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Beccaria, Voltaire et Napoléon ou l’étrange humanisme des Lumières

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Beccaria, Voltaire et Napoléon ou l’étrange humanisme des Lumières
  • Auteur : Xavier Martin
  • Editeur : Dominique Martin Morin
  • Année : 2018
  • Nombre de pages : 304
  • Prix : 26,00 €

Un ouvrage original et particulièrement stimulant que celui de Xavier Martin, professeur émérite d’histoire du droit à l’Université d’Angers, déjà l’auteur d’un remarquable Voltaire méconnu, paru en 2015, et dans lequel il s’appliquait avec talent et rigueur à égratigner le portrait du philosophe chéri des Lumières, plume acerbe et brillante, mais modèle d’intolérance, de misogynie et de mépris de classe… pour ne pas dire parfois franchement raciste.

Dans sa nouvelle publication, Xavier Martin s’attaque cette fois à un nouveau mythe, celui du droit des Lumières, que dans notre regard spontanément bienveillant à l’égard de ce mouvement philosophique, grâce au travail de l’Éducation nationale, nous imaginons forcément empreint d’un profond humanisme, quand il est d’abord caractérisé par l’utilitarisme.

Les penseurs des Lumières évacuent Dieu, et réduisent l’homme à n’être plus qu’une machine élaborée, en cela précurseurs du scientisme, comme Diderot qui affirme que « l'homme et l'animal ne sont que des machines de chair ou sensibles », ou qui estime encore que « l'utile circonscrit tout ». De ce fait, il n’y a aucun « humanisme » à attendre de leur part, et leur justice est bien souvent une justice à géométrie variable, qui s’adapte aux besoins et aux circonstances. Diderot propose ainsi aux condamnés à mort de servir de cobayes de chirurgie, quand Voltaire avoue, de son côté, qu'il eût « condamné sans regrets Ravaillac à être écartelé ».

Bien plus, Xavier Martin rétablit une filiation directe entre « droit des Lumières » et code napoléonien. L’entreprise de Napoléon Bonaparte, loin de s’inscrire en rupture avec les idéaux soi-disant généreux défendus notamment par Cesare Beccaria, le célèbre auteur du Des délits et des peines, qui posa les bases de la pensée abolitionniste moderne, se situe dans une parfaite continuité anthropologique avec eux : celle d’un monde en voie de déchristianisation, avec une vision du droit progressivement exemptée de toute dimension spirituelle. L’exaltation de l’homme rationnel, au détriment de l’homme voulu par Dieu, image héritée de la Genèse et du christianisme, aboutit en fait à l’éclatement d’un individu dont l’étoffe est faite de jouissance et de sensations. Un schéma dont notre monde contemporain est loin d’être sorti.


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