Un gouvernement sans légitimité

Les projections menées pour le second tour des législatives semblent toutes indiquer qu’il n’y aura pas de majorité forte à l’Assemblée pour la XVIIème législature.

Le Rassemblement national a déjà affirmé qu’il ne prendrait pas les rênes d’un gouvernement soutenu par une majorité relative. Quant aux autres forces politiques, elles seront contraintes à des alliances pour former un exécutif.

La mise en place d’un gouvernement de compromis qui semble se dessiner sur un programme qui pourrait se résumer au « barrage » contre le Rassemblement national devrait favoriser à moyen terme la progression du parti de Jordan Bardella.

Le temps des combinaisons

 

Les acteurs qui s’uniront en début de semaine pour former un gouvernement le feront très probablement sans Jean-Luc Mélenchon et sans majorité absolue. C’est tout le paradoxe de la situation électorale actuelle. La participation massive pourrait donner lieu à une légitimité forte mais elle profite à un éclatement des forces en présence. Trois blocs de tailles inégales ont pris forme et laissent peu de choix en matière de coalitions. Personne n’étant prêt à s’allier avec le RN, le gouvernement de demain se passera de la première force politique du pays et renforcera le sentiment de mise au ban de la majorité, relative, des électeurs. En 2024, au Premier tour, le RN a obtenu plus de deux millions et demi de voix de plus que la majorité macroniste au second tour des législatives de 2022. Des alliances d’apparence contre-nature vont donc être conclues et compromettront ceux qui en sont à l’origine ou qui les soutiennent, même passivement.

C’est une recomposition inédite qui s’opère sous nos yeux. Ce type de calcul est courant dans certains pays d’Europe, en Allemagne et en Autriche où la culture du compromis domine ou même en Italie où la nécessité de former des alliances est souvent rendue indispensable par l’éclatement du vote.

Eloignées de la pratique politique française, ces combinaisons devraient avoir pour conséquence de discréditer un peu plus une classe dirigeante et renforcer les partis de contestation.

 

Trois années pour préparer la suite

 

Avec son caprice institutionnel, le président Macron a rompu avec une partie de sa majorité. Au sommet de l’arrogance et de la suffisance, il semble avoir marqué ici le début de la fin de son règne. Peu encombré par des convictions, il pourrait se satisfaire d’une majorité de centre gauche ou d’un gouvernement technique mais il semble bien que la suite de l’histoire électorale se jouera sans lui. Pour ce président, il sera donc question de placer les siens à des postes stratégiques en France et en Europe et peut-être de tenter une fin de quinquennat à la Chirac : c’est-à-dire ne rien faire en disant se mettre au-dessus des partis. Emmanuel Macron semble cependant trop agité pour cela et devrait les Affaires étrangères comme ultime joujou. Son bilan en la matière est à la hauteur du reste : risible. Cette fois, il n’est pas à exclure quelques brouilles avec son gouvernement s’il venait à se montrer un peu trop cavalier.

Pour les autres, c’est-à-dire les oppositions et la désormais ancienne majorité présidentielle, la page devrait rapidement être tournée et les regards se porteront sur les prochaines élections municipales de 2026 et surtout sur la présidentielle de 2027 qui devrait être suivie d’une dissolution et donc de nouvelles législatives. Le RN devrait mettre à profit ce temps pour préparer une arrivée au pouvoir quand les LR devront se mobiliser pour conserver leur ancrage local dans deux ans et tenter de sortir du chapeau un candidat qui puisse exister face à Marine Le Pen. Le centre devra, lui, trouver un point d’équilibre entre droite et gauche, un ajustement qui devrait se faire plutôt côté gauche à considérer le fameux « barrage républicain » et la domination d’anciens socialistes sur la sphère macroniste. A gauche, la séparation entre Insoumis et « gauche plurielle » (PS, communistes et écologistes) devrait être entérinée prochainement à la faveur de la diabolisation des partisans de Jean-Luc Mélenchon. Un mouvement qui pourrait pousser une large partie de la gauche dans les bras du centre.

 

Au grand chambardement électoral devrait succéder une période de manœuvre et de tractations entre les différents courants politiques. Des petits calculs pour se maintenir en vie et tenter de dégager une majorité. De la cuisine politicienne qui ne devrait pas redorer l’image des élus.

 

Olivier Frèrejacques

Président de Liberté politique