Sur son blog, la journaliste Jeanne Smits répond au polémiste Alain de Benoist qui défend l'idée d'une surpopulation de la terre. L'occasion de livrer une synthèse très claire sur les "hérésies" qui courent en matière de démographie.
J’ai été indignée, mais non stupéfaite, de trouver sur Boulevard Voltaire du 25 janvier un entretien de Nicolas Gauthier avec Alain de Benoist où celui-ci se fait le chantre de la dépopulation. Non pas stupéfaite, parce que ce discours malthusien et fondamentalement raciste sied bien à la « Nouvelle Droite » dont Alain de Benoist est aujourd’hui l’un des maîtres à penser (comme le temps passe !). Indignée, parce que contrairement au mot que l’on prête à Voltaire, je ne crois pas en la liberté de tout dire (qui aboutit toujours à faire taire ceux qui ne disent pas n’importe quoi). Mais puisque la liberté d’expression existe, et que vous êtes ici sur un blog pro-vie, allons-y pour une petite mise en lumière de ce que dit et sous-entend le propos d’Alain de Benoist.
« Passé un certain seuil, toute augmentation en nombre entraîne un “saut qualitatif” qui se traduit par un changement de nature. Comme chacun le sait, la population mondiale augmente régulièrement, mais, surtout, elle augmente de plus en plus vite. Vers 1700, on comptait moins de 700 millions d’habitants sur Terre. En 1900, on en était à 1,6 milliard. Aujourd’hui, avec plus de 250.000 naissances par jour, on a dépassé les 7,7 milliards », affirme-t-il.
Admettons qu’il puisse exister un saut qualitatif lié au nombre : il reste tout de même à déterminer le seuil où celui-ci se constate. Alain de Benoist ne s’y risque pas. Il ne nous dit même pas ce qui aurait changé, ou va changer, de nature. L’homme lui-même ? Sa manière de vivre ? Sa valeur intrinsèque ? Sa morale ? Son éthique ? Sa place relative dans l’univers du vivant ?Et relevons une erreur, et un non-dit. L’erreur est d’affirmer que la population mondiale augmente « de plus en plus vite ». En 1927, elle était de 2 milliards. Depuis, même si les chiffres augmentent, avec aujourd’hui l’ajout d’un milliard à peu près tous les quinze ans, la croissance n’est pas exponentielle. Elle est passée de 2,1 % par an en 1968 à 1,1 % aujourd’hui : autrement dit, elle a été divisée par deux.La proportion de l’augmentation ne cesse de se réduire… tout comme le taux de fécondité mondial. Celui-ci était de 5 enfants par femme en 1965 ; en 2010 il n’était plus que de 2,5 enfant par femme, et il ne cesse de tomber : 2,432 enfant par femme en 2017. C’est à peine plus que le taux de remplacement des générations : 2,1 enfant par femme. Encore cela ne vaut-il que pour les pays développés. Dans les pays non développés, où la mortalité maternelle et infantile et celle des jeunes sont importantes, le taux effectif de remplacement des générations peut atteindre les 3,5 enfants par femme.
Aujourd’hui, 80 % de la population mondiale vit dans des pays où l’on compte moins de 3 enfants par femme, et une personne sur deux vit dans un pays où le renouvellement des générations n’est pas assuré.Quant au non-dit, il tient au fait qu’une part non négligeable de la croissance globale est imputable au vieillissement de la population, lui-même lié à l’amélioration de l’espérance de vie (qui soit dit en passant met en évidence que globalement, on vit aujourd’hui dans de meilleures conditions de santé et d’environnement que lorsque l’humanité était moins, beaucoup moins nombreuse). Nous sommes aussi nombreux non parce que la procréation croît de façon exponentielle, mais parce que nous ne mourons plus comme des mouches. En 2018, pour la première fois de l’histoire, le nombre de personnes âgées de plus de 64 ans a dépassé celui des enfants âgés de moins de 5 ans au niveau global. Globalement, le nombre des jeunes devrait rester stable ou décroître d’ici à 2100, tandis que celui des 25-64 ans augmentera modérément, et que celui des 65 ans et plus progressera nettement plus vite. Le problème principal sera d’ailleurs la diminution de la part de la population active par rapport à cette masse de « retraités ».
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