La fin du bipartisme précipitée par Emmanuel Macron et l’effondrement du niveau du personnel politique participent d’un déclin français qui s’inscrit dans un contexte mondial plus vaste.
Sans résignation ni enthousiasme déplacé, il convient d’envisager le monde politique qui émerge du chaos
On parle souvent d’américanisation de la France. A certains égards, celle-ci est en effet largement palpable dans le paysage politique notamment avec les chaînes d’information en continu qui ont bouleversé notre rapport à l’actualité en l’espace d’une décennie. Un phénomène accentué par les réseaux sociaux qui font la part belle au commentaire et au bon mot plus qu’au raisonnement.
La simplification à outrance, pour être compris du plus grand monde, préexiste à la nouvelle donne technologique mais elle a pris un tournant avec la multiplication des écrans.
Depuis le dernier caprice macronien et la dissolution qui en a résulté, le paysage parlementaire est fragmenté. Une nouvelle donne qui contraint les partis en présence à s’adapter et à envisager un « compromis » comme peuvent le faire les Allemands et les Italiens. Habitué à disposer d’une prime à la majorité, le personnel politique se trouve face à une situation inédite dont il ne devrait rien ressortir de bon.
La mauvaise matière humaine
En effet, parallèlement à ce changement de pratique parlementaire imposé par les urnes, la qualité du personnel élu s’est effondrée. Les trois premiers partis de France, le Rassemblement national, la majorité sortante macroniste et les Insoumis, ont tous un système de fonctionnement vertical. Tournés vers le personnage du chef (Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon), ces appareils favorisent l’émergence de profils soumis à la domination du chef, incapable d’initiative ou de développer des courants au sein des partis. Le PS et l’UMP, du temps du bipartisme, avaient cet avantage d’accueillir plusieurs sensibilités en leur sein. Sans regretter ce bipartisme stérile, il convient d’envisager l’utilité de disposer au sein des partis de courants divers pour faire valoir un sain débat d’idées.
Plutôt que cela, la direction des partis impose une ligne unique faite essentiellement de slogans auxquels il convient de se plier sans sourciller. Au déficit d’idées se couple ainsi un déficit en matière de ressources humaines qui a été criant dans les trois partis précités lors des derniers scrutins législatifs. Si la critique de candidats RN a occupé l’attention ces dernières semaines, n’oublions pas le niveau déplorable de nombreux élus macronistes en 2017. Chez les Insoumis, le niveau des parlementaires, très inégal, s’explique sans difficulté par le clientélisme de l’appareil et par la nécessaire soumission totale à la ligne du chef qui a provoqué le départ d’une partie des troupes ces derniers jours.
Persistance de l’ascendant culturel de la gauche
Les mois à venir sont incertains mais une chose est sûre : personne n’était préparé à un tel scénario. Certains regardent le pouvoir en se disant qu’il est probablement trop risqué de le prendre. D’autres estiment qu’il est toujours mieux de l’avoir que de se le voir confisquer par un ennemi. Quoi qu’il en soit, le scénario qui se déroule sous nos yeux a montré l’impréparation de l’ensemble de la droite qui n’a pas su se renouveler, en son sein, mais aussi dans son environnement périphérique : associations, groupements professionnels… Si de sérieuses avancées ont existé en matière de presse d’abord avec les médias alternatifs puis avec le développement des « chaînes Bolloré », l’ascendant culturel demeure à gauche. Un ascendant qui a permis une coalition très large lors des élections législatives allant de l’extrême gauche activiste à la social-démocratie. Un exercice de rassemblement inenvisageable à droite où le petit personnel politique est trop occupé à donner des gages de bonne conduite à la gauche.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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