Nos coups de coeur

Un coeur intelligent

Un coeur intelligent
  • Auteur : Alain Finkielkraut
  • Editeur : Stock/Flammarion
  • Année : 2009
  • Nombre de pages : 288
  • Prix : 19,00 €

Philosophe et polémiste, Alain Finkielkraut est aussi agrégé de lettres modernes et pleinement écrivain. Le titre de son dernier livre emprunte une expression du roi Salomon adjurant l'Eternel de lui accorder un cœur intelligent , c'est-à-dire un cœur sagace et perspicace.

Au sortir d'un siècle ravagé par les méfaits conjoints de l'efficacité technologique et de la ferveur idéologique, cette prière a gardé toute sa valeur. Dieu garde souvent le silence (nous L'écoutons si peu !), mais, pour nous doter peut-être d'un cœur intelligent, nous avons la littérature. En elle, l'affect et le concept sont perpétuellement mêlés. Comme la philosophie, la littérature nous parle de l'Homme, mais c'est aux hommes qu'elle a affaire et non à l'Homme directement. Elle éclaire l'Histoire, la vie, le monde, sans jamais sacrifier les individus sur l'autel de la connaissance.
Pour s'interroger sur les rapports de l'homme avec ce qui l'entoure, Finkielkraut a choisi neuf livres : La Plaisanterie de Milan Kundera, Tout passe de Vassili Grossman, l'Histoire d'un Allemand de Sebastian Haffner, le Premier Homme d'Albert Camus, la Tache de Philip Roth, Lord Jim de Joseph Conrad, les Carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski, Washington Square de Henry James, Le Festin de Babette de Karen Blixen. L'écrivain redit combien, par essence, la littérature est essentielle au déchiffrement des énigmes du monde.
Ces neuf histoires ne sont pas toutes très joyeuses. Beaucoup décrivent des vies minuscules broyées par l'Histoire majuscule. Elles contiennent plus de défaites que de triomphes, et font amèrement miroiter ce qui aurait pu être et n'a pas été, parce que la chance, sous la forme d'un visage compatissant ou d'un amour, s'est présentée au mauvais moment. Illustrations de la banalité du mal et de la férocité du bien, plus terrible encore, car le mal fait au nom de la vertu est sans recours ni remède, toutes s'inscrivent en faux contre la chimère des révolutions, de la table rase et de l'homme nouveau. Elles ridiculisent l'orgueil de la volonté, montrent l'indocilité du réel et l'ironie du destin. Tous les personnages tirent un lourd passé et des aïeux encombrants. Pourtant le long regard en arrière pourrait être la définition du respect.
La lecture achevée, chacun prend conscience de sa dette et de ses limites. La littérature guérit de l'arrogance. Les livres offrent une réparation aux figures oubliées, laissées sur les bas-côtés de l'histoire. Grâce à la littérature, on ne souffre jamais pour rien.
Luc Pinson

 

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