C'est un fait que l'on ne peut ignorer ; au contraire, dans le processus de construction de la "maison commune européenne", il faut reconnaître que cet édifice doit s'appuyer aussi sur les valeurs qui ont trouvé dans la tradition chrétienne leur pleine manifestation.
En prendre acte tourne à l'avantage de tous.
JEAN PAUL II, Ecclesia in Europa, 2003
IMAGE EMBLEMATIQUE d'un certain idéal chrétien, l'Union européenne évolue aujourd'hui selon une logique où l'on ne peut plus reconnaître l'intention des Pères fondateurs. Dès l'origine, le projet européen s'est trouvé au confluent de deux inspirations antinomiques :
• celle des démocrates-chrétiens, Adenauer, Schuman et De Gasperi, animés par la volonté d'édifier une union politique qui prévienne le retour des guerres et qui équilibre les super-puissances, en commençant concrètement par l'économie prise comme moyen,
• celle des constructivistes, tels Jean Monnet, issus de lignées convergentes (socialistes proudhoniens, milieux d'affaires engagés dans la mondialisation, technocrates adeptes d'un modernisme éclairé ) désireux de supplanter la politique, dévaluée à leurs yeux, par l'économie conçue comme maîtresse de toutes choses.
Depuis une trentaine d'années, les constructivistes l'emportent, silencieusement et en escamotant les questions-clés, mais en introduisant systématiquement dans les traités successifs des mécanismes intégrateurs conçus dans un esprit technocratique. La contradiction dans la conception de la subsidiarité l'illustre de façon exemplaire. Il suffit de rapprocher les citations de référence de ce principe d'organisation politique de droit naturel pour s'en convaincre : Pie XI : De même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler l'ordre social de manière très dommageable, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes (Quadragesimo anno, 1931).
Jean Paul II : selon le principe de subsidiarité, une société d'ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d'une société d'ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l'aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun (Centesimus annus, 1991, n. 48).
Le projet de traité constitutionnel européen (TCE) comportait un article 11, énonçant les principes fondamentaux qui devaient régir les compétences de l'Union, selon lequel, en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union . Dans sa dérive, la construction européenne a détourné le principe de subsidiarité issu du droit naturel et que la doctrine sociale de l'Église a fait sien en lui donnant son expression la plus achevée, pour le faire fonctionner à l'opposé exact de ce qu'il signifie. Là où le droit naturel met l'accent sur la nature propre de chaque niveau social, collectivité politique incluse, et sur le rapport d'assistance à l'exercice des compétences du niveau inférieur par le niveau supérieur, l'Union européenne dessine un mécanisme qui n'est pas seulement d'essence fédérale mais qui fonctionne par aspiration vers le centre.
De fait, les fondements réels de l'Union ne sont plus ceux que l'on croit.
Le rejet du projet de TCE n'a pas mis l'Europe en panne ; il en a seulement été l'occasion. La panne provient des dérèglements de l'institution. Tous les candidats affirment qu'il faut sortir de l'ornière ; mais comment ?
Quatre questions fondamentales, laissées en souffrance, doivent recevoir une réponse pour donner un coup d'arrêt définitif à la logique constructiviste et préserver l'idéal européen :
• l'identité comme source des droits fondamentaux,
• le recadrage des compétences,
• le rééquilibrage des institutions,
• la perception des frontières.
I- LES RACINES CHRETIENNES, ECLAIRAGE INDISPENSABLE DE LA CHARTE DES DROITS
Refonder l'Europe sur ses bases originelles
Sauf à considérer que l'Union européenne demeure un objet politique non-identifié , le débat sur les racines chrétiennes de l'Europe ne peut pas être tenu pour clos : la formule trop vague des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe que comportait le TCE en soulignait l'inachèvement.
La référence aux racines chrétiennes de l'Europe ne relève ni du simple rappel d'un fait historique, ni du fétichisme. Elle inclut implicitement mais nécessairement une dimension anthropologique : celle d'une vision de l'homme inscrit dans un ordre social selon un ensemble de droits et de devoirs qui sont ceux que le droit naturel, synthèse des apports de Jérusalem, d'Athènes et de Rome, a progressivement dégagés en leur donnant un contenu substantiel. En ce sens, elle n'est pas dénuée de contenu normatif, d'où l'intensité du débat, et sa nécessaire réouverture : l'Europe ne peut plus progresser dans le non-dit et l'implicite, ni surmonter sa crise d'identité sans
renouer avec ses racines.
[Fin de l'extrait] ...
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