aussi de la justice sociale et du sentiment d’appartenance, les difficultés à trouver des réponses globales, le creusement de l’écart entre pays riches et pays pauvres, etc.

Selon son style, le pape « entre en dialogue » avec les analystes de la crise écologique, en épousant leur diagnostic, celui qui semble le plus partagé. Sa complicité avec ce diagnostic n’est pas un calcul, elle correspond aussi à un jugement et à une expérience personnelle, vécue en Amérique du Sud. Notre « maison commune » est polluée, elle ne cesse de s’abîmer et nous devons protéger l’homme de sa propre destruction. Mais sa connivence avec ce constat ne peut être lue sans les précautions que le pape délivre lui-même au long de son texte sur les limites auxquelles l’autorité magistérielle est soumise pour apprécier ce que disent la science et la politique, dont la méthode et le caractère propre ne peuvent pas s’exprimer dans une perspective globalisante et définitive (LS 135, 182).

Ainsi, sur la question des causes humaines du réchauffement climatique, qui focalise toutes les passions, il faut apprécier attentivement comment le pape renvoie dos-à-dos la foi inconditionnelle et exclusive des partisans absolus du progrès, de la science et de la technique (où l’on retrouve certains climato-sceptiques ultra) et ceux qui professent la théorie selon laquelle l’homme serait le grand perturbateur dans l’harmonie de la nature (où l’on retrouve les climatolâtres).

Mais ce qu’il faut retenir, à ce stade de la démonstration, c’est que le pape entre en résonnance avec la critique systémique de la pollution de la planète, qu’il soutient l’aspect positif de cette critique : « Après un temps de confiance irrationnelle dans le progrès et dans la capacité humaine, une partie de la société est en train d’entrer dans une phase de plus grande prise de conscience » (LS, 18).

Le pape partage avec le monde cette prise de conscience. En bon jésuite, il l’épouse en quelque sorte, il la reformule, pour l’analyser et l’orienter de telle sorte qu’elle ne s’arrête pas en chemin, et qu’elle aille jusqu’au bout de sa démarche. C’est la méthode du judoka qui accompagne le mouvement de son protagoniste pour l’entraîner où il le veut…

L’analyse du constat : les causes profondes de la crise

Une fois posé le constat, quelle est l’analyse ? Pour le pape, « la crise écologique est l’éclosion ou la manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle et spirituelle de la Modernité » (LS, 119). Dans ce cadre, dit-il, « nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain », autrement dit, 1/ sa « dimension sociale et 2/ « sa dimension transcendante » (son « ouverture au “Tu” divin ») (119).

Pour le pape François, la cause principale de cette crise, ce qu’il appelle la « racine humaine de la crise écologique » vient de cette tentation historique de l’homme à se croire le principe et la fin de sa propre puissance, notamment à travers le mythe de la technique et du progrès (ce qu’il appelle le « paradigme technocratique »).

Laudato si’ ne condamne pas le progrès (LS, 132-136), pas plus qu’il ne condamne la croissance, pourvu qu’elle soit répartie (LS, 193). Depuis l’origine du monde, il y a un progrès qui libère et un progrès qui asservit, mais la nouveauté c’est la capacité d’autodestruction de l’homme par l’homme atteinte par la technique : on pense à la bombe atomique, mais aussi — ce que cite le pape — aux techniques déployées par les régimes totalitaires du XXe siècle visant à l’extermination industrielle de populations entières, mais aussi aux bio-technologies d’aujourd’hui, où la manipulation de l’homme par l’homme est terrifiante.

La dérive autodestructrice de la Modernité

On assiste à une véritable fuite en avant du progrès technique et de sa puissance, dont la seule limitation morale ne s’exprime plus en termes de conduite de la liberté vers le bien, mais en termes d’utilité et de sécurité, selon l’analyse du philosophe Guardini, le maître commun abondamment cité de François et du pape Benoît [4]. En dernière analyse, ce qui est en jeu dans la technique, ce n’est plus donc la croissance dans la liberté, c’est la fuite dans la puissance sans limite et la domination. Ce paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur l’économie et la politique : « Les finances étouffent l’économie réelle » (LS, 109) quand l’économie domine la politique (LS, 203).

Nous sommes devant une rupture avec l’ordre de la nature qui est la marque profonde de la Modernité. Guardini montre que ce culte de la raison technique ne fait plus de la nature — et notamment de la nature humaine — une norme valable (LS, 115).

Le « problème fondamental, le plus profond » explique le pape, « est la manière dont l’humanité assume la technologie comme un paradigme homogène et unidimensionnel » (LS, 106), autrement dit idéologique et totalitaire. Cette démesure anthropocentrique, qui s’exprime à travers un relativisme pratique pousse les hommes à s’exploiter les uns les autres, comme de purs objets (LS, 123).

D’où la question éthique essentielle : « S’il n’existe pas de vérités objectives ni de principes solides hors de la réalisation de projets personnels et de la satisfaction de nécessités immédiates, quelles limites peuvent avoir la traite des êtres humains, la criminalité organisée… » et toutes les formes de pollution actuelle, qu’elles soient environnementale, morale (le narcotrafic), économique (le commerce de diamants ensanglantés…) » (LS, 123) ?

Bref, pour le pape, la cause première et « fondamentale » de la crise écologique est le subjectivisme de la Modernité, sa démesure et ses idoles : l’argent, le progrès, la puissance, etc.

2/ Quelles réponses à la crise écologique

Cette crise, le monde en subit les conséquences, en souffre. Certains de ses aspects le révoltent : l’honnête homme est scandalisé par les ravages de la pollution et de ses conséquences sur la qualité de la vie, par la faim dans le monde, par la tyrannie de la surconsommation. La capacité d’autodestruction de l’homme fait peur, tout comme cette absence d’encadrement éthique incontestable qui permettrait d’en contrôler la fuite en avant. Comment l’écologisme moderne répond à cette crise ?

Les réponses partielles de l’écologisme

La prise de conscience écologique est une réponse à cette évolution du monde. Mais sa réponse est au mieux partielle, au pire trompeuse, parce qu’elle demeure dans la sphère de « l’anthropocentrisme dévié » de la modernité (LS, 119).

On peut identifier cette réponse partielle de l’écologie « moderniste » sous trois formes : 

♦ Le biocentrisme, qui s’apparente à une forme de panthéisme. En réponse à l’exaltation technocratique qui dénie à l’être humain une valeur objective propre, on oppose, un bio-centrisme, qui ferait de l’homme un « être parmi d’autres, qui procéderait des jeux du hasard ou d’un déterminisme physique ». Si l’homme n’est qu’une partie du grand tout de la nature, on méprise en lui ses « capacités particulières de connaissance, de volonté, de liberté et de responsabilité » (LS, 118).

Le risque est double : 1/ l’atténuation dans les esprits de la conscience de ses responsabilités morales et 2/ la chosification de l’homme, réduite à un matériau sans dignité quand il ne peut pas s’exprimer pour se défendre. 

♦  L’écologisme sans homme et sans Dieu. Envisager une relation de l’homme avec l’environnement isolée de sa relation avec les autres personnes et avec Dieu, comme principe et fin de l’universalité humaine, nous conduit à un « individualisme romantique, déguisé en beauté écologique, et un enfermement asphyxiant dans l’immanence » (LS, 119). 

♦  L’écologisme technique et sécuritaire. Pour faire face aux menaces, et notamment de son propre pouvoir, l’homme « peut disposer de mécanismes superficiels », mais en ce cas, dit le pape « nous pouvons affirmer qu’il lui manque[ra] une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide » (LS, 105).

Pourquoi ? « Les solutions purement techniques courent le risque de s’occuper des symptômes qui ne répondent pas aux problématiques les plus profondes » (LS, 144). L’écologie ne peut être réduite aux seules questions environnementales physiques et matérielles : « Il faut [par exemple] y inclure la perspective des droits des peuples et des cultures […]. » (LS, 144).

La réponse de l’écologie intégrale

Nous voyons que pour le pape, la crise écologique va au-delà du diagnostic commun auquel il s’est rangé volontiers, comme point de départ de sa démarche. Cette crise a des causes, des causes profondes, ces causes sont morales et spirituelles.

La bonne réponse est donc dans une « écologie intégrale », parce que « tout est lié » (LS, 138). L’écologie intégrale décentre l’homme de lui-même : elle est la juste réponse au bio-centrisme, à l’écologisme panthéiste [la planète, le climat avant l’homme] et technique [limité au sens administratif, fiscal ou politique).

L’écologie intégrale est sociale et culturelle

« Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature. » (LS, 139).

Ceci explique pourquoi l’Église dans ses interventions dans les grands débats écologiques subordonne toujours son assentiment aux mesures de lutte contre la pollution au traitement social et politique la pauvreté, à la lutte contre la faim dans le monde, au respect de la vie humaine depuis la conception jusqu’à la mort naturelle.

Benoît XVI disait que « toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à l’environnement. » C’est bien en amont de la crise environnementale qu’il fait affronter la difficulté. L’écologie ne peut se réduire à la protection de la planète terre, comme si l’homme n’existait pas : « Même la notion de qualité de la vie ne peut être imposée, mais doit se concevoir à l’intérieur du monde des symboles et des habitudes propre à chaque groupe humain. […] La disparition d’une culture peut-être aussi grave ou plus grave que la disparition d’une espèce humaine ou végétale » (LS, 144)

Pour le pape, l’écologie intégrale suppose donc de revenir (ou de découvrir) les grands principes de l’anthropologie politique défendus par la doctrine sociale de l’Église, qui sont la véritable réponse à la crise écologique. J’en cite quelques-uns :  

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La référence à la loi morale naturelle : « L’écologie humaine implique quelque chose de très profond : la relation de la vie de l’être humain avec la loi morale inscrite dans sa propre nature, relation nécessaire pour pouvoir créer un environnement plus digne » (LS, 155).

Le respect de la personne humaine : « Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement » (LS, 120).

Le respect du principe de subsidiarité : « Le bien commun exige aussi le bien-être social et le développement des divers groupes intermédiaires, selon le principe de subsidiarité. Parmi ceux-ci, la famille se distingue spécialement comme cellule de base de la société » (LS, 157).

La destination universelle des biens : « La tradition chrétienne [disait Jean-Paul II] n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée, et elle a souligné la fonction sociale de toute forme de propriété privée » (LS, 93).

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Le pape François s’appuie sur les principes de la doctrine sociale de l’Église, « reliés à des tensions bipolaires propre à toute réalité sociale » tels qu’il les a exposés de façon très novatrices et lumineuses dans Evangelii gaudium (EG, 221-237) :

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♦ Le tout est plus grand que la partie, ce qui signifie la primauté du bien commun comme principe et fin de toute politique juste (LS, 156).

♦ L’unité est supérieure au conflit, principe qui condamne l’approche dialectique des pouvoirs, et qui justifie la bonne articulation entre économie et politique, avec la primauté du politique sur l’économique (LS, 51, 181, 189, 192, 196).

Le temps est supérieur à l’espace : « Nous sommes toujours plus féconds quand nous nous préoccupons plus d’élaborer des processus que de nous emparer des espaces de pouvoir » (LS, 178), ce qui condamne « le drame de l’“immédiateté” politique » et toute recherche de « croissance à court terme ».

♦ Le réel est supérieur à l’idée, « pour que les besoins particuliers ou les idéologies n’affectent pas le bien commun » (LS, 188).

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L’écologie intégrale est morale

« L’existence de lois et de normes n’est pas suffisante à long terme pour limiter les mauvais comportements, même si un contrôle effectif existe, explique François. Pour que la norme juridique produise des effets importants et durables, il est nécessaire que la plupart des membres de la société l’ait acceptée grâce à des motivations appropriées, et réagissent à partir d'un changement personnel » (LS, 211).

L’écologie intégrale est spirituelle

« Toute solution technique que les sciences prétendent apporter sera incapable de résoudre les graves probables du monde si l’humanité perd le cap, si on oublie les grandes motivations qui rendent possibles la cohabitation, le sacrifice, la bonté » (LS, 200)

L’écologie scientifique ou politique qui procèderait par la contrainte ne résoudrait rien. La science en particulier doit accepter d’élargir le champ de la raison à la réalité religieuse, qui est inscrite dans la réalité humaine.

Le pape invite le monde moderne à reconnaître et à partager « la conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle » pour progresser vers le bien commun (LS, 202).

Dans un contexte de très grande consommation, la conversion écologique, nous place devant un défi éducatif mais aussi religieux. L’éducation environnementale doit élargir le champ de ses objectifs. 

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« Si au commencement, [celle-ci était très axée sur l’information scientifique ainsi que sur la sensibilisation et la prévention de risques environnementaux, à présent cette éducation tend à inclure une critique des “mythes” de la Modernité (individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles), fondés sur la raison instrumentale ; elle tend également à s’étendre aux différents niveaux de l’équilibre écologique : au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau spirituel avec Dieu. L’éducation environnementale devrait nous disposer à faire ce saut vers le Mystère, à partir duquel une éthique écologique acquiert son sens le plus profond » (LS, 210).

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La dimension spirituelle de l’écologie intégrale n’est pas équivoque dans la pensée du pape François, et l’on ne peut pas réduire sa louange au Père de la Création à une page mystique parallèle à son discours écologique, comme la pensée laïque contemporaine s’en accomoderait. Elle est naturellement centrale, et sans confusion. « Sœur notre mère la Terre » (LS, 1) n’est pas une idole, mais un don de Dieu. « La pensée judéo-chrétienne a démystifié la nature » rappelle François (LS, 78). L’écologie intégrale ne conduit pas à la nature, mais à Dieu par la nature.

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Concluons en saluant dans l’encyclique Laudato si’ un mouvement de sympathie pour la prise de conscience écologique, comprise comme une critique inquiète des dérives scientistes et matérialistes de la Modernité.

Mais si cette écologie demeure prisonnière de son anthropocentrisme dévié, elle demeurera soumise à une véritable impuissance, une impuissance qui peut dériver en religion de substitution. Tant qu’elle ne sortira pas résolument des impasses du relativisme pratique de cette Modernité, de son utilitarisme moral et scientifique qui exalte la toute-puissance de l’homme contre l’homme, et notamment du plus faible, elle peut être un remède pire que le mal. Le pape François a parlé, comme l’Église parle au monde depuis toujours, et notablement au monde moderne : il faut le lire jusqu’au bout.

 

Philippe de Saint-Germain est délégué général de la Fondation de Service politique, directeur de la rédaction de la revue Liberté politique.

 

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[1] Présentation de l’encyclique par le cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Ed. Parole et Silence.
[2] Cf. Marguerite Peeters, Liberté politique n° 67, automne 2015.
[3] C’est la vocation du christianisme lui-même, « en se maintenant fidèle à son identité et au trésor de vérité qu’il a reçu de Jésus-Christ, de se repenser toujours et de se ré-exprimer dans le dialogue avec les nouvelles situations historiques », laissant apparaître ainsi l’éternelle nouveauté de sa parole » (LS, 121).
[4] Cf. Les Fin des temps modernes, (LS, 83, 87- 88, 115, 219).