Le premier tour des élections municipales ne devrait pas bouleverser la donne politique. Globalement, l'électorat est demeuré stable, même si la gauche progresse. Beaucoup d'incertitudes demeurent cependant pour le second tour.

Nouveau venu sur la scène politique, le Modem joue le rôle naguère dévolu au Front national : il incarne une forme de vote contestataire marginal, mais qui peut être déterminant dans de nombreuses villes.

CONTRAIREMENT à certains pronostics, le premier tour des municipales est conforme à ce que l'on pouvait attendre. Ce qui explique que chacun, de l'extrême gauche à l'extrême droite, se montrait globalement satisfait des résultats sur les plateaux de télévision dimanche soir : sourires à gauche, soulagement à droite.

À l'exception de quelques cas particuliers où l'équation personnelle a jouté fortement, comme à Bordeaux par exemple où Alain Juppé est très bien réélu, chaque camp a fait le plein habituel de ses voix, surtout si l'on tient compte de l'évolution démographique qui confirme la croissance de l'électorat de gauche dans un grand nombre de villes françaises.

 

La gauche progresse par rapport aux élections de 2001. Mais la droite avait atteint il y a sept ans un score hors normes , dû en grande partie au rejet de la politique Jospin : malgré la perte de Paris et de Lyon, elle avait engrangé les conquêtes. Il était difficile d'imaginer retrouver un score analogue. Il était prévisible que des villes comme Rouen, par exemple, repasse à gauche ou que les candidats PS bien implantés retrouvent leurs mandats comme François Hollande à Tulle.

En 2001, la droite avait conquis 20 villes de plus de 30 000 habitants. Elle dirigeait 50 villes de 20 000 à 50 000 habitants de plus que la gauche. À l'issue de ce premier tour, son reflux était prévisible, même si les sondages lui avaient fait craindre le pire. Dans les villes de plus de 20 000 habitants, l'étiage de la gauche est à peu près identique au score obtenu par Ségolène Royal au premier tour des présidentielles. Une fois encore, on constate la grande stabilité du corps électoral. Le reste, si l'on peut dire, est affaire de circonstances locales.

Pas de vote sanction

La chute de la popularité de Nicolas Sarkozy n'a certes pas favorisé les candidats de l'UMP. Cela n'a pas empêché que la plupart des membres du gouvernement candidats s'en sortent bien. François Fillon, Jean-Louis Borloo Michèle Alliot-Marie, Hervé Morin, Eric Woerth, Laurent Wauqiez, Eric Besson, Dominique Bussereau, Valérie Létard, André Santini, Luc Chatel, Hervé Novelli Robert Karoutchi sont élus ou réélus. Seuls Xavier Darcos à Périgueux, et Jean-Marie Bockel à Mulhouse sont en ballottage difficile, comme Rama Yade à Colombes. Ballotage désespéré également à Paris pour Christine Albanel et Christine Lagarde. Dans le septième arrondissement, Rachidat Dati se battra, elle, pour un cinquième élu.

Au soir de ce premier tour, interpréter ces premières élections municipales du président Sarkozy comme un vote sanction ne paraît pas juste. Un quart seulement des électeurs ont voté pour s'opposer à Nicolas Sarkozy et 64 % pour des raisons locales.

Certes le PS est vainqueur, et François Hollande peut respirer. Aux cantonales, dont on a peu parlé dimanche soir, les progrès de la gauche sont aussi assez sensibles. Sur l'ensemble des circonscriptions, elle recueille 47, 62 % des voix contre 41, 82 % à la droite qui se maintient au niveau de 2001. Celle-ci perd notamment la Corrèze, fief de Jacques Chirac. Arnaud Montebourg pourrait bien diriger la Saône-et-Loire.

Une forte partie des électeurs de Nicolas Sarkozy, surtout dans les couches populaires, ne comprend pas que les résultats de la politique du gouvernement ne soient pas encore visibles. Ils ont le sentiment que les promesses ne sont pas tenues. Certains électeurs de Nicolas Sarkozy sont retournés vers le PS, vers le Front national dont les scores ne sont nullement calamiteux, même si Marine Le Pen n'a pas réussi son pari à Hénin-Baumont (avec tout de même un score de 28,53 %). Mais le PS aurait tort de triompher trop vite. Le fond de l'électorat de droite est demeuré stable, en cohérence avec les sondages qui attribuent au Premier ministre une excellent cote de popularité, et le bon niveau d'adhésion aux réformes en cours, même si celles-ci n'ont pas encore produit tous leurs effets.

Les clés du second tour

Dans de nombreuses de municipalités, tout va donc se décider au second tour selon deux paramètres : le niveau de la mobilisation et l'attitude du vote contestataire qui réapparaît à l'occasion de ces municipales.

De manière générale, le niveau de l'abstention est resté normal pour des municipales. C'est localement qu'apparaissent des disparités. On a bien voté à Marseille où les résultats pouvaient paraître incertains, beaucoup dans des villes comme Versailles (avec le succès écrasant d'une équipe dissidente divers-droite, comme à Neuilly-sur-Seine) et peu à Paris où les jeux semblaient fait d'avance et où la fin des vacances scolaires a sans doute joué son rôle.

Plus encore que les abstentionnistes, c'est le vote contestataire qui va arbitrer les résultats du second tour. Paradoxalement il prend aujourd'hui deux formes. Tout d'abord, celle de l'ultra gauche : les listes Besancenot ont fait de bons scores, y compris là ou on ne les attendait pas, mais qui profiteront peu au PS. Ensuite, et curieusement celui du Modem qui lui, peut faire basculer un certain nombre de ville à gauche, là ou il peut se maintenir ou passer des alliances.

Au plan national, les résultats du Modem sont faibles. Il a peu de chance de conquérir des villes. Son président, François Bayrou, est en ballottage défavorable à Pau. Son numéro deux, Marielle de Sarnez, n'est pas en mesure de peser à Paris et Bertrand Delanoë lui a gentiment fait comprendre qu'il n'avait pas besoin d'elle. Mais localement, la présence des bayrouistes peut être déterminante. Ce sera probablement le cas à Toulouse, où le candidat du Modem n'a fait que 5 % mais où le maire sortant Jean-Luc Moudenc a absolument besoin de ces voix pour battre le socialiste Pierre Cohen. Dans une moindre mesure, ces voix peuvent aussi compter à Strasbourg où Fabienne Keller, la mairesse sortante, semble malgré tout d'ores et déjà battue par une coalition rose-verte.

En règle générale, les intentions de votes des électeurs du Modem semblent pencher plus à gauche qu'à droite, et sauf exception, ses listes se maintiendront partout où elles le pourront, quitte à faire basculer des villes à gauche.

Localement, tout va donc se décider d'ici mardi soir minuit. Dans les villes de plus de 3 500 habitants, les listes qui ont atteint plus de 10 % peuvent se maintenir. Elles peuvent aussi fusionner. Celles qui ont entre 5 et 10 % ont la possibilité de fusionner avec des listes ayant réussi à dépasser le seuil des 10 %. Au second tour, la liste arrivée en tête disposera de la moitié des sièges, même avec une majorité relative, les autres sièges étant attribués à la proportionnelle aux listes minoritaires.

Trois enseignements

Il est toujours dangereux de tirer un enseignement d'un premier tour d'élection municipale. On peut toutefois retenir cette année trois enseignements, avec toutes les précautions d'usage : La poussée du PS est relative. Les socialistes sont ici ou là de plus en plus concurrencés par l'ultra gauche. Le désenchantement à l'égard du Président Sarkozy ne va pas jusqu'au désaveu de la politique suivie par le gouvernement et les réformes entreprises. Si les Français ne se retrouvent pas dans le style de Nicolas Sarkozy, la conduite des affaires par François Fillon ne fait pas l'objet d'un vote sanction. Une appréciation provisoire à confirmer ou infirmer dimanche prochain.

On assiste à un retour du vote contestataire. Le PC et le Front national font mieux que se défendre. La LCR d'Olivier Bessancenot progresse.

Le Modem occupe désormais une situation paradoxale. Ces électeurs sont autant de gauche que de droite. Dans certaines villes, il est davantage un parti central qu'un parti du centre. Selon qu'il maintiendra ses listes ou non, il peut faire basculer plusieurs villes d'un côté comme de l'autre. Paradoxalement, cette absence d'espace politique peut lui être favorable dans les jours qui viennent. Mais la suite risque d'être difficile à gérer.

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