La contre-attaque médiatique chinoise sur le Xinjiang, récit d’une stratégie d’intoxication au long cours

Source [Portail de l'IE] : Pour la Chine, toute la campagne à son encontre au sujet du Xinjiang et du traitement des Ouïghours est forcément une fabrication de ses adversaires, États-Unis en tête, qui y verraient le prétexte rêvé de clouer la Chine au pilori et nuire à sa réussite économique, voire la déstabiliser en mobilisant contre les autorités chinoises les populations musulmanes de Chine. « L’ingérence étrangère » est un thème récurrent du parti communiste chinois. Dans le storytelling chinois, l’histoire de ces « Fake news fabriquées de toutes pièces » commencerait en août 2018, jour où les premières révélations ont atteint les cénacles des organisations internationales…

Les origines : aout 2018, UNHCHR, Genève

Le 10 août 2018, Madame Gay McDougall, avocate et membre américaine du comité pour l’élimination des discriminations raciales (CERD) du Haut-commissariat des Nations Unies au droit de l’Homme (UNHCHR) prend la parole pour interpeller la Chine au sujet de camps de détention de la minorité ouïghoure au Xinjiang et au sujet des traitements infligés à ces minorités au sein de ces mêmes camps. Sur le moment, le 13 août 2018la réponse orale de Yu Jianhua, représentant permanent de la Chine auprès du bureau des Nations Unies de Genève, est sans aucune ambiguïté : « There was no arbitrary detention or lack of freedom of religious belief, while the view that Xinjiang was a “no rights zone” was completely “against the fact”. There were no such things as “re-education centres”, or “counter-terrorism training centres” in Xinjiang ».

Les premières réponses médiatiques de la Chine sur le sujet sont plutôt laconiques. Mais c’est sur un site américain que sort finalement 10 jours plus tard une réponse bien plus étayée de cette histoire sous la forme d’un article du site TheGrayzone, blog militant au service des causes de son fondateur et principal contributeur Max Blumenthal, régulièrement accusé de verser dans le complotisme. Il s’agit en tout cas d’un blog d’opinions de gauche voire d’extrême-gauche, critiqué pour ses prises de position ouvertement pro-régimes autoritaires. Peu importe pour la Chine, qui voit rapidement (même très rapidement) dans cet article l’occasion de répondre plus vertement aux accusations de l’UNHCHR. Un communiqué chinois reprenant intégralement cet article est publié immédiatement, le même jour que l’article de TheGrayzone, le 23 août 2018, la Chine endossant donc l’intégralité de son contenu. A noter que la Chine procèdera plusieurs fois de la sorte sur des sujets liés au Xinjiang : reprendre immédiatement et in extenso les articles publiés par TheGrayZone. L’hypothèse que ce site soit en réalité directement alimenté par la Chine n’est pas à exclure, surtout avec une telle réactivité des reprises qui laisse supposer, a minima, que la Chine est informée de la parution de l’article dès sa mise en ligne.

Une « Américaine » à Genève

Pour la Chine et ses soutiens, la prise de conscience officielle et internationale autour du Xinjiang aurait donc désormais un point de départ et une source unique : Madame Gay McDougall. Selon eux, elle aurait accusé la Chine sans la moindre preuve tangible, sachant que son intervention a ensuite été massivement reprise par les médias sans vérification des faits rapportés, suscitant un emballement médiatique international sans précédent sur la question des Ouïghours. Cette intervention de Madame McDougall marquerait donc le début de la désinformation sur le Xinjiang, sur la base d’allégations non justifiées, avec de fait une origine américaine, via une personne qui n’aurait aucun bagage académique particulier sur la Chine, ni aucune expertise notable sur le sujet.

Ce que la Chine met d’abord en cause ici pour arguer d’une imposture, c’est donc l’absence de preuves matérielles apportées par Madame Gay McDougall, et l’emballement médiatique ensuite de la presse « mainstream » dans son ensemble.

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