Le jeune chancelier autrichien Sebastian Kurz a annoncé, le 8 juin 2018, son intention de fermer sept mosquées jugées problématiques : quatre à Vienne, deux en Haute-Autriche et une en Carinthie.
Ce sont environ 60 imams qui pourraient être affectées par ces mesures, a précisé le ministre de l’Intérieur Herbert Kickl. Leurs familles sont également concernées et 150 personnes au total pourraient perdre leur droit de résidence en Autriche, a-t-il indiqué. Dans certains cas, le processus d’expulsion d’imams financés par la Turquie a d’ores et déjà commencé, a ajouté le ministre.
La plupart sont membres de l’Union islamique turque d’Autriche (Atib), organisation liée à la Présidence des Affaires religieuses turque, Diyanet, qui finance le culte musulman sunnite. A l’encontre de la loi autrichienne de 2015 qui interdit le financement des imams par des fonds étrangers. L’une des mosquées que l’Atib gère à Vienne, a suscité un scandale lorsque l’hebdomadaire autrichien de centre gauche Falter a publié des photos montrant des enfants, en tenue de soldat, jouer la bataille de Gallipoli (campagne des Dardanelles), la victoire des Ottomans sur les Alliés en 1915-16.
Sebastian Kurz a alors déclaré la nécessité de lutter contre l’islam politique : « ce qui s’est passé en ce lieu (...) n’a pas sa place en Autriche. Le gouvernement fera preuve d’une tolérance zéro ». « Des sociétés parallèles, l’islam politique et la radicalisation n’ont pas leur place dans notre pays ».
Ces mesures entraînent le monde vers une « guerre entre les Croisés et le Croissant », a mis en garde le président turc Recep Tayyip Erdogan. « Ils disent qu’ils vont bouter hors d’Autriche nos hommes de religion. Croyez-vous que nous ne réagirons pas si vous faites une telle chose ? Cela signifie que nous allons devoir faire quelque chose », a prévenu le président turc lors d’un discours prononcé dans la soirée du 9 juin à Istanbul. La veille, le porte-parole du président avait déjà dénoncé les expulsions décidées par l’Autriche comme une mesure résultant, selon lui, de « la vague populiste, islamophobe, raciste et discriminatoire » dans ce pays.
Cependant l’Atib a qualifié cette représentation de « hautement regrettable », et son porte-parole, Yasar Ersoy, a reconnu, sur la radio publique autrichienne Ö1, que plusieurs de ses imams étaient financés par la Turquie.
Environ 360.000 personnes d’origine turque vivent en Autriche, dont 117.000 ont la nationalité turque. Le pays de 8,7 millions d’habitants a enregistré plus de 150.000 demandes d’asile, représentant près de 2% de sa population, à la suite de l’afflux de réfugiés en 2015-2016. A l’occasion des élections présidentielles et législatives turques anticipées au 24 juin 2018, le gouvernement autrichien a explicitement interdit aux responsables turcs d’organiser des meetings en Autriche, en vue de ce double scrutin.
Rappel : Dans le cadre de la campagne des Dardanelles, en février 1915, les Alliés se lancent dans une tentative malheureuse pour forcer le détroit et s’emparer d’Istanbul, capitale de l’Empire ottoman. Une expédition terrestre est organisée, les Alliés débarquent en avril à Gallipoli mais sont défaits après de longs mois d’offensive. La défense ottomane sous le commandement allemand distingue un jeune colonel, Mustafa Kemal, rapidement promu général. Qualifié de « sauveur des Dardanelles et de la capitale » il s’opposera au sultan Mehmed VI qui signe l’armistice de Moudros avec les Alliés, le 30 octobre 1918. Il formera un contre-gouvernement et favorisera l’avènement de la République turque moderne en 1923, dont il deviendra le premier président.
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