En bas, le café du commerce, la caricature de la démocratie. Tous les jours, le verbe haut, on y rebâtit le monde à coups de « faut qu’on » et de « y a qu’à » libérés par les quelques chopes avalées dans la chaude ambiance des camarades de bistrot. Il faut dire que l’actualité est stimulante. Les attentats ont amené l’état d’urgence. 

Et pendant que l’Assemblée Nationale discute à son habitude du sexe des anges ou du fait de savoir si des français d’occasion par ailleurs ressortissants d’un autre pays et poseurs de bombe peuvent être privés d’une nationalité qu’ils haïssent, la colère gronde contre une réalité sociale de plus en plus insupportable. Les paysans, les éleveurs en particulier, endettés pour travailler bien plus que les autres veulent vivre d’un travail qu’ils aiment plutôt que d’être « assistés ». Les enseignants demandent une considération que ni l’administration méprisante, ni certains de leurs élèves ne leur manifestent plus. Les chauffeurs de taxi qui ont payé cher leur entrée dans la profession voient fondre leurs revenus comme leur capital. Comme les débitants de tabac, certains ont utilisé leur prime de licenciement pour rebondir en se lançant dans une activité indépendante qu’ils croyaient protégée et qui semble maintenant livrée à la concurrence, parfois celle de la fraude. A Calais en permanence et parfois en d’autres points du territoire, les habitants, les propriétaires, les citoyens et contribuables voient leurs droits fondamentaux à la liberté d’aller et de venir, à la sécurité, à la propriété remis en cause par la présence inopportune, souvent envahissante et parfois violente de groupes qui troublent l’ordre public. Le quatrième droit fondamental reconnu par la Déclaration de 1789 et donc inscrit dans le Préambule de notre Constitution est la résistance à l’oppression. Malheureusement, le citoyen, propriétaire et contribuable qui aurait tort de revendiquer ce droit pour résister les armes à la main à l’atteinte aux libertés qu’il subit verrait réapparaître, mais à son encontre, un souci d’ordre public, étrangement distrait ou timoré en sa faveur.

En haut, le salon du pouvoir jette un regard compatissant vers le bas en même temps qu’il condamne fermement les slogans populistes qui jaillissent du café du commerce. « C’est plus compliqué que cela »… il faut avant tout respecter les « valeurs de la République »… nous allons trouver un accord, déboucher sur un compromis… un médiateur va être désigné… une aide va être octroyée. Le salon du pouvoir est devenu celui de l’impuissance. On y cause finalement comme au café du commerce, mais avec un langage plus élaboré. On n’y agit pas pour autant. Queuille en inspire toujours la philosophie : « Il n’y a pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». Si on met à part quelques interventions militaires en Afrique, depuis des années la politique française est un disque rayé. Les mêmes problèmes repassent. A chaque fois, ils se sont aggravés et ceux qui les subissent sont plus fatigués. Le gouvernement actuel réussit même l’exploit d’échouer là où ses prédécesseurs avaient obtenu de bons résultats. Depuis deux ans, les morts sur la route sont plus nombreux. Cela ne s’était pas produit depuis 35 ans ! Le gouvernement actuel y ajoute un autre exploit : le chômage baisse partout chez nos voisins, il augmente chez nous ! Dans aucun domaine, la France ne peut afficher une indiscutable réussite. Un gouvernement socialiste dans un Etat structurellement socialiste, si on considère la dépense publique et le nombre des fonctionnaires, ne peut rétablir ses équilibres, réduire ses déficits, retrouver sa compétitivité que par une révolution non-violente, qu’on désigne par l’expression de réformes structurelles. Elles n’ont pas été mises en oeuvre dans notre pays. La Suède, par exemple, a eu ce courage. Les petites phrases provocatrices de M. Macron sur le temps de travail ou la pénibilité de la direction d’entreprises fournissent du carburant à la polémique permanente qui tient lieu de dialogue social, elles n’alimentent pas le moteur de notre économie. La colère des taxis contre l’ubérisation, c’est-à-dire contre l’image qu’ils se font du libéralisme, est la conséquence inévitable des contradictions idéologiques du gouvernement.

Qui peut imaginer faire rebondir le pays sans changer ceux qui le dirigent si mal ? Des élections sont évidemment nécessaires et le plus tôt sera le mieux. Mais qui aura le courage de dire aux Français exténués par des années d’agitation et de communication politiciennes qu’il leur faut entreprendre une révolution dont les étapes et les objectifs seront clairement énoncés. Je ne vois ni de Churchill ni de Thatcher à l’horizon. C’est pourtant de ce type de dirigeants dont la France a un urgent besoin !