Le CSA, l’éradication des trisomiques et l’intérêt général

Le CSA vient de publier une mise au point sur sa décision relative à la vidéo "Dear Future Mom" où il reconnaît que le message de cette campagne est positif pour les personnes trisomiques et leur famille. Cependant la Fondation Jérôme-Lejeune ne peut se contenter de ces quelques lignes. En effet l’avis du CSA aura comme effet de censurer à l’avenir toute campagne de communication positive sur les enfants trisomiques dès lors qu’elle concerne la grossesse. Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation, nous livre son analyse.

LE CSA NE DIT PAS n’importe quoi, hélas, on en vient presque à le regretter.

Dans l’affaire qui l’a conduit à semoncer des chaînes de TV pour avoir diffusé un spot de sensibilisation à la trisomie 21, le CSA considère qu’il s’agit d’un message qui n’est ni consensuel ni d’intérêt général. Le malheur, c’est que le CSA a en partie raison !

Il a raison dans la mesure où l'élimination de masse des enfants trisomiques, fruit du dépistage programmé, budgété, systématisé et remboursé par la Sécurité sociale, c’est cela qui est aujourd’hui présenté comme relevant de l’intérêt général.

La trisomie, c’est l’histoire d’une maladie qui n’a jamais été mortelle mais que la technique et le marché ont rendu mortelle. Prodige de la Modernité. Dès lors, un message de sensibilisation à la vie heureuse d’une personne atteinte de trisomie n’est effectivement pas consensuel.

Au cas où nous n’aurions pas bien compris, le CSA précise qu’il s’agit de « ne pas troubler la conscience des femmes qui, dans le respect de la loi, ont fait des choix de vie personnelle différents ». Confusion d’anthologie oublieuse des leçons du passé, où la conscience morale ne s’en réfère qu’à la loi. Euphémisme d’anthologie où le « choix de vie personnelle » consiste à supprimer un enfant et conduit collectivement à l’éradication des personnes trisomiques.

Ni le droit de vivre, ni le droit de parler

Le CSA ne dit pas n’importe quoi. Mais c’est plus grave. Il se tait devant l’eugénisme. Il refuse de poser une limite à cette folie inédite dans l’histoire qu’est l’extermination quasi complète — par compassion fallacieuse — d’une population stigmatisée par son génome. Non seulement les trisomiques n’ont plus le droit de vivre, mais on n’a même plus le droit d’en parler.

À l’euthanasie fœtale, s’ajoute désormais une restriction de la liberté d’expression. Le chiffre d’affaire de l’exploitation des tests de dépistage de la trisomie 21, dont les laboratoires américains nous inondent, par pure philanthropie, s’élève à 10 milliards de dollars dans le monde. La France enregistre, avec 96 % de trisomiques avortés, le taux le plus élevé. Cette politique mortifère lui coûte la bagatelle de 250 millions de dollars chaque année avant de lui coûter encore davantage quand l’assurance maladie achètera sous peu les nouveaux tests de dépistage non invasifs.

Mais silence ! Le jour n’est pas loin où il faudra un imprimatur avant de tourner des images qui évoquent le bonheur de vivre des personnes handicapées dans des familles qui les aiment.

La traque des trisomiques n’est pas consensuelle

Le CSA ne dit pas n’importe quoi. Il ment. Il tient pour acquis que cette traque des enfants trisomiques avant leur naissance est partagée par tous. Que l’on peut hypocritement afficher une solidarité nationale avec les personnes handicapées et tout mettre en œuvre pour qu’elles ne naissent pas.

Il feint d’ignorer que de plus en plus de femmes en ont assez de cette focalisation compulsive sur leur grossesse, de ce harcèlement, de ces pressions, de cette offre de dépistage qui, pour créer la demande, déshumanise l’enfant qu’elles portent et les somme de poser un choix inhumain : supprimer cet enfant ou encourir le reproche de l’avoir gardé.

Il fait comme si les familles n’étaient pas capables d’aimer leurs enfants différents. Il traite celles qui ont donné la vie ou adopté un enfant handicapé comme si elles n’existaient pas, ne comptaient pour rien et n’avaient pas reçu un coup de poing dans le ventre avec cette mise au ban de la société.

Il faut quand même savoir que les fameuses plaintes brandies par le CSA pour fonder son avis se comptent sur les doigts d’une seule main… La honte ! Deux ou trois plaintes valent donc une vidéo qui a été vue plus de 5,5 millions de fois avec une émotion incroyable, qui a été primée à Cannes, diffusée à l’ONU, soutenue et encouragée par des responsables politiques… à l’étranger ?

La mèche de l’espoir ne s’éteindra pas

Je pose solennellement la question :

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- Qui, aujourd’hui, envoie un message positif, d’accueil, de bienvenue, aux enfants trisomiques ?
- Qui en est capable, qui en a l’envie, qui en a le courage ?
- Qui fait quelque chose pour leur rendre justice, pour mettre la recherche et la médecine de leur côté, pour qu’ils retrouvent un jour les pleines capacités cognitives dont ils sont privés à cause de leur chromosome en plus ?
- Qui reçoit ces patients et les familles en consultation, les écoute et leur délivre autre chose qu’une prophétie de malheur ?

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Oui, nous sommes fiers, la Fondation Jérôme-Lejeune, le Collectif des Amis d’Eléonore et CoorDown et d’autres associations européennes, d’avoir obtenu — et avec quel succès — qu'une fois, une fois seulement, et publiquement, soit évoqué le bonheur auquel ont droit les personnes trisomiques et leurs familles.

Le clergé du CSA peut nous mettre à l’index, tout ce qu’il pourra nous retirer n’éteindra jamais la mèche d’espoir désormais allumée et qui parcourt le monde.

 

Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme-Lejeune.

 

Pour en savoir plus :
 Pour le CSA, le bonheur des enfants trisomiques est suspect
 Véronique, maman d'un bébé trisomique, réagit à la décision du CSA : "Un énorme coup de poing dans le ventre"
 La vidéo Chère future maman

 

LA FONDATION JEROME-LEJEUNE est une fondation reconnue d’utilité publique qui poursuit 3 missions :
- Développer la recherche à visée thérapeutique pour les personnes atteintes de déficience intellectuelle d’origine génétique (trisomie, X fragile, Williams Beuren, maladie du cri du chat, syndrome de Rett, Prader Willi, Angelmans, etc.)
- Soigner ces patients dans le cadre d’une consultation médicale spécialisée (l’Institut Jérôme-Lejeune, qui suit 4000 patients)
- Défendre la vie humaine et la dignité des personnes. La lutte contre l’eugénisme s’inscrit dans le cadre de cette troisième mission.

 

 

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