Contrôle des étrangers en situation irrégulière : mais que pourrait faire Bruno Retailleau le jour où il aurait les mains libres ?

Source [Atlantico] : Alors que le ministre de l’Intérieur met en avant une hausse des expulsions et des contrôles renforcés dans les transports, certains cas emblématiques, comme celui de l’influenceur algérien Doualemn, rappellent les obstacles structurels à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Derrière les chiffres et les discours, se pose une question centrale : la France peut-elle encore agir souverainement en matière migratoire, ou son action est-elle corsetée par un empilement de normes et de jurisprudences, nationales et européennes, qui neutralisent sa capacité à protéger efficacement son territoire et ses citoyens ?

Atlantico : Bruno Retailleau a récemment annoncé une grande opération de contrôle des étrangers en situation irrégulière, dans les gares et les bus. Au micro de Sonia Mabrouk, il se vantait récemment de chiffres à son avantage en matière d'immigration (+14% d'expulsions, notamment). Faut-il pourtant penser, quand on voit des cas comme celui de Doualemn, que l'action du ministre de l'Intérieur est aussi efficace qu'énoncée ou bien qu'il fait face à des obstacles d'ordre juridique ? Peut-on dire de Bruno Retailleau qu'il produit un discours pour paver le chemin à l'action ?

 

Jeremy Stubbs : La grande opération dans les gares et les bus constituera surtout une bonne opération de publicité. Il s’agit de montrer la détermination et la fermeté d’un ministre qui pourrait un jour devenir président de la République et - à ce moment-là - avoir les mains libres pour faire des changements plus profonds. Les chiffres de M. Retailleau, apparemment assez impressionnants, - « -24% de régularisations, -14% de naturalisation, + 14% expulsions » - sont, si je comprends bien, le résultat des instructions qu’il a données aux préfets en janvier. Ces derniers ayant le pouvoir de régulariser des étrangers en situation irrégulière, il leur a demandé d’en régulariser beaucoup moins en utilisant des critères plus stricts. Il est donc question de travailler à l’intérieur du système existant mais avec plus de rigueur - ce qui est déjà bien - et non de changer le système en tant que tel. Le cas de Doualemn est emblématique de la difficulté qu’il y a à expulser des étrangers vers l’Algérie à cause des tensions entre ce pays et la France. En tant que ministre de l’Intérieur, M. Retailleau a peu de contrôle dans ce domaine qui relève de la diplomatie et des relations internationales. La « non-expulsion » par les autorités françaises d’individus notoires comme Doualemn constituent en quelque sorte une mauvaise opération de publicité qu’il faut compenser par une bonne.

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