La voie semblait toute tracée : les pires aberrations contenues dans ce que l’on appelle « la loi bioéthique », qui est à la bioéthique ce qu’Attila fut à la douceur de vivre, seraient votées dans la joie et la bonne humeur macroniste. Or, une autre musique se fait entendre, qui fragilise l’édifice de la culture de mort.
En effet, après l’examen du projet de loi au Sénat en seconde lecture, les sénateurs ont choisi de voter le texte, mais avec de nombreuses modifications : oui à la PMA, mais pour seules raisons médicales, et pour les seuls couples hétérosexuels ; non à la PMA « pour toutes », c’est-à-dire pour les femmes lesbiennes, pour les femmes seules ou pour les transgenres ; non à la possibilité de l’auto-conservation des ovocytes sans raison médicale. Les notions de responsabilité et de limites éthiques, le refus d’un « droit à l’enfant » auront fait leur retour dans le débat : il était grand temps.
Pourquoi cette évolution soudaine d’une classe politique qui ne nous a pas habitués à cela ? Disons-le clairement : les sondages ont joué dans cette affaire un rôle déterminant. En effet, 70 % des Français souhaitent une suspension ou une réécriture du projet de loi. Or, les élections approchent, et mécontenter les presque trois quarts des Français semble, pour nombre de parlementaires, tout à fait inopportun.
A l’heure où les tensions s’accumulent à cause du désastre du traitement lamentable de la pandémie, nos élus ne peuvent pas ne pas se poser les bonnes questions, s’ils ne veulent pas se couper définitivement d’une part toujours plus importante de l’opinion. La conjonction des débats sur la bioéthique avec les terribles projets de loi visant à renforcer l’avortement commence à interpeller fortement les Français.
Par petits pas, l’opinion en vient à considérer qu’il y a des seuils dans l’inacceptable qu’on ne peut franchir impunément en matière de dignité humaine et de manipulation de la vie. Pour le monde de la résistance à la déconstruction, il apparaît donc capital de lier les combats et de refuser les cloisonnements mortifères entre des causes essentielles. Dans le ciel apparemment sans nuages de la bonne conscience progressiste, l’épisode du chanteur Tarik, qui, dans l’émission grand public The Voice, a fait entendre des mots poignants sur le drame de l’avortement, à la grande surprise et émotion des jurés, témoigne de ce courant souterrain, qu’il ne faut cesser d’alimenter pour le faire grossir et le légitimer.
Pour l’instant, l’échec de la commission mixte paritaire, destinée normalement à faire émerger un consensus entre députés et sénateurs, a prouvé que le blocage est sérieux et qu’il y a des questions trop graves pour être balayées d’un revers de la main à la faveur d’un débat parlementaire pipé. Il y aura une troisième lecture. L’issue en reste assez prévisible, mais les dissensions qui sont apparues vont laisser des traces profondes.
A nous de faire en sorte que ceux qui rendront possible l’innommable en paient un jour politiquement le prix le plus fort, et n’acceptons jamais de considérer que ce qui est voté est désormais gravé dans le marbre et ne peut être changé. Les tristes exemples de l’abandon quasi général du combat contre l’avortement, puis contre la loi Taubira ne peuvent être dupliqués à l’infini : nous devons continuer le combat contre l’avortement, contre le « mariage homosexuel », contre la loi dite bioéthique. Ce combat forme un tout, qu’il serait suicidaire de vouloir tronçonner. À cet égard, il est tout à fait regrettable que la manifestation de La marche pour la vie, en janvier dernier, n’ait pas été relayée par ceux qui s’opposent aujourd’hui à la loi « bioéthique », car Jean-Paul II l’avait parfaitement expliqué en son temps : puisque la loi qui autorise l’avortement est la pire des lois, rien ne permet vraiment de s’opposer aux autres lois de culture de mort, qui sont par définition d’un degré de gravité inférieur.
François Billot de Lochner
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