Conflit russo-ukrainien : Hiver démographique et déluge migratoire

La guerre en Ukraine a déchaîné les passions. À droite comme à gauche, elle a provoqué des fractures idéologiques rappelant celles des guerres des Balkans. Si l’espoir d’une fin à ce conflit fratricide persiste, ses conséquences continueront de hanter les belligérants et l’ensemble du continent européen.

Dès le début du conflit, nous avions alerté, dans un éditorial de Liberté politique, sur les répercussions de la guerre en matière de circulation d’armes. L’afflux d’équipements militaires a entraîné une chute du prix des kalachnikovs, permettant notamment d’approvisionner les banlieues en France. La fin de la guerre pourrait encore amplifier ce commerce illicite. Mais au-delà des armes, l’impact du conflit est avant tout humain. De part et d’autre, les pertes sont colossales. Par stratégie de communication, chaque camp minimise ses propres chiffres tout en exagérant ceux de l’adversaire. Selon le Wall Street Journal (septembre 2024), l’Ukraine aurait perdu environ 80 000 soldats, tandis que la Russie déplorerait 200 000 morts. D’autres sources évoquent des chiffres encore plus élevés, atteignant plusieurs centaines de milliers de pertes totales pour chaque belligérant. Les pertes pourraient largement dépasser les déclarations officielles des états-majors, comme en témoignent les efforts d’enrôlement de plus en plus pressants des deux côtés au fil du conflit.

Le nombre total de victimes serait d’environ un million, intégrant ainsi les blessés dont le sort comptera dans l’après-guerre. À cela s’ajoutent les millions de Russes et d’Ukrainiens ayant fui leur pays pour échapper à la conscription ou aux combats, accentuant la crise démographique.

Une saignée européenne

La Russie, déjà confrontée à des défis démographiques malgré les politiques natalistes du Kremlin, devra relever un double défi : sortir d’une économie de guerre, toujours complexe, et pallier une pénurie de main-d’œuvre et de jeunes hommes en âge de procréer. Les mesures natalistes lancées par Vladimir Poutine, dont les résultats étaient déjà limités, ne suffiront pas à combler la saignée provoquée par la guerre en Ukraine.

Côté ukrainien, le tableau est encore plus sombre. Avec une population moindre, l’Ukraine en paie un tribut encore plus lourd. À ces pertes humaines s’ajoutent des amputations territoriales désormais quasiment certaines, aggravant la chute démographique.

La logique migratoire s’imposera aux deux

Les perspectives démographiques de la Russie et de l’Ukraine convergent vers une même impasse. Les dirigeants des deux pays chercheront à compenser des pertes catastrophiques en main-d’œuvre, en population active et en hommes en âge de procréer. Ce déséquilibre démographique, combiné au poids sociologique et politique des anciens combattants ainsi qu’au déséquilibre homme-femme, marquera profondément les deux sociétés.

Pour compenser ces pertes en hommes, Moscou et Kiev auront recours à l’immigration. La Russie, fidèle à sa tradition impériale, a toujours intégré des populations diverses, avec un succès d’assimilation et d’intégration inégal. La présence croissante de populations musulmanes dans cet État-continent n’est pas sans conséquence. Bien que l’orthodoxie reste une référence culturelle, la pratique religieuse est faible, et le poids de l’islam, même encadré par le Kremlin, ne sera pas sans effets. En matière d’unité nationale, la Russie pourrait en payer les pots cassés. Une partie de l’opinion, attachée à préserver son identité ethnique, influence déjà les politiques migratoires, oscillant entre permissivité et persécution.

En Ukraine, si l’avenir politique est incertain, Kiev penchera, quoi qu’il en soit, du côté occidental et devrait se tourner vers une politique d’immigration massive sur les conseils de ses bailleurs de fonds américains et européens. Là aussi, l’unité du pays pourrait être menacée. Les anciens combattants, notamment les nationalistes, ne se sont pas battus pour que leur pays devienne le centre névralgique du métissage à l’Est. Demain, les nationalistes ukrainiens qui ont donné leur vie pour leur pays seront conspués par les alliés de Kiev qui, hier, les toléraient alors par opportunisme.

Une tragédie pour l’Europe

Quelles qu’en soient les raisons ou les justifications, la guerre en Ukraine est une catastrophe pour l’Europe. Elle débouchera, en plus des divisions exacerbées, sur des flux migratoires supplémentaires qui ne sont jamais une solution viable, ni pour les autochtones, ni pour les déracinés. Ce conflit, par ses pertes humaines et ses bouleversements démographiques, marque un tournant tragique pour le continent, dont les répercussions se feront sentir pendant des décennies.

Olivier Frèrejacques

Président de Liberté politique