Le nouveau plan pro-inflation des élites

Dossier rédigé par Jim Rickards, Rédacteur en chef d’Intelligence Stratégique

Partout dans le monde, les élites du pouvoir finalisent leurs plans en vue de larguer l’helicopter money à l’échelle mondiale. Et elles ont déjà inventé la couverture idéale pour que vous vous laissiez prendre au jeu. Lisez la suite rapidement car nous levons le drapeau d’alerte...

Cela fait 10 ans que, concernant l’or, je suis dans le camp opposé à celui des élites internationales. À présent, les unes après les autres, elles se mettent à reprendre mes idées... jusque dans les chiffres et les pourcentages. Il s’agit d’un changement radical, aux conséquences énormes pour votre portefeuille. Il est absolument crucial de comprendre ce qu’il vient de se produire et ce qui va suivre. Je devrais être flatté (et c’est le cas) que les élites reprennent et copient mon travail. Mais cela va au-delà de vues divergentes qui, soudain, convergeraient. Les élites n’agissent pas de façon aussi coordonnée sans avoir une arrière-pensée ou bien un plan caché. S’il y a bien quelque chose que j’ai appris, grâce à ma formation à la CIA et à des dizaines d’années d’expérience en tant que juriste et banquier, c’est qu’il n’y a pas de coïncidences. Lorsque les élites changent de camp, c’est qu’il y a anguille sous roche – et mon travail c’est de découvrir ce que c’est... et pourquoi. Voici donc le sujet le plus important que nous ayons traité à ce jour, dans Intelligence Stratégique. Pour que ce soit clair, je vais scinder mon analyse en quatre grandes parties puis rassembler toutes les pièces à la fin.

Voici la trame que je vais suivre : • Qui sont les élites monétaires internationales ? • Quel problème tentent-elles de résoudre ? • Quelle solution mettent-elles en place ? • Pour vous, et pour votre portefeuille, quelles seront les conséquences ? Qui sont les élites monétaires internationales ?

D’abord, parlons un peu du terme « élites ». Je m’en sers sans arrêt mais de façon très précise. Mon intention n’est pas de demeurer dans le vague, comme si nous évoquions les Illuminati ou bien les services clandestins de la CIA. Je pense à des individus bien particuliers, assez visibles au sein de leurs organisations et dont les intentions concernant le système monétaire international sont plutôt connues du public. J’ai dressé une liste (partielle) des « élites » : • Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) ; • Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre ; • Raghuram G. Rajan, vice-président de la Banque des règlements internationaux (BRI) et gouverneur de la banque centrale indienne (Reserve Bank of India) ; • Haruhiko Kuroda, gouverneur de la Banque du Japon ; • William C. Dudley, président de la Réserve fédérale de New York ; • Agustín Carstens, gouverneur de la Banque du Mexique ; Jim Rickards, Rédacteur en chef d’Intelligence Stratégique Le nouveau plan pro-inflation des élites ( 3 ) Le nouveau plan pro-inflation des élites • Janet Yellen, présidente du conseil de la Réserve fédérale américaine ; • Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne ; • Zhu Min, directeur général adjoint du FMI ; • Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine ; • Robert E. Rubin, président du Council on Foreign Relations (CFR). Cette liste regroupant le haut du panier des gouverneurs de banques centrales et autres institutions n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour compléter le tableau, il faudrait ajouter certains ex-dirigeants de banques centrales, tels que Ben Bernanke, ainsi que les nombreux adjoints et vice-présidents des institutions énumérées, tels que David Lipton du FMI. Nous pourrions encore mentionner quantité de noms, mais ce qu’il faut souligner, c’est que ces personnes sont bien réelles, de même que les postes qu’elles occupent au quotidien. Elles ne se dissimulent pas sous un rocher. Elles agissent au nez et à la barbe de tout le monde.

Régulièrement, elles prononcent des discours, tiennent des conférences de presse, écrivent des livres, des lettres d’opinion, et publient des articles universitaires très techniques. Les banques centrales et les institutions pour lesquelles elles travaillent disposent toutes de sites Internet dotés d’énormes archives contenant des documents et des recherches qui font avancer la cause de l’élite internationale. Nous ne manquons pas de matière première technique permettant de cerner ce que ces élites ont en tête. Il est également crucial de comprendre le système de va-et-vient professionnel selon lequel ces élites opèrent. Des universitaires tels que Larry Summers sont d’anciens responsables politiques (il a été secrétaire du Trésor américain). Certains intellectuels, actuellement membres de think tanks, sont d’anciens journalistes, tels qu’Anatole Kaletsky (il a écrit pour le Financial Times et The Economist). Nomi Prins, qui intervient dans Intelligence Stratégique, est spécialisée justement dans les réseaux d’influence, et la manière dont ces élites travaillent entre elles à gouverner le monde. C’est une des raisons pour lesquelles je lui donne régulièrement une tribune dans cette publication. Lorsque nous étudions le travail des élites du pouvoir, nous ne nous limitons pas aux postes qu’elles occupent à l’heure actuelle. Nous nous demandons d’où elles viennent et où elles iront dans le cadre d’un futur régime politique. Les élites ont des lieux de prédilection où elles peuvent se rencontrer en tête-à-tête et élaborer des accords tels que « l’accord de Shanghai », dont nous avons déjà parlé dans un précédent numéro. Ces lieux de prédilection sont notamment le Forum économique de Davos en Suisse qui a lieu tous les ans en janvier ; les Réunions de printemps du FMI à Washington (DC) ; le Milken Institute de Beverly Hills en Californie ; et la conférence monétaire de la Réserve fédérale qui se tient chaque année à Jackson Hole (Wyoming) au mois d’août ; sans compter quelques autres conférences de haut vol ayant lieu dans de sympathiques lieux géographiques. L’élite du pouvoir ne se prive de rien et, d’ailleurs, c’est souvent aux frais du contribuable. Si l’on devait désigner un président du conseil de l’élite monétaire internationale, ce serait Robert E. Rubin, ex-président de Goldman Sachs, ex-président de Citigroup, ex-secrétaire du Trésor américain et actuel président du Council on Foreign Relations. Le CV de Rubin est assez éloquent, mais son influence ne s’arrête pas là. Au cours des décennies, Rubin a formé une nouvelle génération de protégés qui occupent des postes de premier ordre au sein du système monétaire international. Ses protégés sont notamment David Lipton, au ( 4 ) Les dossiers spéciaux de Jim Rickards FMI ; Michael Froman, représentant au commerce américain (il négocie les traités bilatéraux tels que le Partenariat transpacifique (TPP) qui enrichit les multinationales au détriment des travailleurs) ; et Lael Brainard, leader de la nouvelle pensée intellectuelle au sein de la Réserve fédérale. L’influence de Rubin est partout, et il est sans conteste toujours très actif. Si l’on exclut les retraités et les cohortes plus jeunes, ce groupe n’est pas d’une dimension ingérable. Même si l’on allongeait énormément la liste, elle se limiterait probablement à 200 noms, environ. Ce qui compte, c’est que nous savons qui ils sont et que nous observons ce qu’ils font. L’un de nos atouts, dont nous essayons de vous faire profiter dans Intelligence Stratégique, c’est que nous parlons le langage des élites. C’est une chose de dénicher sur Internet un discours de politique prononcé par Christine Lagarde.

C’en est une autre de comprendre le jargon technique qu’elle utilise et, surtout, de lire entre les lignes et de comprendre ses véritables intentions, indépendamment des phrases insipides. Le fait que je possède un diplôme d’économie internationale (obtenu dans la même école que Tim Geithner) et deux diplômes de droit (dont un en fiscalité internationale), me donne les moyens techniques de comprendre les conséquences politiques du plan élaboré par les élites. Mes 35 ans de carrière au sein de Citibank, puis de Greenwich Capital (un primary dealer, ou spécialiste des valeurs du Trésor) et du tristement célèbre Long Term Capital Management, entre autres, me permettent de voir réellement ce qu’il se passe dans les coulisses du système financier international et de comprendre comment cela fonctionne. Nomi Prins a également les capacités techniques et une expérience concrète permettant de démêler cet écheveau de l’élite du pouvoir. Nous nous sommes engagés à faire en sorte que cette analyse soit écrite en langage clair afin que vous puissiez identifier facilement les changements importants et orienter vos portefeuilles pour non seulement protéger votre argent mais également tirer partie des turbulences annoncées à mesure que le plan de l’élite sera mis en œuvre. Après ce tour d’horizon permettant de planter le décor, intéressons-nous à la première question. Quel problème les élites tentent-elles de résoudre ? La dette souveraine représente le plus gros problème auquel est confrontée l’élite monétaire internationale. Cette dette est trop importante, elle progresse trop vite et ne peut être remboursée en termes réels. Le défaut de paiement le plus important de toute l’histoire, entraînant des milliers de milliards de pertes, VA se produire tôt ou tard. La seule question est de savoir sous quelle forme ce défaut va se produire. Une fois que ce sera établi, il sera facile d’estimer qui seront les gagnants et les perdants, ainsi que d’envisager un timing approximatif. Le premier mythe qu’il convient de détruire, c’est cette idée selon laquelle le monde aurait « tiré un enseignement » de la crise de 2008 et que, depuis, le système serait devenu plus sûr. Ce n’est pas vrai. En fait, les dettes se sont accumulées depuis 2008, comme on peut le constater sur les graphiques suivants. La seule chose qui s’est produite depuis 2008, c’est que l’on a substitué des dettes publiques aux dettes privées, tandis que ces dernières continuaient de progresser d’elles-mêmes. Les graphiques suivants représentent uniquement les prêts et les titres. Ils ne comprennent pas les prêts interbancaires, ni les dérivés. ( 5 ) Le nouveau plan pro-inflation des élites Ces graphiques illustrent la progression, depuis 2000, de l’endettement total dû, hors dettes bancaires, en dollar et en euro. Les flèches indiquent la progression enregistrée depuis la crise financière de 2008. La ligne en pointillés noirs illustre la part totale des dettes souveraines. Ce graphique ne comprend pas les prêts interbancaires, ni les dérivés. Les montants en euro sont convertis en dollar US, sur la base du taux de change en vigueur au 30 septembre 2015. Le montant total des dérivés – qui ne sont que des instruments de dette hors bilan négociables aussi bien de gré à gré qu’en bourse – dépasse 1 million de milliards de dollars ! L’endettement ne pose pas de problème en soi, sous réserve que les deux conditions suivantes soient respectées : 1. l’endettement doit être utilisé à des fins de production ; 2. votre capacité de remboursement doit progresser plus vite que la dette elle-même.

Autrement dit : empruntez-vous pour de bonnes raisons, et pouvez-vous rembourser ? Malheureusement, les gouvernements ne respectent pas ces deux conditions. Une grande partie de l’argent emprunté sur le marché de la dette souveraine depuis 2008 a été gaspillée. Les États-Unis ont utilisé l’essentiel des 800 Mds$ du plan de « stimulus » en 2009 à subventionner le gouvernement et les syndicats professionnels. La Chine a utilisé des milliers de milliards de dollars de dettes bancaires afin de construire des « villes fantômes » qui ne seront jamais habitées. Il est vrai que certains emplois ont été sauvés ou bien créés, mais les ratios dette/PIB ont continué de grimper, et la production des principales économies n’a pas progressé assez rapidement pour couvrir cet endettement. Le monde est un énorme Ponzi et, à présent, les créanciers commencent à se demander où est passé leur argent. Voyez-vous, il existe trois façons de « rembourser » une dette souveraine : 1. le défaut de paiement ; 2. la croissance ; 3. l’inflation. De toute évidence, la croissance représente le meilleur moyen – mais il n’y en a pas. Les ÉtatsUnis persistent à afficher une croissance inférieure à 2% depuis 10 ans. En Europe et au Japon, c’est encore pire. La croissance chinoise est plus forte mais c’est essentiellement de la poudre aux yeux en raison des investissements gaspillés. Le défaut de paiement constitue une autre façon de rembourser la dette. C’est la voie que choisissent habituellement des pays en voie de développement et qu’ont choisie l’Argentine et, à présent, le Venezuela. Quel désendettement L’endettement a progressé depuis la crise financière de 2008 ( 6 ) Les dossiers spéciaux de Jim Rickards Mais, pour les économies qui sont en mesure d’imprimer de la monnaie, le défaut n’est pas nécessaire. Les États-Unis peuvent imprimer des dollars, la BCE peut imprimer des euros et la Banque du Japon peut imprimer des yens. La Chine a un problème car une grande partie de sa dette est libellée en dollar. Or, elle ne peut imprimer ces derniers. Mais la Chine dispose en réserve d’un trésor de guerre de 3 300 Mds$ qu’elle peut utiliser. À présent que le yuan est une « monnaie de réserve » (c’est ainsi que le FMI l’a désigné fin 2015), la Banque populaire de Chine et la Réserve fédérale américaine peuvent procéder à des « échanges de devises » selon lesquels la Fed donne des dollars à la Chine en échange de yuans. (Ces échanges sont organisés en coulisses et tenus secrets afin de ne pas effrayer les marchés.)

Ces échanges peuvent également aider la Chine à gérer sa dette libellée en dollar. Bien sûr tout cet argent imprimé finit par aboutir à de l’inflation. C’est la troisième façon de rembourser la dette : l’inflation de la monnaie, tout simplement. Vous remboursez toujours la dette, en termes nominaux, mais l’argent ne vaut plus autant. C’est un bon arrangement pour les débiteurs (comme les États-Unis, le Japon et l’Europe) et un mauvais arrangement pour les créanciers (dont vous pourriez faire partie). Même les gouvernements n’obtiennent pas toujours ce qu’ils veulent… Mais il y a un hic... Que se passe-t-il si les élites internationales n’obtiennent pas l’inflation qu’elles veulent ? L’idée de se sortir du piège de la dette grâce à l’inflation n’a rien de nouveau. C’est une astuce qui est vieille comme le monde. Et pourtant, le monde affiche très peu d’inflation depuis 2008 et, dans de nombreux pays, c’est même la déflation qui représente le problème le plus important. On ne peut pas dire que les élites n’ont pas tout essayé. Elles ont eu recours aux baisses de taux, aux taux zéro, à l’assouplissement quantitatif, à l’opération Twist, aux guerres des devises et au forward guidance : rien n’a fonctionné. Moi, je qualifie ce problème de « Jaggernomics », en hommage à Mick Jagger et à ce tube des Rolling Stones « You can’t always get what you want » (on ne peut pas toujours avoir ce que l’on veut).

Les élites veulent de l’inflation mais, jusqu’à présent, elles ne parviennent pas à en avoir. Cela ne veut pas dire qu’elles vont renoncer. Les déflationnistes tels qu’Harry Dent et Gary Shilling pensent que la déflation va prendre le pas à cause de la démographie, des technologies et du désendettement. Ils ont raison en ce qui concerne les dynamiques déflationnistes, mais ils sous-estiment la capacité ultime des gouvernements à obtenir de l’inflation de force. Les élites n’ont pas le choix. La déflation fait grimper la valeur réelle de la dette et détruit les recettes fiscales (lorsque les prix et les salaires chutent en période de déflation, le gouvernement perçoit moins de taxes). Si la valeur de la dette augmente et que les recettes fiscales baissent, tout le château de cartes commence à s’effondrer. Or, les gouvernements ne peuvent se le permettre. Ils doivent obtenir de l’inflation et ils y arriveront. La question est de savoir comment. Voilà qui nous amène à la pièce du puzzle suivant.