Première encyclique du pape François : enfin un dirigeant qui sait où il va !

La première encyclique d'un pape est toujours un événement. Il s'agit rarement d'un document anodin (aucune encyclique ne l'est d'ailleurs). Elle donne souvent le ton d'un pontificat. Lumen fidei ne déroge pas à la règle.

Pourquoi le pape François a-t-il choisi la foi comme thème pour son premier écrit d'importance ? Certains observateurs avanceront que son prédécesseur, Benoît XVI, y travaillait déjà avant de se démettre de sa charge. L'explication est insuffisante. En ratifiant le choix du pape émérite, le Saint-Père fait plus que terminer un travail déjà commencé. Il s'inscrit dans la continuité du ministère des successeurs de Pierre. Mais de quoi parle-t-on au juste en invoquant la continuité ? Quelle réalité recouvre cette notion qui se transforme trop souvent en mot valise, fourre-tout théologique, quand ce n'est pas en mantra idéologique pris en otage par certains conservatismes ?

Un serviteur

En fait, la première continuité dont le pape, tous les papes, ont la charge, c'est tout simplement... celle de la foi ! La première raison d'être du ministère dont François a accepté la mission en tant que pasteur de l'Église consiste à affermir ses frères, c'est-à-dire les chrétiens catholiques (et les autres par la même occasion), dans la foi. En toute logique, le choix du pape actuel est un signal fort en direction de ce message fort simple : l'Église continue !

Tout cela semble couler de source, dira t-on. Était-il besoin d'un nouveau pasteur à la tête de l'Église pour arriver à pareille conclusion ? Mais la charge du pape s’arrête-t-elle à l’exercice de publier des encycliques ou des lettres pastorales ? Qu’en est-il du gouvernement de l'Église ? De la préservation de l'unité et de la charité ? Interrogations pertinentes, que l’on peut compléter par celle-ci : comment le pape gouverne-t-il ? Se pose-t-on souvent la question ? Le Vatican, combien de divisions ? François dispose-t-il encore d'une puissance temporelle digne de ce nom ?

L'État dont il est le chef n'est pas plus grand en superficie que Monaco, et ses forces armées ressemblent davantage à des troupes de gala qu'à des commandos surentraînés. Sur quelle base peut-il prétendre présider à l'unité d'un milliard et demi de fidèles ? La réponse est simple : la foi. C'est elle qui constitue le socle de son « pouvoir », si ce concept est encore adéquat pour ce qui regarde son ministère.

Il ne s'agit pas de faire de la foi un instrument de consolidation d'une chefferie. Dans l'ordre des moyens et des fins, la mission de François est au service de la foi, et non celle-ci un moyen d'affermir son autorité. L'Église catholique ne tient pas debout parce qu'une institution centralisée la mène d'une main ferme et impérieuse, mais parce qu'elle partage le même credo. Et cette foi est agissante : elle ne se réduit pas en formules creuses à ânonner ensemble afin de souder un groupe dans un unanimisme de façade. Au contraire, elle nous rend libres et responsables de tous nos frères humains sans exception.

Le pape est serviteur avant d'être chef d'État. Serviteur des hommes. Car consolider la foi des chrétiens ne signifie pas les enfermer dans un ghetto à l'abri des soucis du monde. Dieu n'est pas conservateur. En montrant tant de sollicitude envers les pauvres dès les premiers jours de son pontificat, le pape François laissait déjà deviner ce qui fondait son audace missionnaire : la foi de l'Église en un Dieu serviteur. Aussi, en toute logique, sa première encyclique aborde le substrat de cette vie chrétienne dont il a décliné les fondamentaux à l'occasion de ses multiples interventions. On ne saurait le taxer d'inconséquence !

 La différence chrétienne

Oui, cette encyclique tombe à pic. Dans un monde sécularisé, elle rafraîchit nos mémoires. Elle nous rappelle en effet que si les catholiques partagent beaucoup de valeurs avec leurs contemporains, la « différence chrétienne » réside d'abord dans une personne : Jésus-Christ. D'emblée, le Saint-Père annonce la couleur : pas de valeurs vécues sans Dieu comme vecteur qui les porte, sans le Christ qui guide notre route en nous prêtant sa propre manière de se conduire. Dans une de ses plus fortes (et belles) expressions, Lumen fidei souligne en effet que « la foi non seulement regarde vers Jésus, mais regarde du point de vue de Jésus, avec ses yeux : elle est une participation à sa façon de voir ».

Les plus grincheux rétorqueront que le Pape est dans son rôle en écrivant une telle encyclique. Mais le sage ne fixe jamais le doigt qui montre la lune sans lever ensuite les yeux au ciel ! De même la mission du pasteur de l'Église ne consiste pas à faire assaut d'originalité : les plus médiatiques de nos people s'en chargent à sa place, et pas avec le meilleur goût le plus souvent. Non, le pape François nous exhorte à placer notre confiance en Celui qui représente la Nouveauté absolue en personne. Au lieu de braquer les projecteurs sur lui même, il nous tourne vers la source de toute innovation. En cela aussi il est le plus moderne de nos contemporains. Continuité n'est pas conservatisme.

Une réponse

Cette encyclique est un signe. Le Saint-Père n'a pas inventé Dieu. Lui, au moins, l'avoue en toute humilité. Bien des puissants de ce monde pourraient prendre exemple sur cette attitude décentrée. Mais cela ne signifie pas que la foi est impersonnelle, bien au contraire ! Comme le dit Lumen fidei : « L’acte de croire s’exprime comme une réponse à une invitation, à une parole qui doit être écoutée. Il ne procède pas de moi, mais il s’inscrit dans un dialogue. » Dialoguer avec Dieu, n’est-ce pas formidable ? Tout autant qu’envoyer des SMS plats et creux toute la sainte journée ! La foi n’est pas en dehors de l’actualité, mais en ses profondeurs.  

Le pape François sait où il va. La ligne du pontificat est tracée : moins d'ego et plus de foi !

 

 

Jean-Michel Castaing est l’auteur de 48 objections à la foi et 48 réponses qui les réfutent, Editions Salvator, 2013.