Demain, les sans-dimanche ?

Travail le dimanche, serpent de mer en vue. Selon Les Échos, le gouvernement préparait une réforme du travail dominical par ordonnances. Pour étonnant et autoritaire que cela paraisse, il n’y a aucun mal à le croire, même si le Premier ministre devra composer.

APRES AVOIR TENTE LE PASSAGE EN FORCE, Manuel Valls a reculé, sous la pression des frondeurs du PS. La manoeuvre était simple, et non sans précédent. N'est-ce pas déjà par ordonnance, le 1er mai 2008, quelques mois avant que la Loi Mallié ne soit débattue à l’Assemblée nationale en 2009, que l’obligation de respecter le principe du dimanche chômé, de respecter le repos dominical, était passée à la trappe ? Dans le plus grand silence, sans effet d’annonces, le principe selon lequel « le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » est devenu — ironiquement un jour de la fête du travail : « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Un tout petit mot barré pour un grand dégât. Le verbe « doit » est effacé au profit du seul verbe « être ». Exit donc l’obligation. Tout est là…

Ce premier cheval de Troie précédait le second, terrible, l’amendement d’Isabelle Debré (UMP) permettant dans une loi de consommation que les magasins de meubles dérogent au repos dominical, l’amendement de circonstance « Confokea ».

Beaucoup de commentateurs voyaient donc ces ordonnances à venir d’un bon œil, comme une manière d’aller plus vite et d’accélérer le pseudo-processus de relance de la croissance, du pouvoir d’achat, de création de dizaines de milliers d’emplois, des milliards promis. C'était sans compter sur l'extrême nécessité de ménager une majorité parlementaire à cran.

Y a de l'abus, M. le ministre !

Reste que si le Premier ministre voulait légiférer par ordonnances, poussée par une poignée de patrons de très grandes enseignes, ce n’était pas pour aller plus vite mais pour éviter qu’on ne compare les arguments d’aujourd’hui à ceux d’hier, et que les contradictions et les lâchetés ne soient par trop voyantes dans une atmosphère délétère de perte de confiance.

La confrontation pourrait bien être sanglante et les frondeurs de gauche, tous les jours plus nombreux, se montrer efficaces. Ceux qui se souviennent des débats de 2009 ont bien en tête les interventions d’une gauche vent debout contre la loi Mallié, solidaire de quelques députés du centre et de droite dans une union sacrée étonnante.

Ce que ne dit pas en réalité Laurent Fabius, ministre en charge du tourisme, c’est l’aptitude des très grandes enseignes à inclure, dans leurs énormes magasins efficaces, toujours plus de secteurs sans vendeurs dédiés pour cela, quand dans le petit commerce sont embauchés plusieurs salariés. Contrairement à ce qui est dit, le travail du dimanche des grands magasins ne créera pas d’emplois. Cela en supprimera. Les prix augmenteront même.

Et à moyen terme, c’est la libéralisation du dimanche qui s’imposera. Si le dimanche devient un jour comme un autre, il n’y aura plus de volontariat, plus de compensations. Jour ordinaire, deuxième samedi en réalité, la concurrence déloyale touchera toujours plus de secteurs dans un effet domino dévastateur.

Le travail le dimanche, c'est pour les autres ?

Très étonnant de ne pas voir cette évidence. Très étonnant que tant de personnes se croient protégées de devoir un jour travailler le dimanche, pensant que c’est naturellement pour les autres. Il est vrai que cela commencera par celles qui ne pourront pas refuser, les femmes vivant une situation de précarité.

Les pauvres et les précaires, voilà ceux à qui l’on enlèvera d’abord ce droit historique d’une avancée sociale et culturelle majeure. Demain les sans-dimanche ? Oui, car aujourd’hui les prédateurs ont les dents longues ! H.B.

 

 

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