
En guise d’édito de début de semaine, nous vous proposons un entretien avec l’écrivain François Bousquet à l’occasion de la parution de son livre Le racisme antiblanc – L’enquête interdite.
Alors que le racisme antiblanc resurgit violemment et régulièrement, tant dans l’actualité que dans le quotidien des Français, en particulier des plus jeunes, cet ouvrage s’impose comme une référence incontournable sur le sujet.
Liberté politique : Essayiste et directeur de la publication de la revue Éléments, qu’est-ce qui vous a conduit à vous saisir de ce sujet du « racisme antiblanc » pour votre nouveau livre ?
François Bousquet : Le sujet me trottait dans la tête depuis pas mal de temps, non pas seulement en raison des affaires de racisme antiblanc qui émaillent régulièrement l’actualité – souvent escamotées ou minimisées par les médias centraux – que des jeunes gens rencontrés à la Nouvelle Librairie, rue de Médicis, dont un, entre autres, qui a fait son collège dans le Val-de-Marne et m’a parlé d’une véritable hiérarchie ethno-sexuelle dans la cour d’école. Je n’en croyais pas mes yeux. Tout en haut l’extra-Européen ; tout en bas l’Européen – avec l’Européenne comme trophée. Nous voilà à mille lieues des représentations médiatiques de la diversité. Ce que je découvrais, c’est l’une des faces les plus sordides de la diversité, à la limite de la zoologie, en tout cas de l’éthologie. Car, oui, dans ces écoles reléguées, ce sont des logiques animales qui régissent l’ordre adolescent, avec des mâles dominants qui s’arrogent le monopole du prestige et de l’accès aux femmes. Une économie du désir très houellebecquienne au fond, celle d’Extension du domaine de la lutte, très crue et très véridique. J’ai amorcé le travail d’enquête dans la revue Éléments, avec une première série de témoignages. Mais l’espace d’une revue, aussi libre soit-elle, reste contraint. Très vite, la forme livre s’est imposée à moi pour élargir le cercle des témoins et ne pas avoir à couper leur témoignage, faute de place.
LP : Votre ouvrage rompt une véritable « omerta » entourant ce sujet que la plupart des médias, des politiciens et des sociologues vont même jusqu’à nier. Comment expliquez-vous ce déni de réel, cet acharnement à ne pas reconnaître un phénomène dont l’ampleur semble pourtant de plus en plus croissante ?
FB : Plus le problème est gros, plus il est nié. Plus il crève les yeux, plus il devient tabou. C’est vrai du racisme antiblanc, comme du Grand Remplacement ou du lien entre immigration et insécurité. Nous sommes face à une dissonance cognitive généralisée, à partir d’une perception sélective du réel, qui a pour objet principal de maintenir une fiction érigée en religion de substitution : la diversité heureuse, le vivre ensemble enchanté, le culte de l’altérité rédemptrice. La gauche mondaine, ce que j’appelle le chic gauchiste, vit dans un monde parallèle, fermé sur lui-même, autoréférentiel, où chaque dogme en soutient un autre. On pourrait presque parler d’un monolithe idéologique : un bloc, comme la Révolution selon Clemenceau – un bloc de contrevérités, mais un bloc tout de même. Retirez une pièce, comme dans un jeu de Mikado, et c’est tout l’édifice qui vacille. D’où la crispation croissante de cette gauche, son agressivité, ses réflexes liberticides. Acculée, elle ressemble à une bête traquée : blessée dans ses certitudes intellectuelles, elle mord. Dès lors, c’est le réel dans son ensemble qui devient fasciste. Il faudrait convoquer Molière, celui du Tartuffe, pour en démasquer l’hypocrisie ; et Dostoïevski, celui des Démons, pour en sonder l’âme malade. Pourquoi ce choix du mensonge ? Pourquoi cette obstination à travestir la réalité ? La question est métaphysique, effectivement.
LP : Le cœur de votre livre-enquête est un ensemble de témoignages, souvent glaçants, de ce « racisme qui n’existe pas ». Comment êtes-vous parvenu à les rassembler et qu’est-ce qui vous a le plus marqué au sein de ceux-ci ?
FB : C’est grâce à l’entremise de Damien Rieu et de Pierre Sautarel, du site Fdesouche, que j’ai changé de dimension. À eux deux, ils m’ont ouvert leur réseau. J’ai élargi mon cercle de témoins comme on change d’ordre de grandeur. Merci à eux. Trouver des témoignages demeure difficile, non pas parce que la matière fait défaut, mais parce que les victimes rechignent à témoigner, tant le prix à payer est exorbitant. Témoigner, c’est s’exposer à une disqualification morale. L’agressé devient l’agresseur, selon les mécanismes bien rodés de l’inversion accusatoire. Cela étant, une fois la digue franchie, la parole afflue. Un second volume devrait rapidement voir le jour.
Ce qui a été le plus frappant pour moi dans ces témoignages, ce n’est pas tant l’accumulation des faits – agressions, humiliations, insultes, etc. – que l’épaisseur de ceux qui ont accepté de témoigner. Ce ne sont pas des victimes, mais des garçons et des filles suffisamment forts pour être résilients, souvent engagés et extralucides. Certains récits mériteraient une adaptation à l’écran tant certaines histoires sont romanesques, tragiques, jusqu’à ce que les victimes décident de reprendre en main leur destin.
La dimension tragique du problème n’en demeure pas moins. Pourquoi ? Parce que tout est inversé ici. Les victimes n’en sont pas, elles sont devenues des étrangers dans leur propre pays, agressées en tant que Blancs et Français, alors que nous sommes en France, un pays historiquement blanc, dans une dialectique qui emprunte à la fois à la racialisation woke et à la haine postcoloniale. « Il y a trop de Blancs en France », leur a-t-on dit. Comme si la France n’était plus leur nation, mais celle d’un colonisateur inversé. Voilà ce que ces témoignages révèlent : une dépossession identitaire, existentielle, historique.
LP : Les classes populaires sont les plus exposées à la violence de ce « racisme antiblanc », pourtant la gauche n’en dit mot. Est-ce là une nouvelle preuve de l’abandon, par la gauche et même la gauche dite « radicale », de la « France périphérique » au profit des populations immigrées ou d’origine extra-européenne ?
FB : Les classes populaires sont en première ligne, mais personne n’est épargné, la mort d’Elias, tué à la machette dans le 14e arrondissement parisien, est là pour nous le rappeler. La gauche n’a pas seulement abandonné le peuple : ce qu’elle a abandonné, c’est le peuple historique. Cet abandon illustre jusqu’à la caricature ce que Christopher Lasch appelait la « révolte des élites » et la « politique de la minorité civilisée » propre aux élites libérales et progressistes, incapables de se départir d’un complexe de supériorité face aux masses jugées obscurantistes et qu’il faut rééduquer. Ces « minorités civilisées » ne voient dans les couches populaires indigènes qu’un encombrant résidu historique – trop blanc, trop masculin, trop enraciné, trop « rétif à la diversité ». Elles ont troqué Jean Jaurès pour Judith Butler. Le multiculturalisme, pour fonctionner, a besoin d’un repoussoir. C’est le peuple historique qui le fournit. Le système ne tient qu’à ce prix : une asymétrie radicale entre les identités légitimes et celles qu’on déconsidère. Le petit Blanc devient l’homme en trop de la société diversitaire. À l’inverse de la gauche progressiste surdiplômée. Elle, elle a trouvé la bonne formule : en dénonçant sa propre blanchité, elle se rachète à bon compte. Le résultat, c’est la fusion entre les rentes de l’intellectuel organique et les dividendes du misérabilisme postcolonial. C’est la nouvelle équation du pouvoir symbolique. L’élite s’absout en accusant ; et le chic gauchiste en est l’organe de légitimation. Il ne défend plus les prolétaires, il les remplace dans son imaginaire politique par les « racisés ».
5) Une fois le – terrible – constat posé, que faire ? Sommes-nous condamnés à vivre dans une société « multiraciste » au sein de laquelle chacun se recroqueville sur sa « communauté » pour se protéger des autres ?
Comme dans Le Camp des saints, nous sommes engagés dans une course contre la montre – contre la mort ? –, avec un compte à rebours démographique.
Vous l’avez dit : la perspective n’est donc plus celle d’une société multiculturelle, mais multiconflictuelle, multiconfessionnelle, multiraciste – le monde archipélisé décrit par Jérôme Fourquet, sur fond de tribalisation du corps social. Les travaux du politologue et sociologue américain Robert Putnam, longtemps caution du camp progressiste, ont produit l’effet inverse de celui escompté : ils démontrent avec une implacable rigueur que plus la diversité augmente, plus la confiance s’effondre – dans les institutions, dans ses voisins, dans la société elle-même. On ne construit pas une société sur la méfiance, le ressentiment et la juxtaposition de communautés antagonistes. Or, c’est exactement ce vers quoi nous allons. Nous avons troqué l’idée d’unité nationale contre celle de mosaïque communautaire. Ce n’est pas seulement un suicide politique, c’est un effondrement anthropologique. Chacun se replie sur sa communauté comme on se recroqueville dans un réduit assiégé. Nul besoin, d’ailleurs, d’avoir fait de l’anthropologie culturelle pour le comprendre : les sociétés se construisent sur la séparation des fonctions, des sexes et des espaces. Le commun n’advient que par le distinct.
J’ai cité Jean Raspail. Sa vision était des plus sombres, il préconisait la formule des « isolats » comme condition de survie des Européens. On n’en est pas là – puisqu’en être là, c’est admettre qu’on est dans un au-delà de l’effondrement. Pour s’en préserver, il faut élargir les cercles de la mobilisation politique, redonner à la majorité silencieuse le sentiment de sa légitimité historique, réarmer les consciences et restaurer face au chaos identitaire l’idée même de civilisation européenne.
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