Jn 6,51-58 — "Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et même, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.

"

Les Juifs alors se mirent à discuter fort entre eux ; ils disaient : "Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?"

Alors Jésus leur dit : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. 55 Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. 56 Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.

De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. 58 Voici le pain descendu du ciel; il n'est pas comme celui qu'ont mangé les pères et ils sont morts; qui mange ce pain vivra à jamais."

P:first-letter {font-size: 300%;font-weight: bold;color :#CC3300; float: left}CINQ OU SIX PETITS PARAGRAPHES

dans cette méditation le jour de la Fête-Dieu.

1/ Voici le premier. Quand nous étions petits enfants, et qu'on allait se coucher, on demandait à ses parents de ne pas fermer complètement la porte, afin qu'un petit rayon de lumière et le bruit des voix familières puissent continuer à passer, signes de présence, réconfort par rapport au mystère, je dirais même à la menace de la nuit.

Il y a un beau cantique qui dit : "Il demeure avec nous... par le pain et par le vin." Il demeure avec nous, c'est-à-dire qu'il ne nous a pas abandonnés. "Il", c'est Jésus. Après tout, les hommes ressemblent quelquefois à des insectes nuisibles, des animaux prédateurs... Dieu aurait pu dire : j'en ai assez de cette race-là. Dans l'Ancien Testament, on voit Dieu quand même un peu fatigué de la race humaine.

En revanche, Jésus, non. Au contraire, il a inventé ce mystère d'amour prodigieux, rester avec nous "par le pain et par le vin"... Le cantique dit aussi : il demeure avec nous sur nos routes humaines... il demeure avec nous dans nos désespérances... Il demeure avec nous jusqu'à la fin du monde.

2/ C'était le premier point. Pour le deuxième, attachez vos ceintures, je vais parler de la bombe atomique ! Cependant, n'ayez pas peur, je ne suis pas terroriste, ni belliciste, ni même belliqueux, je prends la bombe atomique uniquement comme une comparaison, vous pouvez ranger vos compteurs Geiger !

Voici la métaphore : le principe de la bombe A, c'est de contenir une énergie considérable sous un très petit volume. Prenons un porte-avions à propulsion nucléaire. Avec un simple attaché-case rempli d'uranium, le capitaine peut faire faire à son navire trois ou quatre fois le tour du monde sans recharger. Auparavant, il lui aurait fallu à chaque étape une petite montagne de charbon, ou bien des milliers d'hectolitres de gasoil, au prix où c'est actuellement !

La comparaison est simple : dans cette toute petite hostie est enfermée une force considérable, évidemment non pas pour démolir mais pour construire. Construire la civilisation de l'amour. Communier n'est pas, ne peut pas être une routine. Communier me donne une grande force. C'est une exigence.

3/ Troisième point. Un texte ancien dans l'Église, la Didachè, nous propose une image superbe : Comme ce pain rompu, autrefois disséminé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un seul tout, qu'ainsi ton Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaume (9,4). Nous qui allons communier, il y a donc nécessité d'être des co-trait d'union-pains, copains ou compagnons ¬— ceux qui mangent un même pain. Oui, par notre proximité, que l'Église du Christ soit rassemblée.

4/ Quatrième point. Voici une belle citation du Concile Vatican II, la constitution Sacrosanctum concilium. Je l'introduis en vous narrant un petit fait :

quand j'étais petit (décidément je retombe en enfance), et que la table était mise dans la salle pour une fête, en attendant les invités, je me confesse, je profitais que ma mère ne regardait pas pour aller piquer ici et là un petit morceau des entrées, cela me donnait un avant-goût.

Je ne dis pas que le concile Vatican II encourage le larcin et les vilains garnements, non ! Voici le texte, il est très beau, c'est au paragraphe 47 : L'eucharistie est un gage de la gloire future, qui nous est donné comme un avant-goût. Autrement dit : en communiant, j'ai un avant-goût du ciel ! Un avant-goût de la gloire future !

5/ Cinquième point. Il se dédouble, ce sont deux pistes de travail sur l'Évangile. Les textes concernant l'institution de l'Eucharistie lors de la cène, le Jeudi saint, vous les connaissez. De même aussi le plus ancien d'entre eux, le texte de Paul aux Corinthiens relatant l'institution de ce sacrement, un texte antérieur aux Évangiles. Maintenant, je vous apporte seulement deux traits, assez éclairants, sur les Évangiles en général, que vous pourrez reprendre chez vous. L'idée, c'est de lire votre Évangile avec un thème derrière la tête. Première piste : les gens guéris par le contact physique du corps de Jésus. La femme atteinte d'une perte de sang : elle s'était, j'allais dire, infiltrée, arrivée en catimini, en douce, pour toucher la frange du manteau de Jésus, Jésus ne la dispute pas, bien au contraire il la félicite. Je me demande aussi s'il n'a pas dit tout aussitôt, à ses apôtres, qu'ils pouvaient en prendre de la graine ! Lesquels apôtres furent un peu abasourdis.

L'aveugle-né chez Jean. Jésus lui touche les yeux.

Les lépreux blanchis, c'est-à-dire guéris en Matthieu 8,3 : Il étendit la main, le toucha et dit : "je le veux, sois purifié".

Marie-Madeleine, qui embrassait les pieds de Jésus, etc.

Et aussi des enfants. L'Évangile dit que Jésus les embrassait et les caressait...

Aujourd'hui, dans les magasins on voit des affiches où il est écrit : "Prière ne pas toucher." Dans la vie, l'expression "toucher des sous", ce geste-là ! Toucher, palper.

Recevoir l'eucharistie, est donc avoir un contact avec Dieu. Toucher Dieu. Dieu est réaliste, il n'est pas un intello dans les nuages. Il n'est pas un fantôme. Il sait que ses enfants de la terre ont besoin de toucher. On communie pour vérifier, pour sentir la bonté de Dieu, Dieu qui est bon comme du pain. On dit aussi "toucher du doigt la réalité". Chers amis, revenus chez vous, ça peut être une façon de travailler l'Évangile : au lieu de tout lire à la queue leu leu, rechercher les passages où des hommes, des femmes et des enfants touchent Dieu.

Autre piste de travail dans l'Évangile, modeste, mais utile : la force de la parole de Dieu. Cette parole est toute puissante. Par une seule parole Jésus calme la tempête.

Par une seule parole Jésus guérit l'aveugle.

Par une seule parole Jésus pardonne les péchés au paralytique.

On pourrait aussi relire le début du livre de la Genèse, le récit de la création du monde. Certes, ce récit doit être interprété, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Cependant il y a des paroles très fortes, et qui restent : Il dit... et cela fût. Par une seule parole aussi, Jésus devient la nourriture de nos âmes : ceci est mon corps, ceci est mon sang. Jésus n'a pas dit : Ceci "ressemble" à mon corps, ceci "ressemble" à mon sang , mais il utilise le verbe être : Ceci est mon corps, est mon sang. Vous sentez, chers amis, que là se situe un point de divergence avec nos frères protestants, qui ne croient pas à la présence réelle. Au moins les calvinistes. Il me semble que les luthériens ne l'ont pas tout à fait abandonnée.

Méditons un peu sur ce Dieu qui est bon comme du pain. Méditons sur sa présence réelle dans le sacrement. Méditons sur l'incarnation de Jésus, double pourrait-on dire : d'abord il s'incarne dans le sein de la Vierge Marie, prenant un corps d'homme ; ensuite, il s'incarne, une deuxième fois pourrait-on dire, dans le pain de la messe afin de fortifier nos âmes.6/ Sixième point : il s'agit d'un oiseau. Le pélican vit sur les rives des lacs et des fleuves, dans les régions chaudes. Il alimente ses petits avec la nourriture qu'il a stockée dans la poche membraneuse, située à sa mandibule inférieure. Des légendes anciennes ont imaginé que le pélican, en cas de nécessité, nourrit ses petits avec sa propre chair, s'étant déchiré la poitrine.

Pour cette raison, la tradition chrétienne a commencé, à partir du Moyen Âge, à utiliser le pélican comme symbole eucharistique. Le sang vivifiant étant une figure du sang rédempteur du Christ. Le Christ qui nourrit ses petits avec sa propre chair, belle image.

Le Christ présent dans l'Eucharistie est ainsi appelé le "pieux pélican" dans l'hymne Adoro te devote, je t'adore à la folie, attribué à saint Thomas d'Aquin. Des poètes et des peintres ont, eux aussi, reproduit le pélican parmi les symboles chrétiens.

Conclusion : un petit fait de la vie de Blaise Pascal. À la fin de sa courte vie, cet homme était si malade qu'il ne pouvait plus communier, avaler l'hostie. Il demanda alors à son aumônier, le Père Beurrier, de faire venir dans sa chambre un mendiant. Quoique malade, il lui donna son propre lit, lui-même s'installant dans un vague fauteuil dans un coin. Il dit au prêtre : c'est la même chose, communier à l'hostie ou communier à un pauvre. Amen.

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