[New York, correspondance ] Le Sommet de l'Enfance s'est achevé vendredi 10 mai au siège des Nations unies à New York, après deux ans de préparation. Au terme d'ultimes négociations, les 189 États membres ont adopté un document final tourné vers l'action.

Ce document, intitulé " Un monde digne des enfants " est largement positif, et très loin du texte radical et idéologique proposé au début de la préparation du Sommet.

Le Sommet a affiché un élan consensuel en faveur de l'enfance. Chaque pays est intervenu en Assemblée plénière pour dire " oui aux enfants " dans une succession de discours rivalisant souvent de platitude et d'enthousiasme emprunté. 1700 représentants d'ONG, 189 délégations et 560 enfants ont échangé idées et méthodes sur la manière d'améliorer la vie des enfants.

Mais l'essentiel est ailleurs. Les délégués ont négocié à huis clos, jour et même nuit à la fin du Sommet, pour aboutir à temps à un consensus. Celui-ci a été particulièrement difficile à atteindre. Elles ont principalement opposé les États-Unis, le Saint Siège et certains pays musulmans à l'Union européenne et au Canada et ont notamment porté sur trois sujets sensibles :

1/ Le paragraphe 15 relatif aux familles. Certaines délégations voulaient minimiser le rôle majeur de la famille et inclure la reconnaissance de l'existence de " diverses formes de famille ". Le paragraphe adopté après les négociations commence par affirmer avec force le rôle de la famille (" La famille est l'unité fondamentale de la société et le principal responsable de la protection, de l'éducation et de l'épanouissement des enfant ") et reconnaît " que diverses formes de famille existent dans des systèmes culturels, sociaux et politiques différents ". La formulation finale est donc plutôt positiven, même su l'allusion aux diverses formes de famille reste vague et liée au contexte culturel, social... Mais on ne peut y voir une reconnaissance explicite des unions homosexuelles, objectif implicite des groupes ayant eu l'initiative de la formulation.

2/ Le paragraphe 37 relatif à la santé reproductive et à l'éducation sexuelle. En juin 2001, un délégué canadien répondant au chef de la délégation américaine a reconnu que les " Services de santé reproductive et sexuelle " incluait l'avortement. Dès lors, le Vatican, les États-Unis et le Chili parlant au nom de 17 pays d'Amérique latine se sont opposés à cette formulation, devenu le principal point de conflit, l'enjeu à terme étant la reconnaissance de l'avortement comme un droit de l'homme international.

Dans le même paragraphe, alors que le Canada et l'Union européenne défendaient le droit des adolescents à l'éducation sexuelle et le safe sex, les États Unis ont proposé de soutenir l'abstinence et des comportements responsables. Les négociations ont longtemps bloqué sur ces point. Après le subit revirement de l'Union européenne (dont la position est commune) très ferme auparavant, un nouveau bloc s'est formé autour du Liechtenstein et du Canada pour s'opposer aux positions des États-Unis. Les négociations ont finalement abouti à la suppression du terme " services " et des points relatifs à l'éducation sexuelle.

3/ La référence à la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce texte de 1990 avait été accepté par tous les États membres, à l'exception des Etats-Unis, dont certains États demeuraient hostiles à la condamnation de la peine de mort pour les mineurs. Ceux-ci refusaient donc d'y faire référence, mais les Américains avaient deux autres motifs de défiance : 1/ une suspicion générale pour les textes internationaux qui imposent des contraintes à leur politique intérieure ; 2/ un texte centré sur les droits de l'enfant. Pour certains, cette approche relativise le rôle des parents comme si ceux-ci étaient absents de la réalité du bien-être des enfants. Finalement, un compromis a été trouvé, le nouveau texte faisant référence à la convention de manière assez souple pour ne pas obliger les États-Unis.

Au-delà de ces points particuliers, le bilan des négociations est positif. Le document final ne se trompe pas de priorités dans les combats à livrer pour créer un monde digne des enfants. Certains lobbies ne se préoccupaient que de l'implication des enfants dans le processus de décision et d'une éducation sexuelle " libérée " de l'influence des parents, alors même que 120 millions d'enfants ne vont pas à l'école. Pendant la dernière décennie, deux millions d'enfants ont étés tués dans des conflits, 6 millions mutilés et l'on compte aujourd'hui 13 millions d'orphelins à travers le monde.

En réponse à cette réalité, la déclaration commence par reconnaître la dignité de chaque enfant et souligner le rôle premier des parents et des familles en tant que principaux gardiens des enfants. Elle propose ensuite un plan d'action pour 1/ lutter contre la pauvreté, la malnutrition et les maladies, 2/ assurer une éducation de qualité, 3/ protéger contre la maltraitance, l'exploitation et la violence, 4/ lutter contre le sida, dont 1,4 million d'enfants de moins de quinze ans.

Sur ces différents points, les objectifs fixés sont très ambitieux, et n'auront de sens que si des moyens sont effectivement mis en œuvre pour les atteindre. Quoiqu'il en soit, le document final est centré sur les besoins réels des enfants et non sur une vision idéologique de leurs besoins.