Depuis lundi 5 septembre, la commission de discipline de l'ANC mène un procès contre Julius Malema, le président de la ligue de la jeunesse. Celui-ci est accusé d'avoir porté atteinte à la réputation de l'ANC en appelant au renversement du régime du Botswana voisin. Malema est bien connu pour ses provocations vis-à-vis de la communauté afrikaner. L'an dernier, il était condamné par un tribunal officiel pour avoir relancé une chanson révolutionnaire appelant au meurtre des fermiers blancs. Il prône une réforme radicale de reprise des terres sans indemnisation, à l'exemple du Zimbabwe.
Depuis 1994, plus de 1 700 fermiers blancs ont été assassinés. Les fermiers blancs, pour la plupart afrikaners, détiennent 87% des terres cultivées et la revendication sur la terre est très forte. L'État sud-africain a mis en route une redistribution dont l'objectif était de transférer 30% des terres à des exploitants noirs. On en est loin : 2 millions d'hectares ont été transférés, soit 5 à 8% des terres cultivées, et les nouveaux exploitants sont incapables de maintenir la production antérieure par manque de compétence autant que par manque de moyens techniques et financiers.
À la fin du mois dernier, le gouvernement a annoncé son intention de lancer une réforme agraire dont le coût est estimé à 5 milliards d'euros. En faisant cette annonce, le ministre chargé de la réforme a reconnu qu'il serait difficile de mobiliser une telle somme. Et le gouvernement sud-africain est fort prudent sur ce thème par crainte de voir s'installer une situation analogue à celle du Zimbabwe où la reprise des terres aux fermiers blancs s'est traduite par l'effondrement de la production.
L'agriculture sud-africaine ne représente que 3% du PIB mais elle assure l'autosuffisance du pays qui fait partie des cinq premiers exportateurs mondiaux de fruits (avocats, agrumes, poires, ...). Elle contribue à 8% des exportations. Elle est aussi un employeur important avec plusieurs centaines de milliers de travailleurs.
En fait, cette annonce vise à calmer la population qui, dans sa grande majorité, ne voit pas venir les améliorations de son niveau de vie que laissait espérer la fin de l'apartheid alors que le chômage touche sans doute près de 40% de la population active. Malema ne cesse de critiquer la politique gouvernementale et se pose en leader de tous les laissés-pour-compte. Il sait mobiliser les foules par ses discours enflammés et n'hésite pas à s'entourer de gardes armés. Il est vigoureusement soutenu par Winnie Madikizela-Mandela, l'ex-femme de Nelson Mandela, exclue de la vie politique officielle après une condamnation à 4 ans de prison pour fraudes et vols, mais restée très populaire auprès des partisans de l'ANC.
L'annonce d'une réforme dont on dit qu'elle est peu probable faute de moyens n'aura sans doute que peu d'effet sur la population dont le mécontentement s'exprime de plus en plus violemment.
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