Source [Conflits] : Face à des nationalistes qui excitent les passions sans avoir de projet politique, Paul-François Paoli revient, dans un essai sur l’histoire de la Corse, sur les liens anciens et profonds entre l’île de Beauté et la France. Un retour à l’histoire qui permet de mieux comprendre les défis d’aujourd’hui.
Paul-François Paoli est essayiste et journaliste. Auteur de plusieurs ouvrages sur la Corse il vient de publier Histoire de la Corse française, de Sampiero Corso à nos jours (Tallandier).
Propos recueillis par Antoine-Baptiste Filippi
Pourquoi avoir écrit une nouvelle histoire de la Corse ? Les ouvrages ne manquent pourtant pas sur le sujet.
Il y a en effet d’excellentes histoires de la Corse à notre disposition, que je cite d’ailleurs abondamment dans mon essai : celles de Michel Vergé-Franceschi, d’Olivier Jehasse et Jean-Marie Arrighi ou encore de Robert Colonna d’Istria pour ne citer que les plus récentes. Mais celle-ci a deux spécificités : tout d’abord, il s’agit de l’histoire de la Corse française essentiellement. C’est-à-dire une histoire de la relation entre la Corse et la France, relation qui commence bien avant le Traité de Versailles (1768). Et c’est une histoire parfaitement subjective au sens où je ne prétends pas effectuer un travail d’historien qui revient aux sources. Je ne suis pas universitaire, mais journaliste et écrivain. Je me suis fondé sur les travaux des historiens reconnus, notamment ceux que je viens de vous citer, pour écrire un essai qui tente de comprendre, dans la durée, la relation paradoxale entre la France et la Corse.
Pourquoi paradoxale ?
Paradoxale parce que la Corse, en toute logique, aurait dû être italienne, du fait de sa proximité géographique, ethnique et linguistique avec les peuples italiens qui lui sont si proches. Or elle a choisi, au fil du temps, de devenir française. Une des spécificités de mon essai est d’insister sur le fait que l’attraction pour ce que représentait la France, sa puissance et donc le prestige qui en découle, a commencé bien avant le siècle des Lumières. La France monarchique du XVIe siècle, celle de François Ier et d’Henri II semble exercer une authentique fascination sur des mercenaires comme Sampiero Corso. Celui-ci a un but : délivrer la Corse du joug génois et il considère que la France peut y concourir. Mais ce n’est pas un nationaliste avant l’heure. Le nationalisme au sens moderne et démocratique n’a aucun sens à cette époque. La “fidélité” de Sampiero Corso va au Roi de France et à sa personne. Les historiens semblent d’accord sur ce point. Quand Henri II renonce à intégrer la Corse à la monarchie lors du Traité de Cateau-Cambrésis, ce renoncement est vécu en Corse comme un parjure, c’est d’ailleurs ainsi que l’historien Michelet décrit la situation dans son Histoire de France.
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