Deux rapports attirent cette semaine l'attention, une nouvelle fois, sur les finances publiques françaises. D'une part l'INSEE a communiqué le montant des déficits et de l'endettement publics à Bruxelles : ils sont plus élevés que prévus.
D'autre part, l'OCDE vient de publier le montant des dépenses publiques en pourcentage du PIB : nous sommes le seul pays où ce ratio a augmenté. La situation est catastrophique, au moment où, plus que jamais, il faut réduire les prélèvements obligatoires pour stimuler la production. Il faut donc non seulement réduire ces prélèvements, mais il faut aussi massivement réduire les dépenses publiques et les déficits.
3,7% de déficit public
Rien ne va plus d'abord du coté du déficit. C'est ce que vient de souligner l'INSEE, qui doit régulièrement communiquer à Bruxelles ses estimations dans ce domaine, pour savoir si la France respecte des engagements. Pour la troisième année consécutive, nous ne respectons pas les engagements des traités européens, à savoir un déficit des finances publiques ne dépassant pas 3% du PIB. Pour l'année 2003, le déficit en était même très loin, à 4,1% du PIB. L'INSEE vient même de réviser à la hausse ce chiffre, à 4,2% : c'est plus, en pourcentage, que le déficit américain, que nous aimons pourtant bien brocarder...
Pour 2004, la France avait promis que la situation s'améliorerait ; Bruxelles n'aurait d'ailleurs pas admis le contraire. Le déficit devait être au maximum de 3,6%. Finalement, ce sera 3,7%, encore un peu plus que prévu. Certes, le déficit du budget de l'État s'est réduit, en particulier en raison des rentrées fiscales dues à une croissance certes faible, mais moins qu'en 2003 où elle était quasi-nulle.
Mais le déficit public, ce n'est pas seulement celui de l'État. C'est aussi celui de la Sécurité sociale. Or celui-ci poursuit sa dérive, passant de 9,6 milliards en 2003 à 13,8 milliards d'euros en 2004. Et gageons que ce n'est pas le plan Douste-Blazy qui sauvera la situation en 2005. Autre dérive, celle des collectivités locales : elles avaient encore un excédent de 0,5 milliard en 2003. Les voilà avec un déficit de 2,2 milliards en 2004. Et là encore nous n'osons pas imaginer la situation de 2005, avec en particulier les dérives des dépenses dans les conseils régionaux. Il est vrai que certains, comme Georges Frèche, président de la région Languedoc-Roussillon, espèrent limiter le déficit grâce à une hausse des impôts de 52% en un an...
65,6% de dette publique
Rien ne va plus non plus du côté de la dette publique. Les déficits cumulés, année après année, ont conduit à un endettement faramineux de l'État. La dette publique a franchi en 2004 les 1.000 milliards d'euros, pour atteindre 1.066 milliards. Cela représente 65,6% du produit intérieur brut français, contre 63,9% du PIB en 2003. Rappelons là encore que la limitation européenne (60% du PIB au maximum) est enfoncée. Nous, les professeurs de vertus de toute l'Europe, nous ne respectons aucun des critères européens relatifs aux finances publiques. Et la poursuite du déficit en 2005 (nous avons promis de le limiter à 2,9% du PIB, au prix de quelques acrobaties comptables et de quelques soultes versées par les entreprises publiques) montre que ce ratio ne cessera de croître. La dérive va se poursuivre.
Il faut rappeler aux Français que cette dette publique représente 17.000 euros par habitant, soit 68.000 euros (plus de 450.000 francs) pour une famille avec deux enfants... Rappelons aussi que cet endettement est une mauvaise action de la part de la classe politique vis-à-vis des générations à venir, puisque ce sont nos enfants (et maintenant nos petits-enfants avec les emprunts à 50 ans) qui devront rembourser, par leurs impôts, ces sommes gigantesques. Tout cela pour nous permettre aujourd'hui de financer quelques dépenses sociales ou de fonctionnement. Au lieu de manifester contre la non-réforme Fillon, voilà un vrai sujet de manifestation pour les jeunes : protester contre ce transfert de charges à la génération suivante.
54,5% de dépenses publiques
Tout cela n'est rien par rapport aux informations qui viennent d'être fournies par l'OCDE à propos des dépenses des administrations publiques en pourcentage du produit intérieur brut. Selon l'OCDE, ces dépenses publiques représentent en France 54,5% du PIB (soit beaucoup plus que les 45% des prélèvements obligatoires, car il faut y ajouter les recettes non fiscales et les déficits publics, non financés par l'impôt par définition). Or, pour les 28 pays membres de l'OCDE recensés dans cette étude, la moyenne s'établit à 41%, soit 13,5 points de moins.
Mieux encore : la France est le seul pays, de toute l'OCDE, dans lequel le poids des dépenses publiques n'a pas diminué ! Pendant ce temps, le Canada est passé de 52% à 40%, la Nouvelle-Zélande de 46% à 38% et les Pays-Bas de 56% à 49%. Il n'y a plus que deux pays qui nous dépassent : la Suède (mais elle est passée de 73% à 58,2%, ce qui est remarquable) et le Danemark (passé de 62% à 56,1%). Encore un effort et nous serons champions du monde des dépenses publiques.
Ce qui est intéressant dans cette étude, c'est qu'elle regroupe tous les pays de l'OCDE : certains sont libéraux, d'autres sociaux-démocrates. Mais tous, sauf la France, ont un point commun : le poids des dépenses publiques a diminué. Cette enquête porte sur l'année 2003, la dernière pour laquelle on possède tous les chiffres. Inutile de préciser qu'avec la dérive des déficits en 2004 et des dépenses locales en 2005, la situation ne va pas s'arranger.
On savait que la France était paralysée par le poids des prélèvements obligatoires, étouffant littéralement le développement de l'offre. On voit qu'elle meurt aussi sous le poids des dépenses publiques et des déficits. Il faut donc tout mener de front : réduire les impôts, réduire les dépenses, réduire l'endettement et les déficits. Sinon, la France ne sera pas seulement championne dans ce domaine ; elle restera aussi championne pour le chômage. Des lauriers dont nous nous passerions.
*Jean-Yves Naudet est professeur à l'université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III), président de l'Association française des économistes catholiques.
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