L’aberrante politique turque de la France socialiste.

[Source : Les 4 vérités]

Depuis plusieurs jours, la Turquie est en effervescence. Un putsch manqué, organisé, semble-t-il, par une partie de l’armée, dans la nuit du 15 au 16 juillet, a été l’occasion d’une purge de grande ampleur sans doute sans précédent dans l’histoire turque depuis le fameux massacre des janissaires ordonné par le sultan Mahmoud II en 1826.

 

Des milliers d’officiers, mais aussi des milliers de magistrats et d’universitaires, ont été « raflés ».
Il se murmure que les listes de proscription existaient avant le putsch lui-même – ce qui semble vraisemblable, compte tenu de la rapidité et de l’ampleur de la réaction du nouveau « sultan » Erdogan.

En tout cas, ces soubresauts de la politique turque manifestent à la fois la ferme volonté politique d’Erdogan d’écarter toute dissidence et, beaucoup plus grave, la nullité de la politique étrangère de l’Union européenne en général, et de la France en particulier.

Il est d’abord remarquable que toutes les puissances occidentales aient, instantanément, alors même que l’on ignorait si le putsch avait des chances de réussir, soutenu Erdogan, prétendu garant de la stabilité du pays.
Si l’on veut bien se souvenir du double jeu mené longtemps par le gouvernement néo-ottoman de ce personnage dans la région, et tout spécialement en opposition au régime syrien et en soutien plus ou moins discret à l’État islamique, on mesure la portée de cette « stabilité ».

Imagine-t-on qu’en 1942, Roosevelt ait déclaré qu’il fallait soutenir le IIIe Reich pour éviter que l’Europe ne sombre dans le chaos ?

Qu’Erdogan soit, semble-t-il, partiellement revenu de ses erreurs et de son soutien à l’État islamique ne peut le dédouaner de ses responsabilités. Pas davantage que le fait qu’il partage, hélas, cette terrible responsabilité avec bon nombre de puissances occidentales, à commencer par les États-Unis.

Mais l’Europe refuse d’entendre ce que le nouveau sultan ne cache nullement. Elle demeure empêtrée dans sa conception de « l’Europe faiblesse », qui semble avoir remplacé le mythe de « l’Europe puissance » dans l’esprit de nos dirigeants. À en croire les dirigeants de l’UE et ceux de plusieurs États membres, notamment les six États fondateurs, l’Europe doit montrer au monde le fascinant exemple de puissances qui choisissent elles-mêmes de se saborder.

Curieusement, personne ne paraît pressé de suivre ce stimulant modèle ! En tout cas, pas Recep Tayyip Erdo­gan… Naturellement, que le modèle européen ne soit pas universellement salué et copié perturbe nos sages gouvernants. Et ils ne savent trop comment « gérer » le cas Erdogan.

Après avoir salué en lui l’homme fort, garant de la stabilité « démocratique » dans la région, ils critiquent sa répression.

Les dirigeants européens ont même menacé la Turquie de rompre les négociations d’adhésion si elle rétablissait la peine de mort. Car, pour adhérer à l’UE, il n’est pas utile d’être situé en Europe, mais il faut refuser la peine de mort ! Naturellement, Erdogan a dit aux Européens de se mêler de leurs affaires… et ces derniers sont rentrés à la niche !

Notre diplomatie du sentimentalisme et du droitdelhommisme est décidément remarquablement nuisible.

La Turquie est en train de se rapprocher de la Russie (ce qui explique pourquoi Erdogan n’accuse pas du putsch les kémalistes, qui le soutiennent, mais son ancien allié, Fethullah Gülen, très hostile à l’alliance Anka­ra-Moscou). Quant à nous, nous sommes incapables de dire quel est notre intérêt national dans cette région. Preuve de cette politique de Gri­bouille, tantôt nous soutenons Al Qaï­da par amour de la démocratie, tantôt nous le bombardons…

Il était de bon ton, naguère, de moquer la politique arabe de la France. Du moins y avait-il une politique. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Bien que nous n’ayons que la « diversité » à la bouche, nous sommes incapables de discuter avec des gens qui ne pensent pas comme nous. Nous avons stupidement rompu les relations diplomatiques avec Damas. Nous avons imposé des sanctions économiques à Moscou. Nous sommes en train de nous brouiller avec Ankara. Après avoir proposé à plusieurs de ces capitales de former une sorte d’État fédéral avec nous. Est-il si difficile d’entretenir des relations de bon voisinage, sans partager la même chambre à coucher ?

Pour ma part, je continue à penser qu’il faut discuter avec Ankara (comme avec Moscou, et bien d’autres, y compris des régimes avec lesquels nous ne partageons pas grand-chose). Mais, plus que jamais, pour l’adhésion à l’UE, c’est NON !