Source [Polémia] : Les entreprises s’effondrent rarement d’un seul coup.
L’effondrement n’est presque toujours que la phase visible d’un déclin qui a commencé longtemps avant et s’est développé de façon insidieuse. Comme la fameuse grenouille qui ne réagit pas quand la température de l’eau dans laquelle on l’a mise augmente, cette lenteur rend plus difficile la réaction: les signes de déclin semblent disparates et il est difficile de les relier pour brosser un tableau d’ensemble permettant une prise de conscience du danger. Au cœur de cette difficulté se trouve le silence sur la situation et l’acceptation tacite de la médiocrité de la performance.
Il est 9h35 et je suis à Paris Gare de Lyon, où j’attends une collègue qui vient de Lyon. La voie A, où son train devait arriver à 9h30, est vide. Pourtant, sur le panneau d’affichage en face de moi, il est marqué « À l’heure ». Je songe un instant à prendre une photo, mais je dis « à quoi bon ? ». À la SNCF, un train qui a cinq minutes de retard est donc considéré comme étant à l’heure. Que j’en parle autour de moi et les explications fusent: « Tu chipotes, ce n’est pas si grave », « C’est une simple erreur d’affichage » jusqu’à « Ah bon je n’avais pas remarqué ! ». En parler à un agent SNCF, c’est simplement s’exposer à un regard incompréhensif, voire une réaction d’agacement. Qu’est-ce qu’il y peut après tout ? Personne n’y peut rien.
Et c’est ainsi que les organisations déclinent : elles s’habituent à la médiocrité. 5 minutes de retard ne sont pas comptabilisées comme un retard, et tout le monde trouve cela normal. Un dysfonctionnement manifeste ne trouble plus personne dans l’organisation, ni même parfois chez les clients ou usagers. Les mots ne veulent plus rien dire. Le train est en retard parce qu’il n’a pu être à l’heure.
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