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Heydrich et la solution finale

Heydrich et la solution finale
  • Auteur : Edouard Husson
  • Editeur : Tempus/Perrin
  • Année : 2012
  • Nombre de pages : 751
  • Prix : 12,00 €

 

 

 

 

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Titre : Guerre et exterminations à l’Est 

Auteur : Christian Baechler

Editions : Tallandier

Nombre de pages : 524

Prix : 26,90 €

Edouard Husson est un jeune homme complet qui ne devrait pas être tout à fait inconnu de nos lecteurs. Il y a une quinzaine d’années, il tenait dans le bi-mensuel L’Homme nouveau une chronique d’actualités historiques nourrie de références dont certaines parurent disons… incongrues, voire, comme en use de nos jours le politiquement correct, inappropriées. Mais, comme le disait le grand reporter Albert Londres à son rédacteur en chef, «un journaliste ne doit connaître qu’une seule ligne : la ligne des chemins de fer.» 

Ce fut dommage : le journal catholique, romain, marial et social perdit un collaborateur prometteur et, au passage, encore quelques lecteurs… L’historien, passionné d’Allemagne, aujourd’hui vice-recteur de l’Université de Paris, n’en poursuivit pas moins son chemin qui se confond avec celui de la compréhension de la destinée allemande. Reportez-vous à ses premiers livres [1], dont les pères et repères ne sont pas seulement Rosa Luxembourg, Willy Brandt et Richelieu mais aussi Claude Tresmontant et René Girard et vous comprendrez que sa biographie de Reinhard Heydrich, assassiné en mai 1942 par deux résistants tchécoslovaques, n’en est que la prolongation.

En juin 1941, avec la rupture du pacte de non-agression soviético-germanique, les enfers s’ouvraient, projetant en particulier leurs démons en Pologne, en URSS, en Biélorussie, en Ukraine, dans les Etats Baltes, dans toutes l’Europe centrale et orientale. Hitler l’avait explicitement proféré : il n’hésiterait pas à s’allier avec le Diable pour parvenir à ses fins qui étaient l’éradication de la race juive et du judéo-bolchevisme. L’entreprise d’extermination commença en Pologne dès 1939, envisageant dans les premiers temps une politique d’incitation à l’émigration juive (qui n’aboutit pas complètement en raison de ses contradictions internes d’ordre financier) puis de déportation à Madagascar. La politique de concentration des Juifs d’Europe dans le centre de la Pologne (Gouvernement général) n’étant pas à terme tenable, le judéocide envisagea la déportation progressive des juifs qui n’auraient pas péri auparavant très à l’Est, dans le grand large russe et sibérien. La résistance inattendue de l’Union soviétique et la fin de l’illusion d’une guerre-éclair caressée par Hitler ne firent qu’accroître ce qu’il est convenu d’appeler la Shoah par balles. Abandonnant les thèses opposées dites intentionalistes ou fonctionnalistes, les historiens discutent du contenu de l’intention et du temps. En premier lieu, l’intention exterminatrice initiale semble établie : elle portait bien sur les Juifs en tant que tels et en tant que vecteurs du «judéo-bolchevisme» ; en second lieu, femmes, vieillards et enfants en furent dès le commencement de l’opération Barbarossa les victimes. Ainsi, c’est dès avant même le 22 juin 1941 que la guerre à l’Est revêtit l’aspect d’un crime contre l’Humanité. L’étude des statistiques et les témoignages sont, si l’on ose dire, formels sur tous ces points. Vous consulterez également sur ces questions la somme de Christian Baechler qui cite à plusieurs reprises son jeune collègue lequel s’inscrit parmi les historiens les plus ‘‘précursionnistes’’. Par là, nous voulons dire qu’il date l’intention judéocide très en amont de la fameuse Conférence de Wansee de janvier 1942 qui ne fait qu’entériner une politique déjà arrêtée et déjà entreprise à vaste échelle. La lecture et la méditation de la biographie de Heydrich par Husson et la somme que son non moins éminent confrère Baechler consacre à la primordiale obsession hitlérienne d’une « conquête de l’espace vital » entre 1933 et 1945 ont aussi un intérêt religieux et même mystique. On comprend bien que si Edouard Husson est fasciné par Heydrich, ce n’est pas seulement parce que ce dernier fut, comme lui, un champion d’escrime (et même un athlète de niveau olympique). C’est parce que, par-delà son rôle d’acteur, d’incarnation de la «banalité du Mal» (Hanna Arendt), son action postule l’existence du Mal personnifié et qu’en Europe orientale et en URSS, entre 1941 et 1945, l’Enfer s’est étendu à cette zone de la croûte terrestre. Il demeure la question de la résolution des liens entre ce fait et la Révolution bolchevique de 1917. Peut-on, à défaut de causalité efficiente ou de causalité directe,  parler de «nœud causal» pour reprendre l’expression employée par Nolte puis Furet ? Le jésuite Michel de Certeau était fort marri que le Troisième secret de Fatima ne fit pas référence à la Shoah. Il est vrai que la Vierge Marie ne parla au printemps 1917 que de la Russie qui « allait répandre ses erreurs » à travers le monde. Il faut réexaminer les thèses en présence et montrer qu’elles ne sont pas exclusives les unes des autres [2]. Seule une saine et très orthodoxe théologie biblique et dogmatique (dont Edouard Husson a déjà pu donner certaine référence dans son blog) le permettrait.   

 

Hubert de Champris

[1] Edouard Husson, Une culpabilité ordinaire ? – Hitler, les Allemands et la Shoah puis l’Europe contre l’amitié franco-allemande. Et, avec Michel Pinton, Une histoire de France. Ces trois ouvrages chez François-Xavier de Guibert.

[2] Lire en particulier les contributions autour de La Guerre civile européenne d’Ernst Nolte d’Edouard Husson et de Denis Trierweiler dans Le Débat, n°122, novembre 2002, Gallimard.


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