Le Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, composé d'une vingtaine de hauts fonctionnaires, a livré en juin 2011 un rapport commandé en avril 2010. Selon les termes mêmes de son rapport,  ce comité a pour mission d'évaluer le coût et l'efficacité de l'ensemble des dépenses fiscales et des niches sociales avant le 30 juin 2011, conformément à la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009. 

De mauvais esprits observeraient immédiatement que mettre plus d'un an pour rédiger une lettre de mission et constituer un comité d'une vingtaine de personnes, ce qui a dilapidé la moitié du temps de travail octroyé par la loi de programmation, n'est pas faire preuve d'un bien grand respect à l'égard de cette disposition de la dite loi. Il s'agissait pourtant d'un enjeu de taille : plus de cent milliards d'euros répartis entre 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales, c'est-à-dire largement le déficit des finances publiques prévu pour 2011. Si la gestion des deniers publics par les ministres de l'économie et du budget, co-responsables du Comité d'évaluation, ressemble à la gestion parle Premier ministre du temps imparti par le législateur pour une mission de la plus haute importance, nous autres citoyens avons quelque souci à nous faire !

Curieusement le rapport sur les  niches  fiscales et sociales, daté  juin 2011 , n'a fait surface médiatiquement que le 27 août. Il a fait aussitôt couler beaucoup d'encre, les journalistes ayant réveillé les chiens qui dorment dans les niches particulièrement visées par le comité. Un bon chien de garde des niches familiales devrait donc y aller de son petit encrier. Ce n'est cependant pas tout l'objet de la présente réflexion.

Certes, je vais montrer que la façon dont le Comité d'évaluation a expédié l'exonération fiscale des prestations familiales et celle des majorations familiales de pension n'est pas très sérieuse. Mais ce constat n'est hélas qu'un cas particulier du jugement sévère que je suis amené à porter sur la façon dont le comité a travaillé.

Pour ce que j'en connais, c'est-à-dire les 356 pages du rapport et de ses annexes, mais pas les fiches relatives à chacune des niches (lesquelles fiches totalisent des milliers de pages, d'après les journalistes), il s'agit d'une œuvre typiquement bureaucratique, engoncée dans le corset du politiquement correct et des idées préconçues, là où il aurait fallu une recherche de qualité menée avec une grande ouverture d'esprit.

Les critères d'évaluation

Le rapport se propose de noter les dispositifs fiscaux et sociaux appelés  niches  du point de vue de leur efficacité et de leur efficience. Il considère comme efficaces les mesures  qui atteignent leur objectif à travers les effets (directs et indirects) principaux recherchés . Si l'objectif principal poursuivi n'est pas atteint, le score est zéro. Dans ce cas, l'évaluation ne va pas plus loin. Si la mesure n'est pas inefficace, alors le Comité examine son efficience, selon les critères suivants : ciblage correct ; coût  pas particulièrement élevé au regard des objectifs recherchés et des résultats obtenus  ; utilisation d'un outil fiscal efficient ; pas de préférence de l'évaluateur pour une aide directe ou pour une mesure non financière.

Naturellement, n'en croyant pas mes yeux, j'ai relu à plusieurs reprises ce dernier critère d'efficience. Il est bien écrit p. 15 du rapport :  l'efficience a été reconnue aux mesures pour lesquelles l'évaluateur (...) ne faisait pas part d'une préférence pour l'utilisation d'une aide directe ou d'une mesure législative ou réglementaire financière plutôt que d'une dépense fiscale.  Une solution n'ayant pas la préférence d'un haut fonctionnaire ne saurait être efficiente : à Bercy, le Pape, avec son infaillibilité étroitement limitée, ferait vraiment figure de parent pauvre !

Lorsque la disposition évaluée a été jugée efficace et satisfait aux quatre critères susmentionnés de l'efficience, elle obtient le score 3.  Lorsqu'au moins un de ces 4 critères d'efficience manquait expressément, l'évaluateur a donné à la mesure un score égal à 1 ou 2.  Le choix appartient à l'évaluateur  en fonction de sa conviction à l'issue de l'exercice d'évaluation et de l'importance qu'il attribuait au(x) critère(s) manquant(s).  Apparaît à ce stade un certain méli-mélo entre l'efficacité et l'efficience, puisqu'il est précisé à la suite de la dernière citation :  Pour cela, les évaluateurs ont notamment attaché une importance supérieure au coût de la mesure par rapport à son efficacité .

Cette dernière phrase permet de comprendre bien des choses. Par exemple, en cette période de rentrée scolaire, la composition sous l'égide de Bercy d'un panier de fournitures scolaires à bon marché, que les parents d'élèves ont trouvé de qualité médiocre : la logique d'un inspecteur général des finances n'est pas celle d'une mère ou d'un père de famille, qui privilégie le rapport qualité/prix ; ce qu'il faut à un haut fonctionnaire, sans doute pour donner satisfaction à ses supérieurs  politiques  qui veulent absolument obtenir des privilèges fiscaux et sociaux pour tout un chacun, ce sont des gadgets pas chers.

Un dirigisme déconcertant de naïveté

La question cruciale est l'objectif des mesures. Conformément aux analyses de Frédéric Bastiat, développées par les théoriciens du marché politique, les hommes politiques s'efforcent d'obtenir des voix (dans les démocraties) ou un soutien de la part d'hommes influents, en distribuant une partie de l'argent des impôts. Tel a vraisemblablement été l'objectif principal des Présidents de la République, des ministres et des parlementaires quand ils ont créé ou augmenté l'une des quelque 600 niches fiscales et sociales existantes. La réaction présidentielle, excluant immédiatement de toucher à l'abattement de 10 % effectué sur le montant des pensions lors du calcul de l'impôt sur le revenu, est d'ailleurs symptomatique, tout comme la préférence de la majorité des élus pour la technique du  rabot  permettant de réduire globalement le montant des réductions d'impôt sans s'attaquer à aucune d'entre elles en particulier : il ne faut pas mécontenter les chiens électeurs qui occupent telle ou telle niche.

Autrement dit, si le Comité d'évaluation avait fait un travail scientifique, il aurait placé l'objectif électoral en bonne position dans l'analyse des niches, en parfaite cohérence avec la préoccupation des budgétaires qui est de trouver des mesures donnant satisfaction sur ce point à leur ministre et aux élus sans trop peser sur le budget. Mais cette évaluation n'avait sans doute pas pour objectif de s'appliquer au monde tel qu'il est ; elle se devait de rester dans le monde tel qu'on aime à se le représenter en haut lieu, un monde d'où ont disparu comme par enchantement toutes les transactions et manœuvres pas très reluisantes qui sont le propre du marché politique et de la lutte pour le pouvoir. Cet aspect-là de la réalité, omniprésent dans les esprits, est interdit de séjour dans les documents officiels.

Alors, quelle est l'image politiquement correcte des  dépenses fiscales et des niches sociales  ? L'incitation et la redistribution. Commençons par la première. Le rapport prend la peine de dire ce qu'est un  objectif incitatif  : un  mécanisme d'incitation financière, conduisant à infléchir le comportement des agents économiques dans un sens plus conforme au bien-être collectif, tel qu'il [le régulateur public] le définit et l'apprécie au regard du fonctionnement du marché et des priorités politiques qui sont les siennes. 

Les mesures incitatives peuvent être, explique le rapport,  inefficaces parce qu'elles auront échoué dans leur objectif d'incitation  ou bien parce que,  en dépit de la réorientation des comportements constatés , l'effet recherché ( par exemple des créations d'emplois en nombre suffisant ou une réduction notable du taux de CO2 ) n'a pas été obtenu.

La philosophie politique du comité, qui est probablement celle de la grande majorité du personnel politique et de la haute administration, est donc résolument manipulatrice. Les citoyens sont comme des enfants : il est exclu de leur laisser traverser la rue sans que Big Brother les tienne par la main. La liberté du citoyen et la souveraineté du peuple sont passées à la trappe sans aucun complexe, avec une parfaite suffisance et une complète bonne conscience : la population se compose, hormis les élites politiques et administratives, d'êtres incapables de se comporter avec sagesse. Il faut les guider en les incitant de la manière la plus efficace et efficiente possible.

L'étalage tranquille de ce dirigisme manipulateur fait de ce rapport un document des plus intéressants concernant les contours actuels du  politiquement correct .

La redistribution, vache sacrée du politiquement correct

Le rapport distingue selon la tradition une redistribution verticale, des riches vers les pauvres, et une redistribution horizontale,  qui consiste à imposer différemment deux individus ayant une capacité contributive identique, mais placés dans une situation différente. Ainsi seront prises en compte des variables liées à la situation personnelle du contribuable, telles que la composition du ménage, l'âge, le nombre d'enfants ou l'existence de handicaps. 

Cette simple phrase charrie une bonne partie des poncifs et des idées fausses sur lesquelles se basent, sans aucun esprit critique, d'innombrables mesures et commentaires.

En premier lieu, l'individualisme fiscal. La notion de foyer fiscal est évacuée sans la moindre discussion : le contribuable est obligatoirement une personne, et s'il se trouve dans une  situation personnelle  qui comporte conjoints et enfants, à revenu égal il a une  capacité contributive identique  à celle d'une personne vivant seule. Pas un de ces inspecteurs généraux des finances ne se rappelle donc la censure par le Conseil constitutionnel de la loi par laquelle la gauche avait voulu moduler le taux de la CSG en fonction du revenu personnel, sans tenir compte de la situation de famille ? Ce garant des principes fondamentaux de la République a tout simplement rappelé qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la  contribution commune (...) doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés , et que cette faculté contributive s'apprécie au niveau du foyer fiscal.

Le rapport n'a pas examiné le quotient familial comme une  dépense fiscale , car il se limitait aux  dispositifs dérogatoires , alors que ce mode de calcul de l'impôt sur le revenu est une disposition structurelle. Mais le Comité n'a pas pour autant remis en cause sa vision strictement individualiste, qui entre totalement en contradiction avec cette disposition structurelle. L'aspect familial de certains principes de base de la République française lui est étranger. Il faut avoir cela présent à l'esprit pour comprendre comment il en est venu à traiter les exonérations fiscales attachées aux majorations de retraite pour éducation d'une famille nombreuse et les prestations familiales elles-mêmes.

Il faut également songer à la propension du Comité à tout évaluer à l'aulne de la redistribution, même s'il s'agit en réalité d'échange. Pour lui, une prestation familiale ou une majoration familiale de pension ne saurait faire partie d'un échange hors marché organisé par les pouvoirs publics : l'idée que l'Etat et l'Etat providence ont pour fonction davantage d'organiser des échanges que de redistribuer est politiquement incorrecte, peut-être parce qu'elle n'est pas assez dirigiste.

Pour la même raison, l'idée de justice, d'égalité dans l'échange, lui est étrangère. Les parents ne rendent aucun service en élevant leurs enfants, et donc les prestations familiales ne sauraient être que des aides, de la redistribution horizontale. Les retraites ont peut-être quelque chose à voir avec la démographie, mais de façon purement abstraite, pas avec les enfants mis au monde, entretenus et éduqués par M et Mme Dupont. En dehors des marchés, tout est redistribution et incitation, rien n'est échange et recherche de l'équité dans l'échange.

Haro sur les niches familiales !

L'examen de l'exonération fiscale dont bénéficient les prestations familiales et les majorations familiales de pensions a été effectué dans ce cadre intellectuel simpliste, et sans investigation approfondie. Plus précisément, la fiche de la dépense fiscale DF 120202 est intitulée  Exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d'accueil du jeune enfant.  Il ne m'a pas été possible de me procurer cette fiche, mais l'annexe J du rapport la classe parmi les  fiches d'évaluation relatives aux dépenses fiscales ne faisant pas partie d'une mission d'évaluation approfondie . Autrement dit, l'exonération fiscale des prestations familiales a été condamnée comme étant inefficace (score 0) après une évaluation sommaire.

Quand on constate les résultats d'une  évaluation approfondie  telle que celle menée par l'Inspection générale des finances et la Mission d'évaluation des politiques publiques sur les  Niches fiscales et sociales relatives aux revenus d'épargne financière , on ne peut que s'interroger sur ce qu'ont pu être les évaluations non approfondies. En effet, l'exonération des intérêts nominaux servis aux titulaires des livrets A et de divers autres livrets d'épargne est traitée dans une perspective de nominalisme fiscal, c'est-à-dire comme si ces intérêts constituaient un gain net. On sait pourtant qu'un euro n'a plus au 31 décembre le même pouvoir d'achat qu'au 1er janvier, et qu'en conséquence les intérêts nominaux ont pour première fonction de maintenir le pouvoir d'achat du capital. Et d'ailleurs la règle appliquée pour la fixation du taux du livret A fait expressément référence à la compensation de l'inflation : le taux d'intérêt augmente quand la hausse des prix se fait plus vive. Que penser d'une équipe d'évaluateurs qui considère comme une  niche  l'absence d'imposition des intérêts nominaux, sans se poser la question de savoir s'ils constituent un revenu réel, sans se soucier du fait que l'intérêt nominal est officiellement chargé de compenser l'érosion monétaire qui ampute le capital ? Cette équipe manifeste son ignorance ou son mépris des réalités économiques et des dispositions règlementaires les plus élémentaires. Ne serait-ce pas elle qui mériterait un zéro pointé ?

S'agissant des prestations familiales et des majorations familiales de pension, il aurait fallu que le Comité examine la façon dont fonctionne l'échange entre générations successives et entre personnes d'une même génération ayant plus ou moins d'enfants. Pourquoi avoir traité ces rentrées d'argent, sans se poser de question, comme un revenu net, et n'avoir pas traité de même les remboursements de l'assurance maladie et des complémentaires santé ? Lorsque notre compte en banque est crédité à la suite d'une consultation médicale, d'examens de laboratoire et d'achats de médicaments, nous ne sommes pas imposés sur ces recettes : en voilà une belle niche fiscale ! Une niche qui a des effets anti-redistributifs identiques à ceux de l'exonération des prestations familiales : selon la logique appliquée par les évaluateurs, le cadre dirigeant dont l'imposition marginale s'effectue au taux de 40 % y gagne bien plus que le technicien, et a fortiori qu'une personne salariée au SMIC, à ce titre non imposable.

Les prestations familiales peuvent être considérées comme un revenu des parents, ou bien comme un remboursement partiel des sommes qu'ils dépensent pour l'entretien ou la garde des enfants, une contribution de tous les Français à l'investissement dans la jeunesse dont les parents sont directement responsables. Dans le premier cas, leur inclusion dans le revenu imposable se défend ; pas dans le second – à moins, comme il vient d'être dit, de faire de même pour toute prise en charge par l'assurance maladie et tout apport en capital à une TRE. Je ne trancherai pas ici cette question délicate ; je constate simplement que le Comité d'évaluation ne semble même pas se l'être posée. Il est donc impossible de lui faire confiance, puisqu'il décide arbitrairement, comme dans le cas de l'épargne, de ce qui a la nature d'un revenu imposable, et de ce qui ne l'a pas.

Passons enfin aux majorations familiales de pension. J'en ai maintes fois depuis une trentaine d'années critiqué à la fois l'insuffisance et l'injustice. Les deux proviennent de ce que, au lieu d'attribuer une rente de plein exercice pour chaque enfant élevé, on a accroché ce wagon à la locomotive de la rente versée à titre professionnel. Il en résulte que les droits familiaux à pension constituent une sorte d'aumône, globalement inférieure à ce qu'ils devraient être dans un rapport de 1 à 5 ou 6. Il en résulte aussi, pour les majorations attribuées à partir de 3 enfants, qu'un couple de Conseillers d'Etat à la retraite ayant élevé une famille nombreuse obtient un supplément de pension dix fois supérieur à celui dont bénéficie à nombre d'enfants égal un couple formé d'une mère au foyer et de son mari ouvrier qui n'a pas gagné beaucoup plus que le SMIC. Tout cela plaide avec éloquence en faveur d'une remise à plat complète des modalités d'attribution des pensions. Un comité d'évaluation disposant d'un minimum de hauteur de vue aurait signalé le problème, et dit qu'avant de se préoccuper de la façon de taxer ce revenu il faut réfléchir à celle de le réformer de fond en comble.

Si le dit revenu était convenable, conforme à la justice, sa soumission à l'impôt sur le revenu coulerait de source. Le problème est qu'il est ubuesque. L'exonération fiscale dont il bénéficie n'est qu'une disposition mineure visant à corriger un aspect de cette absurdité (l'insuffisance de la composante familiale de la pension) au prix de l'accentuation d'un autre aspect de la dite absurdité (le privilège accordé aux titulaires d'un bon revenu professionnel).

Tant que notre système de retraites par répartition n'aura pas été mis en conformité avec le théorème de Sauvy ( nous préparons nos retraites, non par nos cotisations vieillesse, mais par nos enfants ) il est inutile et même nocif d'effectuer à leur sujet une réforme fiscale : le problème n'est pas en effet que les Conseillers d'Etat (ou inspecteurs des finances) parents de 5 enfants seraient trop récompensés, au niveau de leur retraite, par la majoration exonérée d'impôt ; il est que l'on a conçu comme une simple majoration ce qui devrait être une composante à part entière de la pension ; il est aussi que les pères et mères de famille nombreuses dont la situation professionnelle a été modeste sont effroyablement pénalisés au niveau de leur retraite. Et, bien entendu, l'argent pris par le fisc aux riches retraités parents de famille nombreuse ne servira pas à améliorer le sort des retraités pauvres ayant élevé le même nombre d'enfants.

Remarques finales

Le rapport de la mission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales constitue un exemple intéressant des difficultés que rencontrent nos dirigeants et hauts fonctionnaires quand il s'agit de préparer des réformes :

  • Ils ne savent pas commencer en temps voulu à étudier les problèmes. Dans l'affaire des niches, la moitié du temps disponible pour ce faire a été perdue parce que le Premier ministre a tardé plus d'un an à lancer les opérations demandées par une loi de programmation – loi résultant de la révision constitutionnelle effectuée en 2008, année depuis laquelle il n'y a eu de changement ni de Président de la République, ni de Premier ministre, ni de majorité parlementaire. Le manque de temps n'est peut-être pas la raison principale pour laquelle le travail a été mal fait, mais ce facteur a certainement joué un rôle.
  • Ils n'envisagent pas les problèmes de manière systémique, mais découpent la réalité en rondelles, petits segments qu'ils traitent comme s'ils ne faisaient pas partie d'un ensemble plus vaste. Typiquement, le problème des niches fiscales  familiales , qui concerne pour une part les retraites, est abordé sans le replacer dans une problématique d'ensemble de la politique des retraites, de la famille, de l'investissement dans la jeunesse et des échanges entre générations successives.
  • Ils ignorent les enseignements les plus élémentaires de l'analyse économique : par exemple la différence entre revenu réel et revenu nominal ; ou, s'agissant des niches familiales, le théorème de Sauvy.

 

Au total, les documents préparatoires aux réformes prennent trop souvent la forme d'études déconnectées les unes des autres, menées sans esprit de suite ; elles reflètent les idées qui volètent dans l'air du temps et elles restent politiquement correctes (aucune allusion aux préoccupations électoralistes qui sont à l'origine de la majorité des niches fiscales). Sachant que les auteurs de ces études ne sont, dans le fond, pas plus bêtes que vous et moi, on mesure l'immense gâchis de compétences qui résulte de la mauvaise gouvernance et du conformisme de la haute administration : au lieu d'un document solide permettant de faire avancer les réformes sérieuses dont le pays a besoin, nous disposons d'un classement des niches fiscales et sociales sur 4 niveaux, de 0 à 3, comme s'il s'agissait de classer des écoles, des hôpitaux, des entreprises ou des assurance vie pour un de ces palmarès que nous livrent régulièrement les magazines. Dommage !

 

 

Jacques Bichot, professeur émérite à l'université Jean Moulin, est vice-président de l'association des économistes catholiques

 

 

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