Le raz de marée du Parti socialiste aux dernières élections régionales et départementales aurait pu faire croire que ce parti, face à une droite particulièrement peu inspirée, aurait trouvé quelque souffle intellectuel.

Pour prendre la mesure de ce renouveau, il suffit de considérer le seul cheval de bataille lancé par la gauche en cette fin de printemps : le mariage homosexuel ! Quelque parti philosophique que l’on prenne sur ce sujet, comment ne pas être effaré que ce soit là la seule proposition des présidentiables d’une gauche qui vient de remporter triomphalement vingt régions sur vingt-deux ?

L’idée, lancée le premier par Dominique Strauss-Kahn, a été reprise par Laurent Fabius, Bertrand Delanoë, et jusqu’au Premier secrétaire François Hollande. Non seulement elle n’intéresse ni de près ni de loin la politique des régions, qui ne sont pas compétentes en la matière, mais encore elle tourne le dos à la raison d’être historique de la gauche, qui est le domaine social (bien plus que " sociétal " !). La lutte contre le chômage, contre les inégalités, de meilleurs services publics à commencer par la santé et l’éducation, arguments traditionnels de la gauche, semblent passés aux oubliettes. Voilà bien à l’œuvre désormais, selon l’expression d’Eric Conan, la " gauche sans le peuple ".

Apparemment, le Pacs, grande réalisation du gouvernement Jospin, ne suffit plus. Pourtant le gouvernement Raffarin promeut une réforme du divorce qui rapproche singulièrement le mariage du Pacs. Le premier instituait des obligations (généralement du fort au faible) et des droits, le second très peu d’obligations et quelques droits. La réforme en cours vise à réduire les contraintes du mariage, ce qui ne peut se faire qu’au détriment de la partie faible.

Non seulement le mariage homosexuel n’est pas une revendication populaire : rappelons-nous la pétition des 20 000 maires qui se refusaient à le célébrer, mais la promotion de l’homosexualité, pendant longtemps, ne fut pas du tout une cause de gauche. Du temps de Proust, elle était l’apanage d’une aristocratie décadente et réactionnaire. Un peu comme les langues régionales ou l’écologie, naguère tenues pour des causes passéistes et de droite, aujourd’hui revendiquées par l’extrême gauche, la défense des homosexuels a en quelque sorte viré de bord.

Qu’importe ! La résurgence de ce thème a le grand mérite de nous rappeler que si la droite est à bout de souffle, la gauche, elle aussi, malgré une victoire retentissante aux élections locales, demeure dramatiquement à court d’idées.

À la veille d’élections européennes où les électeurs seront tentés de confirmer leur vote des régionales, il n’est pas inutile de le rappeler.

Roland Hureaux est essayiste. Dernier ouvrage paru : Les Nouveaux Féodaux, Gallimard, 2004.

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