Municipales : voter en prudence pour le bien commun

Voter est un acte difficile, qui appelle un choix de conscience. Mais l’élection n’est pas le lieu de la définition du bien et du mal. C’est un mode de sélection des dirigeants désignés pour réaliser le bien commun dans des circonstances particulières. Le vote requiert des électeurs une conscience éclairée, le sens du bien commun et un jugement appelant la vertu de prudence. Liberté Politique propose des éléments de discernement chrétien pour guider son choix.

PAR LE VOTE, nous disposons d’un moyen de promouvoir nos valeurs, localement et par rayonnement sur le pays tout entier : la dignité de la personne, le respect de la vie, la famille fondée sur le mariage, le service des plus pauvres et des plus faibles, la liberté d’éducation et de conscience… Mais quand il s’agit de choisir des candidats qui pourront porter ces valeurs, nous nous demandons : comment concilier dans son vote le respect de ses principes et les contraintes de la réalité politique ? 

Si une conscience éclairée est nécessaire pour distinguer le bien du mal, faire le bien concrètement requiert la vertu de prudence, non au sens d’un esprit précautionneux et pusillanime, mais de l’attention aux circonstances permettant à une politique de produire tous ses fruits.

La sagesse de l’action ne relève pas de la solution clé en main. « Grâce à la prudence, explique le Catéchisme de l’Église catholique, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers » (CEC, 1806). La prudence nous dispose habituellement à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir, elle « applique sans erreur les principes moraux aux cas particuliers ». Elle nous aide à « [surmonter] les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter ».

Pour quelle liste voter ?

Voter en prudence nous conduit à trancher entre plusieurs options. Nous pouvons nous poser deux questions pratiques :

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♦ Quelle liste et quels candidats seront en mesure de réaliser effectivement les progrès les plus tangibles pour le bien commun de la cité ?

♦ Comment mon vote orientera-t-il la vie politique locale de telle sorte que je dispose de plus de moyens pour faire le bien autour de moi dans le cadre de mes engagements et de mes responsabilités ?

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L’enjeu est le gouvernement d’une communauté. Il ne suffit pas d’avoir raison pour gouverner ou pour être entendu par ceux qui vont gouverner sa ville ou sa commune. De même, il est rare qu’un seul candidat ou qu’un seul parti offre un ensemble de positions « chrétiennement acceptables ». Un candidat peut ne pas partager entièrement les principes éthiques de la loi naturelle (par exemple, être favorable à la recherche sur l’embryon ou ne pas s’opposer à l’union entre personnes de même sexe), mais faire beaucoup à travers ses actions pour promouvoir la liberté scolaire, aider les familles et combattre l’euthanasie.

Puisque nous sommes rarement, voire jamais, en situation de voter pour un candidat aux justes positions sur toutes les questions importantes, nous sommes conduits à nous déterminer sur des candidats en accord ou en désaccord plus ou moins grands avec nos principes sur certaines questions, et plus ou moins en mesure de nous aider à agir dans les domaines clés. Les chrétiens doivent délibérer de manière réfléchie sur ce qui est prioritaire et possible aujourd’hui pour limiter le mal et faire progresser le bien.

Choisir des personnes

Qui choisir ? Certains candidats nous disent ce que nous voulons entendre. D’autres, une fois élus, manquent de volonté politique pour donner suite à leurs promesses, ou tout simplement de moyens pour agir. D’autres encore n’ont aucune chance d’être élus, ou aucune chance d’orienter la vie politique en direction de leurs valeurs.

Ce sont ces éléments que l’électeur raisonnable doit considérer avant d’entrer dans l’isoloir. Il ne s’agit pas de se donner « bonne conscience », il s’agit de servir le bien commun, en choisissant les hommes, les femmes et parmi eux, un « premier magistrat » qui administrera notre cité pendant cinq ans, en sachant qu’en tout état de cause les sièges du conseil municipal ne resteront pas vacants, et ne sauraient le rester.

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♦ Quelles idées ? Voter pour une liste dont les représentants soutiennent des programmes qui comportent des mesures systématiquement contraires aux droits fondamentaux de la personne humaine ou qui les encouragent de façon publique comme des priorités absolues, est proscrit, même s’il s’agit de choisir selon des critères de politique locale.

En revanche, voter pour des candidats qui ne partagent pas pleinement notre attachement indéfectible aux principes fondateurs de la vie commune et non-négociables, peut être justifiable si leur élection favorise une dynamique politique qui, par exemple, permettra d’engager une correction du mal là où il sévit ou favorisera le bien que nous pouvons faire, par exemple en fournissant des appuis ou des moyens à nos propres actions. Dans cette perspective, favoriser les candidats appartenant à des partis qui ne reconnaissent ou ne pratiquent pas la liberté de conscience sur les principes non-négociables est déconseillé.

♦ Quelles compétences ? Le second critère de jugement applicable aux candidats porte sur l’adéquation de leur personnalité avec les exigences de la fonction, en termes de compétence intrinsèque, de capacité à agir et de savoir-faire. De même que le gouvernement d’un pays ne se résume pas à l’application d’un programme, le choix de l’électeur ne se réduit pas à l’arbitrage des bonnes intentions des candidats. L’électeur responsable doit engager une réflexion sur la dimension humaine du choix à opérer.

Comment juger de la compétence d’un candidat ? Au-delà d’une analyse de ses prises de position dans le temps (il est permis de changer de convictions, sans être inconstant) il est recommandé de s’informer sur son action politique et sur son exercice des responsabilités à un niveau élevé : savoir comment il a agi dans le passé aidera à saisir comment il agira dans le futur. De quoi est-il capable, dans quelles circonstances et avec quelles limites ?

Un homme politique compétent est d’abord un homme prudent, en mesure d’apprécier la complexité du monde présent. Promouvoir la vérité morale dans le monde de la politique, écrivait Benoît XVI, suppose d’abord d’« agir de manière responsable à partir de la connaissance objective et complète des faits » (Message pour la paix, 1er janvier 2011).

♦ Quelle moralité ? Les convictions et l’expérience ne font pas la cohérence morale de l’homme politique. L’homme public, en vertu de sa fonction  et à hauteur de celle-ci, exerce une forme d’exemplarité dans le corps social. C’est pourquoi sa façon d’agir, son comportement, ses décisions et ses prises de position publiques ont une valeur de modèle qui le dépasse, en bien comme en mal. Un homme public qui désobéit à sa conscience en votant une loi contraire à ses sentiments intimes, en invoquant par exemple sa « responsabilité publique » aux dépens de ses « convictions privées », contribue gravement à troubler l’ordre éthique et politique de la société.

Pour autant, un homme public se juge d’abord sur ses décisions publiques. Un parlementaire honnête et pieux qui vote pour la recherche sur l’embryon humain nuit davantage au bien commun qu’un élu libertin qui s’y oppose. Il reste que « quand on ne vit pas comme on pense, on finit par penser comme on vit… » (Paul Bourget). C’est pourquoi l’homme prudent est habituellement courageux, mesuré et juste.

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Choisir selon les circonstances

L’élection se joue sur deux tours. Les résultats du premier tour conditionnent le second tour, et peuvent même l’hypothéquer. Entre deux listes où figurent des candidats favorables à nos principes mais dotés de chances très inégales de remporter l’élection, n’est-il pas préférable de choisir celui que l’on jugera le plus capable de fournir de réels moyens politiques ? N’y-a-t-il pas un risque excessif à voter pour un candidat de qualité mais dont les voix, soustraites à celui qui aurait plus de chances d’être un finaliste acceptable, entraîneraient la sélection au second tour de candidats dont on ne veut à aucun prix ?

En résumé…

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AVANT L’ÉLECTION

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♦ Éclairer sa conscience

  • Former son jugement en se renseignant sur l’enseignement social de l’Église.
  • Se renseigner sur les déclarations, prises de position, programmes et réalisation des candidats.
  • Provoquer des discussions avec son entourage sur les moyens à mettre en œuvre pour ordonner la société selon les principes non-négociables et les points-clés de la vie commune.

Évaluer le bien commun

  • Chercher les candidats en mesure d’orienter le mieux et de manière tangible la vie politique locale dans le respect de la dignité des personnes, de la justice sociale, de la liberté des familles, de la paix sociale.
  • Juger la situation selon les exigences propres à la cité : il s’agit de servir le bien commun, pas de promouvoir des causes.
  • Apprécier l’opportunité politique de sélectionner un candidat qui ne se reconnaît pas dans l’ensemble des enseignements de l’Église mais dont l’élection peut permettre la mise en œuvre des moyens d’atteindre des résultats conformes aux principes éthiques soutenus par l’Église.

LE JOUR DU SCRUTIN

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Voter en prudence… en se posant les bonnes questions, par exemple :

  • Les candidats cherchent-ils à servir une communauté où les hommes se considèrent mutuellement comme des personnes partageant la même dignité, quels que soient leur âge, leur santé, leur origine ?
  • Les candidats rejettent-ils les cultures et systèmes de pensée qui favorisent l’égoïsme, le matérialisme mercantile, l’instrumentalisation des plus faibles ?
  • Les candidats apportent-ils des réponses locales satisfaisantes et concrètes pour accueillir la vie et faire reculer les atteintes à la dignité humaine telles que la pauvreté, l’isolement, l’insécurité ?
  • Les candidats proposent- ils des solutions pour préserver les intérêts des familles, en promouvoir l’épanouissement, et favoriser le choix des parents dans l’éducation de leurs enfants ?
  • Les candidats soutiennent-ils une dynamique économique qui respecte la liberté d’initiatives et un travail décent (repos dominical) ?
  • Les candidats placent-ils le respect de leur conscience avant la recherche du pouvoir ? Sont-ils prêts à renoncer à leur carrière politique pour obéir à leur conscience ?
  • Les candidats possèdent-ils les qualités de gouvernant — de compétence, de capacité à diriger et de cohérence intérieure ?

 

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Sur ce sujet :

Municipales 2014 : le vote juste, un discernement, par Thibaud Collin
Municipales 2014 : 18 propositions, par Fr. Billot de Lochner, Liberté politique et France Audace
Municipales 2014 : électeurs et candidats sous contrôle, par Michel Pinton

Elections 2014 ; "Choisir avec clairvoyance", par Mgr Dominique Rey

 

 

 

 *Extraits mis à jour du Guide de l’électeur chrétien, Liberté politique n° 56, mars 2012.

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