Source [Le Parisien] Non obligatoire depuis 1962, la soutane est de plus en plus portée par de jeunes prêtres, pourtant pas « traditionalistes », et qui le revendiquent.
Comment rester visible quand on est de moins en moins présent sur le terrain ? Eh bien en enfilant une soutane ! Ce dimanche à la sortie de la messe comme le reste de la semaine, quelques centaines de curés de l'Hexagone ont choisi de porter le vêtement religieux le plus ostentatoire, celui que l'on croyait en voie de disparition et réservé aux seuls ministres du culte étiquetés « traditionalistes ».
Après des décennies de purgatoire, l'habit multicentenaire des clercs s'offre un retour en grâce auprès des jeunes serviteurs de Dieu. Et donc un sacré coup de projecteur pour une « profession » qui, aujourd'hui, ne compte plus que 11 000 prêtres diocésains, deux fois moins qu'en 1995. Le père Simon Chouanard, 44 ans, est « un prêtre parfaitement ordinaire », qui n'est « pas tradi » et qui porte, à l'église comme à la ville au guidon de son scooter, la… soutane ! « Ce n'est pas par nostalgie, ce n'est pas un vêtement d'apparat, c'est mon bleu de travail », s'enthousiasme le curé de la paroisse du Cœur Eucharistique de Jésus à Paris (XXe) située dans le quartier populaire de la porte de Bagnolet.
Comme lui, de plus en plus de prêtres choisissent d'enfiler, au quotidien, la robe noire dont le port, dans notre pays, n'est plus obligatoire depuis un bon demi-siècle. Ces dernières décennies, elle avait quasiment disparu des presbytères, devenue le signe distinctif des intégristes qui aujourd'hui, encore, en font leur étendard. Mais ceux-ci ne sont désormais plus les seuls à s'afficher ainsi.
Pour une nouvelle génération de serviteurs de Dieu, c'est un bon moyen de se démarquer. « Ils veulent assumer pleinement une identité », observe Brigitte Hamon, de l'entreprise Arte-Houssard qui confectionne des vêtements liturgiques dans la Manche. En 2018, elle a vendu 160 soutanes contre 110 il y a une décennie. Il faut débourser entre 450 et 599 euros pour s'offrir cet habit de lumière à la « forme française plus ajustée, avec couture à la taille contrairement à la forme romaine ».
Comment expliquer cette résurrection chez les prêtres en paroisse comme chez les religieux des ordres et congrégations ? « C'est une restauration de la verticalité de la prêtrise, une réaction à la dissolution, dans la société, des prêtres au cours des années 1970-2000, quand ils étaient devenus des animateurs sociaux. Ils avaient alors abandonné leur soutane pour être en solidarité avec les gens, dans un rapport direct, selon une approche horizontale », décrypte l'historien des religions Jean-François Colosimo. Selon lui, elle « est la marque d'une frontière entre l'Église et le monde. Elle permet de témoigner, au sein de la cité, d'un choix de vie radicalement différente. Quand on s'engage dans le célibat, dans des renoncements et des sacrifices, on accepte un sort séparé, on ne va pas vivre comme les autres », analyse-t-il.
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