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Le Roman de Jeanne d'Arc

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Le Roman de Jeanne d'Arc
  • Auteur : Philippe de Villiers
  • Editeur : Albin Michel
  • Année : 2014
  • Nombre de pages : 450
  • Prix : 22,50 €

Dans le Roman de Jeanne d’Arc (Albin Michel), Philippe de Villiers fait revivre l’extraordinaire destin d’une fille de France qui fit renaître l’espoir dans le cœur du peuple face à l’occupant. Une leçon spirituelle et politique.

Les commentateurs et les politiciens ont toujours vu en Philippe de Villiers deux personnages contradictoires[1]. L’« anar de droite » girondin et écologiste, aventurier du Puy-du-Fou, était encensé pour son audace et son goût pour la culture. Le patriote, lanceur d’alerte sur les dangers du communautarisme, était lui condamné pour son conservatisme. Ils croyaient trouver une incohérence là où il n’y avait que du paradoxe. Les combats de Philippe de Villiers, qu’ils soient locaux ou nationaux, se sont toujours inscrits sous la même bannière, l’amour de la France dans son âme et dans sa chair.

Depuis deux ans, le candidat aux élections présidentielles de 1995 et 2007 poursuit son action politique par d’autres moyens, en remontant aux sources de la nation française. Après le Roman de Charette et le Roman de saint Louis, il fait paraître une biographie à la première personne de Jeanne d’Arc dont il fait ressortir toute l’humanité.

Le lecteur risque cependant d’être surpris au début du livre : il est plus facile pour Philippe de Villiers de se mettre dans la peau du Vendéen rebelle de Charette ou du saint monarque que dans celle d’une « jeune fille de l’eau » de 17 ans, fragile, parfois naïve, qui ne sait ni lire ni écrire. Le style enchanteur, imprégné de la langue de l’époque, de l’écrivain en est quelque peu altéré. On le retrouve, superbe, dans la description des paysages qu’il a lui-même observés avant de prendre la plume.

Tragédie et espérance

Jeanne d’Arc, écrit Villiers, est le « plus génial trait d’union entre le ciel et la terre ». Son serment avec Dieu se manifeste jusque dans son apparence. L’habit de guerre, qui lui cause bien des douleurs et sera un des motifs d’accusation lors du procès, est son habit de mission, laquelle est de faire sacrer le « gentil Dauphin » Charles le Septième à Reims et de bouter les Anglais hors de France. Elle porte l’étendard plus haut que l’épée au service de la Couronne et de la Croix, le roi n’étant que le lieutenant de Dieu sur terre. C’est pourquoi elle insiste, contrairement aux conseillers (« les raisonneurs » raillait Jacques Bainville), pour que l’onction du roi à Reims précède la libération du royaume.

Jeanne accepte de souffrir en désobéissant à sa famille et elle porte la croix de la tragédie : « Je ne durerai pas plus d’un an » répète-t-elle. La force de cette « âme simple portée par la grâce » lui vient à la fois de sa personne et d’au-delà d’elle-même, elle est enthousiaste au sens premier du terme, c’est-à-dire « en Dieu » comme naguère les nazirites qui tiraient leur puissance de leur consécration au Très-Haut. Sur les champs de bataille, elle est un héraut qui s’adresse aux âmes.

De là naît l’espoir, enfant du sacrifice et de la souffrance, en qui plus personne ne croyait dans la France des trois royaumes, celui des Anglais, des Français et des « Français reniés » (les Bourguignons). Philippe de Villiers en tire cette leçon qui est sans doute la plus importante de l’histoire de Jeanne d’Arc : « Quand tout est désespéré, il ne faut jamais désespérer » écrit-il. On pense aux Chênes qu’on abat de Malraux (De Gaulle : « Chez l’individu, la fin de l’espoir est le commencement de la mort ») et aux vers magnifiques de Péguy sur la petite fille espérance :

« Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
 Et je n’en reviens pas.
 Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.
 Cette petite fille espérance.
 Immortelle. »
 Le Porche du mystère de la deuxième vertu.

Les flammes du martyre

Le « Conseil des prudents » qui entoure le roi reste sourd à cet espoir qu’elle incarne, tout particulièrement auprès du peuple dont elle est issue. Il préfère une paix honteuse à la paix de France que porte la jeune femme missionnée par Dieu. Philippe de Villiers montre bien dans son livre à quel point Jeanne apparaît comme une nouvelle Cassandre, non pas celle qui annonce la catastrophe prochaine, mais celle qui annonce le renouveau. Malgré ses prédictions, malgré la libération d’Orléans, dernier rempart à la victoire des Anglais, et malgré le sacre de Charles VII, les puissants lui opposent toujours la politique de l’impuissance, à commencer par le roi meurtri de culpabilité. Elle est sans cesse écartée des conseils militaires et des conseils royaux, perdant ainsi un temps précieux.

Vendue par les Bourguignons aux Anglais, Jeanne fait face à la fourberie, à la trahison et à la calomnie. Les ennemis du roi de France veulent la déshonorer jusque dans son intimité pour souiller l’image de Charles VII et donc le délégitimer. Ils lui refusent sa demande d’être entendue par le pape. « Gens de Cour et d’Église ont prémédité l’infamie d’un procès pour maquiller en théologie gloseuse et menteuse leur haine de la grandeur » écrit Denis Tillinac dans son Dictionnaire amoureux du catholicisme. Jeanne d’Arc, excommuniée et déclarée hérétique par ses juges, se confronte à son destin, à son martyre.

C’est précisément la mort de Jeanne, criant le nom de Jésus au milieu des flammes et dont le cœur sort intact du brasier, qui donne la preuve absolue de la Vérité qu’elle portait et à laquelle les soldats français viendront bientôt allumer la flamme de leur espérance dans leur combat contre les Anglais.

 

Laurent Ottavi

 

[1] Voir à ce propos l’excellente biographie consacrée à Philippe de Villiers par deux journalistes de Valeurs actuelles : Le mystère Villiers, Eric Branca et Arnaud Folch, Editions du Rocher, 2006.


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