Le dimanche, enjeu de civilisation

Dans l’effervescence de la rentrée scolaire et profitant du brouhaha médiatique occasionné par la crise politique du remaniement, voilà revenue à pas de loups l’explosive question du travail du dimanche.

N'y a-t-il pas beaucoup d’autres choses à faire que la légalisation du travail dominical pour libérer les énergies, retrouver de la croissance, permettre le développement de l’économie et créer des emplois ?

Dans les éléments de langage régulièrement mis en avant par les tenants du tout marchand revient l’idée que le travail du dimanche créerait davantage d’emplois. Les études économiques (telle celle du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) mettent à mal cette assertion ; elles illustrent en effet qu’un jour d’achat en plus n’augmentera pas pour autant le budget des ménages, impacté par la persistance de la crise. Sans pouvoir d’achat pas de consommation et pas de nouveaux emplois. Généraliser l’ouverture des commerces le dimanche ne fera qu’étaler et accroître un peu plus la précarité, et accentuer les fractures entre ceux qui peuvent dépenser et ceux qui ne le peuvent pas. L’épargne des Français ? Si ceux qui le peuvent économisent aujourd’hui dans divers placements c’est davantage pour se préserver d’un avenir incertain.

En réalité, ce débat lancé est un leurre supplémentaire pour détourner l’attention des Français sur le mensonge intégral du « Moi Président ». Une diversion qui cherche à diviser les Français pour leur faire oublier la faillite d'une politique cosmétique incapable d'engager les réformes structurelles dont notre pays a besoin. Un mauvais tour de passe-passe qui cherche à effacer la faillite du président de la République et de ses ministres qui sont les premiers responsables de la collection d'échecs infligés à notre pays : dette historique supérieure à 2.000 milliards d'euros, chômage de masse, croissance nulle, déflation, isolement international, sécurité et justice en crise...

"Ne nous trompons pas de débat au moment où se pose la question de la responsabilité du chef de l'Etat face à la dissolution de sa légitimité."

L’élargissement, un temps envisagé en catimini par voie d’ordonnance, des possibilités d’ouverture dominical est le fruit d’une tactique de petits pas dont la finalité est la généralisation du travail dominical. Le principe du repos dominical progressivement attaqué et dépecé a pour objectif de placer, dans quelques années, le législateur devant le fait accompli. La tactique n’est pas nouvelle : elle n’en est pas pour autant acceptable.

Car si cette proposition de loi reflétait réellement un consensus, comme ses auteurs le prétendent, pourquoi avoir voulu la soustraire au débat public et à la représentation nationale chargée de contrôler, d’amender, d’équilibrer ou de rejeter ?

Si le gouvernement aimait vraiment les entreprises, il aurait inclus des propositions concrètes de simplification dans les travaux du Parlement. Je pense bien sûr à la feuille de paie ou au maquis fiscal et normatif, mais encore aux seuils sociaux dans les entreprises. Les députés de l’opposition ont fait des propositions constructives dans ce sens. J’ai par exemple demandé dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale le 27 mai que nous procédions à une refonte en profondeur de ce dispositif, en déclenchant ceux-ci à partir de 250 salariés de manière à ne pas étouffer les PME par des contraintes excessives.

Et que dire des attaques répétées contre les formations par apprentissage ou encore de la récente suppression des bourses au mérite ? Pourquoi ne pas supprimer toutes les charges patronales pendant la durée des contrats d’apprentissage conclus en 2015 ? Voilà d’autres ressorts qui permettraient utilement de relancer la croissance tout en récompensant le travail, l’effort et en valorisant chacun dans ses choix.

"L’entreprise est l’un des piliers de l’économie et de la société ; toutefois, le bien vivre ensemble ne peut se limiter à des considérations marchandes."

L'entreprise est une communauté de personnes humaines dont la caractéristique est la production de biens et de services utiles aux autres. La nécessité de l’efficacité ou de la compétitivité conditionne sa survie. La recherche et l’existence d’un profit économique contribuent donc au développement de la société, permettant de récompenser l’innovation et l’effort et fournissant par là même du travail à chacun. En débattre est donc bien légitime.

Mais l’entreprise porte également une fonction sociale qui ne peut être étouffée par des logiques arithmétiques ou des satisfactions purement individuelles. Le développement harmonieux de chacun de ses membres doit faire partie de ses objectifs. Pour cela, il est indispensable que chacun puisse trouver des temps de repos, mais aussi de partage en famille et dans les différents cercles de vie qui sont les siens. 

Aussi, il est indispensable de préserver des temps où l’argent n’est pas l’arbitre. Quelle cohérence y-a-t-il à dénoncer dans le même temps le surendettement massif de certains ménages tout en facilitant la tentation consommatrice ?

J’ai un immense respect pour toutes celles et tous ceux dont la profession les appelle à assurer tous les jours de la semaine la continuité de la vie sociale, la sécurité et la santé de nos compatriotes. Ils sont la colonne vertébrale d’un pays. Cette implication spécifique en faveur du Bien commun ne doit pas être galvaudée dans une généralisation consumériste.

"Le dimanche c’est un enjeu de civilisation."

Les fondements de notre civilisation reposent sur un équilibre de droits et de devoirs qui permettent tout autant une respiration individuelle que collective. Le principe du repos dominical dépasse ainsi les clivages partisans pour poser une question bien supérieure.

Au-delà de la technique économique, c’est bien d’un enjeu de mode de vie, de société, de civilisation dont nous parlons.

Si l’Occident veut réellement mettre fin au piège consumériste et tuer l’esprit de Mai 68, alors cela ne peut passer que par la réaffirmation de règles communes dont fait partie le repos dominical. Cela nécessite des renoncements et des sacrifices. Mais n’est-ce pas l’abandon de ces efforts sur soi qui nous ont précipité le pays dans cette situation délétère ?

Chacun à son niveau peut contribuer à déjouer le piège consumériste. En réaffirmant l’importance de la Famille, de la vie locale, de l’engagement associatif, du bénévolat sportif ou caritatif, c’est en faveur d’un avenir altruiste que je plaide.

A mon modeste niveau, j’essaie de m’appliquer cette cohérence de vie. Le dimanche, j’ai décidé de le consacrer à ma famille, et autant que possible, je ne réponds pas favorablement aux différentes sollicitations inhérentes à mes responsabilités de député-maire. Le repos hebdomadaire me ressource, m’équilibre, et, les jours restants, me rend plus dévoué et efficace au service de mes compatriotes

 

Yannick Moreau est député de la Vendée.

 

 

 

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