Nos coups de coeur
L’Eglise catholique a-t-elle toute latitude pour nommer ses évêques en France ? C’est la question abordée dans ce livre par l’abbé Arnaud du Cheyron. La réponse spontanée de chacun serait certainement affirmative. Même si nous connaissons de manière vague l’existence du Concordat et de diocèses concordataires pour lesquels le gouvernement aurait sa part de décision, nous ignorons l’existence d’accords avec le Saint-Siège dans ce domaine pour l’ensemble du pays.
De la Pragmatique Sanction de Bourges (1438) au concordat de Bologne (1516), du Concordat (1801) à la loi de séparation des Églises et de l’État (1905), le pouvoir politique a toujours cherché à peser sur la désignation des évêques qui représentent le pouvoir spirituel mais qui ont également un rôle dans la cité.
L’auteur retrace avec précision l’histoire des imbrications politiques du processus de sélection depuis les premiers temps de l’Église et son évolution pour nous amener à la situation actuelle en France.
Dans un livre très documenté (consultations d’archives, entretiens avec différents acteurs...) l’abbé du Cheyron réunit avec brio en un seul écrit toutes les pratiques qui régissent actuellement la nomination des évêques. Nous y trouvons des détails sur les différents accords en application aujourd’hui et notamment l’aide-mémoire Gasparri (1921) qui régit la plupart des diocèses. Il en découle que le gouvernement français dispose aujourd’hui non seulement d’un droit de regard mais aussi d’un droit d’objection, ce qui est une part accordée conséquente. Jusqu’à présent il était souvent dit que ce privilège avait été accordé par le Saint-Siège, les recherches de l’auteur lui permettent d’affirmer que cela a été souhaité par la France.
Du fait de nombreux particularismes (évêques de métropole, des diocèses concordataires, des territoires et départements d’Outre-Mer, des armées et des éparchies orientales), la France n’a pas un statut uniforme.
Dans un souhait d’indépendance de l’Eglise, le concile Vatican II a incité les différents pays ayant des accords avec le Saint-Siège sur cette question à abandonner ces prérogatives. La plupart y ont renoncé, contrairement à la France, qui ne les a jamais remises en cause, peut-être dans son intérêt pour des relations à venir similaires avec d’autres religions et notamment l’islam. Ainsi donc, malgré les discours ambiants sur la laïcité, le gouvernement garde un rôle méconnu mais bien réel dans le processus actuel de nomination. L’Église et l’État n’y auraient-ils pas gagné une certaine stabilité ?
On notera la grande clarté de cette étude avec notamment un tableau récapitulatif des différentes situations en fin de livre.