Source [Atlantico] Avec un taux de chômage qui est tombé au plus bas depuis 50 ans, une croissance de 3,2% et une bourse au sommet, l'économie américaine se porte plus que bien. Recette d'un succès.
Atlantico : L'économie américaine affiche une santé insolente, revendiquant un niveau de chômage proche du plein emploi et de fort chiffres de croissance. Plus de 10 ans après la crise financière, quelle a été la recette américaine pour en arriver à un tel résultat ?
Alexandre Delaigue : La recette américaine a tout simplement été de faire ce qui est indiqué dans à peu près n’importe quel manuel d’économie le plus banal, c’est à dire soutenir la demande avec une politique monétaire expansionniste et une politique budgétaire qui - même si celle-ci a été un petit peu moins expansionniste qu’elle n’aurait pu l’être - a été globalement très favorable. Le tout sans interruption. Ce n’est pas une recette très compliquée et le résultat on le voit ; l’économie américaine connaît une des plus longues expansions qu’elle n'a jamais connue.
Il faut noter qu’au moment où la crise financière s’est déclenchée, les Etats-unis ont eu la chance d’avoir un banquier central, Ben Bernanke, qui est un des plus grands spécialistes des erreurs de politiques économiques commises, en particulier par la FED (la banque centrale des Etats-unis), pendant la crise de 1929. C’est quelqu’un qui a toujours dit qu’ils ne referont plus les mêmes erreurs que par le passé, quelqu’un qui avait, sur le plan intellectuel, toutes les capacités pour identifier ce qu’il fallait faire, et qui a été aidé par un système institutionnel qui est beaucoup plus orienté vers la recherche du plein emploi que ce que l’on pourrait trouver dans d’autres pays, particulièrement en Europe. L’orientation de la politique économique américaine fait qu’elle est toujours focalisée vers la croissance, il existe un véritable consensus dans le pays sur ce point. Il peut y avoir des désaccords sur la manière de faire mais l’idée du soutien à l’activité est véritablement un point central qui n’est même pas discuté au sein de l’économie américaine.
Ce que l’on peut noter également, c’est que cette forme de consensus ou de continuité se retrouve aussi dans les arbitrages budgétaires qui ont été faits que cela soit avec Barack Obama ou avec Donald Trump. Au moment de la crise, Barack Obama a eu la volonté de mettre en oeuvre un plan de relance de l’activité - un plan qui n’a pas eu tous les effets que l’on aurait pu souhaiter mais qui a pu être efficace -. Puis, il y a eu une volonté de laisser agir ce que l’on appelle les “stabilisateurs automatiques” c’est à dire de faire en sorte que le budget de l’Etat ne soit pas un budget d’austérité qui empêcherait la reprise économique. Enfin, avec l’arrivée des Républicains et de Donald Trump à la Maison Blanche, on a pu voir une situation classique se répéter pour ce parti. Quand les Républicains sont dans l’opposition, ils passent leur temps à s’inquiéter des déficits en disant que la catastrophe arrive, mais dès qu’ils prennent le pouvoir - et cela est le cas depuis Ronald Reagan - ils mènent instantanément une politique de baisses d’impôts extrêmement agressive qui se traduit par une très forte stimulation de l’économie, bien plus keynésienne que ce que les keynésiens les plus gauchistes pourraient imaginer.
Ces recettes sont-elles transposables à l'Europe et à la France ?
Elles sont difficilement transposables pour plusieurs raisons. Puisque nous avons une seule monnaie et une seule zone économique, il faut déjà se situer au niveau européen. Et ce que l’on peut observer, c’est que nous avons une histoire qui est assez différente. Si la première réaction à la crise de 2008 a été assez similaire à celle qui a eu lieu aux Etats-Unis, il y a eu une volonté, à partir de 2010, de très vite réduire les plans de relance et, au contraire, de mettre en oeuvre des politiques d’austérité pour favoriser l’équilibre budgétaire, ce qui a eu pour effet de casser la relance. S’est ajoutée à cette situation la crise grecque et l’interprétation de la crise de la zone euro a encore poussé dans cette direction. Il a fallu attendre Mario Draghi pour, autant que possible, éviter les problèmes à l’intérieur de la zone euro et faire en sorte qu’enfin, notre politique monétaire soit à peu près comparable, en termes de soutien à l’activité économique, à ce qui a été fait aux Etats-Unis. Au passage, il est intéressant de noter que Mario Draghi, comme Ben Bernanke, font partie de ces gens qui ont été formés au MIT dans les années 70 par les meilleurs macroéconomistes de cette époque. Et tous les gens qui ont été formés par cette école sont bien dans un état d’esprit qui prévaut aujourd'hui en matière de politique macroéconomique, aux Etats-Unis. En Europe, globalement, nous avons toujours eu des arrières pensées en matière de politique monétaire et budgétaire pour ne pas faire ce qui a pourtant si bien fonctionné aux Etats-Unis, et ces arrières pensées se retrouvent dans le cadre institutionnel. Il aurait été très difficile pour la BCE de faire un plan de relance aussi agressif que celui qui aurait pu être mené. Il aurait été très difficile dans le système des traités européens d’avoir quelque chose qui permettrait un plan de relance budgétaire aussi significatif que ce qui a pu être fait aux Etats-Unis. C’est donc institutionnellement très compliqué parce que l'idéologie et les structures ne sont pas les mêmes en Europe, comparativement aux États-Unis.
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