La légalisation quasi simultanée du pseudo-mariage homosexuel en Espagne et au Canada constitue un signe des temps des plus alarmants. Lorsque les États trouvent des majorités parlementaires pour avaliser des lois qui ne relèvent pas du choix politique proprement dit, c'est que la politique est malade, faute de reconnaître d'abord qu'une transgression de l'ordre familial atteint un domaine que l'on désigne généralement aujourd'hui comme symbolique et qui surplombe tous les choix qui reviennent à des dirigeants politiques.

Ou bien alors il faut avaliser le trop célèbre slogan "tout est politique", ce qui est la formule la plus adéquate du totalitarisme moderne. Car le sommet du totalitarisme, bien au-delà des abus de pouvoir qui qualifient (d'ailleurs abusivement) "les régimes autoritaires", se situe dans la prétention d'être maître des symboles et des principes.

Ce n'est pas pour rien que le cardinal Ratzinger et le philosophe Jürgen Habermas s'accordaient sur la nécessité de reconnaître "les fondements pré-politiques du politique". L'ordre anthropologique s'impose au politique pour mettre hors de toute délibération ce qui concerne le respect absolu des lois non écrites. Certes, il peut y avoir une ambiguïté dans la philosophie de la démocratie, que l'on retrouve chez tous les grands penseurs du contrat social (Rousseau et Hobbes par exemple), prolongée de nos jours par des théoriciens qui expliquent qu'en régime démocratique le lieu du pouvoir est "vide". En d'autres termes, il n'est rien d'incontestable, rien de définitif, rien qui ne soit soumis à une délibération qui peut rendre caduc ce qui la veille encore était considéré comme la règle.

Qui ne voit les dommages considérables d'une telle conception qui, partant du refus absolu de l'autorité, aboutit à donner à l'opinion des pouvoirs exorbitants ? Et cela d'autant plus que la volonté de puissance est sans contrepartie. En période de nihilisme, tout est possible, y compris les législations eugénistes qui, furtivement, admettent le principe de l'éradication des défauts biologiques par la sélection qui élimine de fait les handicapés. Les régimes totalitaires d'hier s'étaient conféré ce type de pouvoir. Les démocraties se croient fondées à les imiter au prétexte qu'elles ne sont pas des régimes d'autorité.

Dans le cas du pseudo mariage homosexuel, la transgression est patente. Elle justifie un devoir de désobéissance civique. Sera-t-il reconnu ? Obligera-t-on les officiers municipaux et les magistrats à agir contre leur conscience ? Dans cette hypothèse, le principe qui singularise la démocratie par rapport à la tyrannie serait bafoué, mais ce serait dans la logique d'une souveraineté de la loi qui marque l'ambiguïté fondamentale de la modernité.

L'Église s'oppose à ces dérives avec la force de sa liberté spirituelle. Beaucoup s'en indignent et voudraient détruire cette liberté, ne serait-ce qu'en portant atteinte à la symbolique propre à l'institution. La pseudo ordination d'une femme prêtre à Lyon n'est pas une provocation anodine. On veut faire rentrer l'Église dans le désordre commun, et la rendre complice d'un nihilisme dont elle est aujourd'hui le seul adversaire résolu.

*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

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