Cannabis

Tiens, tiens, c’est bien ce dont nous avions souvenir… Voilà vingt ans déjà, Dominique Jamet laissait poindre son faible pour la libéralisation de la consommation et le commerce des drogues dites douces. C’est ainsi sans surprise, mais admiratif de la constance de ses opinions que nous avisons son Cannabis, bis sur le site concurrent mais, n’en doutant point, néanmoins ami, baptisé Boulevard Voltaire.

Comme un touriste déboulant au hasard des chambres correctionnelles du palais de Justice de Paris et captant en cours de route la plaidoirie de l’avocat en verve, on se dit à part soi : «cet homme là voit juste ; sa cause est convaincante». Mais, un doute naît : qu’est-ce qui, en dernière instance, détermine la position de notre homme ? Est-ce le souci de voir à terme réduit à néant la consommation de ces produits parce que ces derniers sont nocifs en eux-mêmes et que l’on doit préserver les gens, fusse contre eux-mêmes ? Dans cette hypothèse, la libéralisation du commerce, induisant une baisse radicale du prix de vente entraînerait une baisse drastique de l’offre, laquelle impliquerait à terme une diminution de la demande. La morale, assise en l’occurrence sur le souci de la santé publique, commanderait d’adopter un raisonnement économique de facture libérale.

Mais voilà que notre éminent confrère fait rappliquer dans son argumentation alcool et tabac pour en souligner la non moindre dangerosité… tout en taisant les effets nocifs du cannabis. C’est là que le bât blesse et, même, tue. Et, en premier lieu, la validité du raisonnement. Primo, le cannabis est en lui-même nocif [1], et sa consommation ne s’insère pas dans la culture occidentale. (A dose égale, il est utile au paysan andin alors qu’il mettra par terre l’étudiant américain.) Parler d’alcool ne veut pas dire grand-chose. Il est des éléments constitutifs du vin. Quarante centilitres (maximum) d’un bon rouge ou d’un bon champagne au quotidien permet à l’organisme de conserver le bénéfice de ses ingrédients bénéfiques. Au-delà… on risque à terme de se rapprocher de l’au-delà (effet déplétif). Certes, même le bon tabac dans la tabatière n’est pas bon. Mais, si l’adage n’est pas vrai en toutes circonstances, on pourra dire que c’est en l’espèce la dose qui fait le poison : on s’autorisera au maximum une cigarette au café (du déjeuner).

Au reste, est-ce un hasard si c’était un certain Caballero qui, naguère, était l’avocat de la ligue anti-tabac, tandis que le même militait de façon peu cavalière pour la même cause que notre confrère ?

Il en est des stups comme du stupre ancillaire : avant d’en juger, il faut examiner s’ils sont dans les mœurs. Ceux de Strauss-Kahn, nous n’aurions dû connaître. D’une certaine manière (certes !), ils faisaient partie de la tradition. C’est à elle qu’il faut d’abord s’arrêter. Car elle-même retient ce qui est bon, laisse filtrer ce qui est mauvais.

A juste titre et à longueur de colonnes d’une langue superbe et infernale, Dominique Benjamin Jamet bataille contre la pensée dominante, quels qu’en soient les domaines. Ici, il ne semble pas percevoir l’erreur de raisonnement. Peut-être parce qu’il ne sait pas que la liberté ne mérite pas toujours d’être aimée.

Photo : © Wikimedia Commons / Bogdan

[1] la question est trop documentée pour que nous puissions ici citer nos sources.